ANCIENS GUERILLEROS ET VICTIMES DU CONFLIT ARME EN COLOMBIE
Comme une grande partie de l’Amérique du Sud, la Colombie brille par ses inégalités sociales que même le gouvernement de gauche actuel ne parvient pas à réduire significativement.
Au début du 20 ème siècle les propriétés de quelques grands propriétaires terriens sont démantelées au profit de petits paysans. Ces propriétaires recrutent alors des milices pour récupérer les terres, celles-ci massacrent 1500 personnes et ce n’est qu’un début. Dans les années 50 le décompte des tués est estimé entre 100 000 et 300 000 personnes pour ces mêmes raisons.
Les FARC (Forces Armées Révolutionnaires colombiennes) sont nées de cette situation, pour tenter de réparer ces injustices et redonner la terre et le pouvoir au peuple par la force des armes.
L’idéologie est communiste, marxiste-léniniste, à la tête du mouvement on trouve des intellectuels, révoltées par les inégalités, l’injustice et les violences subies par le peuple.
La base elle est constituée, d’ouvriers, de ruraux, et surtout de paysans souvent très jeunes, très pauvres et quasiment illettrés. Ils rejoignent les FARC par manque de perspectives ou pour se protéger plus que par idéologie. Ils y reçoivent l’instruction qu’ils n’ont pas eu, ainsi qu’une éducation militaire et politique, certains graviront les échelons et occuperont des postes importants au sein des FARC.
Dans les années 80 un parti de gauche est créé par des intellectuels, il obtient plus de 400 000 voix aux présidentielles de 1982. Ses membres sont alors persécutés et assassinés. Parmi les tués on trouve des députés, des maires etc, les estimations sont d’au moins 4000 morts, 6000 selon certaines sources. Beaucoup des survivants rejoignent la guerilla.
Les combats les plus violents ont eu lieu dans les années 2000, sous la présidence autoritaire d’Uribe, on estime aujourd’hui à près de 500 000 le nombre de tués et plus de 100 000 disparus. Plusieurs millions de personnes ont été déplacées souvent à plusieurs reprises, essentiellement par les violences des paramilitaires dans le seul but d’accaparer les terres au profit des plus riches.
L’ONU estime que 80 % des assassinats et massacres sont imputables aux paramilitaires à la solde des riches propriétaires, 8 % à l’armée et les 12 % restants aux FARC et autres groupes armés.
Après des années de tractations, des accords de paix ont été signés entre les FARC et le gouvernement fin 2016. La situation des anciens combattants ayant rendu les armes et signé les accords de paix n’est pas simple du fait de la stigmatisation à laquelle ils sont confrontés, en décembre 2024, 438 d’entre eux ont été assassinés. Ils savent que la liste n’est pas close, chaque jour ils se demandent qui sera le prochain.
Certains membres des FARC sont entrés en dissidence, refusant de rendre les armes. Ils existe aussi d’autres groupes armés, souvent plus impliqués dans le contrôle du trafic de la cocaïne que dans le lutte politique. Les paramilitaires sont encore aujourd’hui très puissants. Tout cela fait qu’une partie du pays est encore hors du contrôle de l’État.
Ce reportage présente les portraits d’une trentaine de personnes, ex guerilleros ou victimes du conflit et quelques bribes de leur histoire. Les anciens guerilleros évoquent peu les combats et la mort, préférant parler de leur idéal, de la fraternité et de l’amitié qui les liait et les relie toujours. Beaucoup d’entre eux ont passé plusieurs décennies cachés dans la jungle, le retour à la vie ordinaire est difficile, ils se sentent isolés et différents, dans un monde individualiste qui leur était étranger jusqu’alors. Ils évoquent aussi le fait qu’il s’agissait d’une guerre « de pauvres contre pauvres » selon leurs mots, car la majorité des guérilleros comme la majorité des paramilitaires étaient issus de la même classe sociale défavorisée, les uns luttant contre les privilèges des plus riches, les autres se mettant à leur service.
Ils ont mis fin à leur combat estimant qu’en plus de 50 ans la violence n’était pas parvenu à créer une société plus juste et que le combat devait maintenant être mené sur le seul plan politique.
Reportage réalisé pour le Secours Populaire Français qui s’investit dans le processus de paix en Colombie.
Des interviews sont disponibles sur demandes.
FORMER GUERRILLAS AND VICTIMS OF THE ARMED CONFLICT IN COLOMBIA
Like much of South America, Colombia stands out for its social inequalities, which even the current left-wing government has not managed to reduce significantly.
At the beginning of the 20th century, the properties of a few large landowners were dismantled in favour of small peasants. These landowners then recruited militias to reclaim the land, which massacred 1,500 people, and that was only the beginning. In the 1950s, an estimated 100,000 to 300,000 people were killed for the same reasons.
FARC (Revolutionary Armed Forces of Colombia) was born out of this situation, in an attempt to right these wrongs and give the land and power back to the people by force of arms.
The ideology is communist, Marxist-Leninist, and the movement is led by intellectuals revolted by the inequalities, injustice and violence suffered by the people.
The rank and file is made up of workers, rural dwellers and above all peasants, often very young, very poor and virtually illiterate. They join FARC for lack of prospects or for protection rather than ideology. They received the education they had not had, as well as a military and political education, and some climbed the ranks to occupy important positions within FARC.
In the 1980s, intellectuals set up a left-wing party, which won more than 400,000 votes in the 1982 presidential elections. Its members were then persecuted and murdered. Among those killed were deputies, mayors, etc. Estimates put the death toll at at least 4,000, or 6,000 according to some sources. Many of the survivors joined the guerrillas.
The most violent fighting took place in the 2000s, under Uribe's authoritarian presidency, and it is now estimated that almost 500,000 people were killed and more than 100,000 disappeared. Several million people have been displaced, often more than once, mainly as a result of violence by paramilitaries whose sole aim is to grab land for the benefit of the wealthiest.
The UN estimates that 80% of murders and massacres are attributable to paramilitaries in the pay of wealthy landowners, 8% to the army and the remaining 12% to FARC and other armed groups.
After years of negotiations, peace agreements were signed between FARC and the government at the end of 2016. The situation of former combatants who have surrendered their weapons and signed the peace agreements is not easy because of the stigma they face. In December 2024, 438 of them were murdered. They know that the list is not closed, and every day they wonder who will be next.
Some FARC members have gone into dissidence, refusing to give up their weapons. There are also other armed groups, often more involved in controlling cocaine trafficking than in the political struggle. The paramilitaries are still very powerful. As a result, part of the country is still beyond the control of the state.
This report presents portraits of around thirty people, ex-warriors or victims of the conflict, and a few snippets of their stories. The former guerrillas say little about the fighting and death, preferring to talk about their ideals, the fraternity and friendship that bound them and still binds them together. Many of them spent several decades hiding in the jungle, and the return to ordinary life was difficult. They felt isolated and different, in an individualistic world that had been foreign to them until then. They also talk about the fact that it was a war of ‘poor against poor’, as they put it, because most of the guerrillas and most of the paramilitaries came from the same underprivileged social class, some fighting against the privileges of the richest, others putting themselves at their service.
They put an end to their struggle, believing that over 50 years of violence had not succeeded in creating a fairer society and that the fight should now be waged on a political level alone.
This report was produced for Secours Populaire Français, which is involved in the peace process in Colombia.
Interviews are available on request.