SAINT LOUIS DU SENEGAL ENTRE CHANGEMENT CLIMATIQUE ET ERREURS HUMAINES, LES CONSEQUENSES
Saint louis du Sénégal et sa région sont particulièrement touchées par le changement climatique et ses corollaires : montée des eaux, érosion côtière, pics de chaleurs, accroissement des sècheresses en intensité et en durée, pluies violentes, inondations, salinisation des sols réduisant les surfaces cultivables, raréfaction des ressources halieutiques....
Le sol de la vieille ville coloniale, construite sur une île du fleuve ne s'élève que très peu au dessus de ses eaux qui parfois débordent largement inondant des quartiers entiers. Pour y remédier les autorités ont décidé en 2003, sans études approfondies, d'ouvrir une brèche de délestage dans la Langue de Barbarie juste en aval de la ville. La Langue de Barbarie est une bande de sable longue d'une quarantaine de kilomètres et large de quelques centaines de mètres dans ses parties les plus larges. Elle sépare sur toute cette longueur le fleuve de l'Océan Atlantique et constitue un paradis pour quantité d'oiseaux. Des dizaines de milliers de pêcheurs y vivent aussi.
Cette brèche ouverte en une nuit mesurait initialement quelques mètres de largeur, mais la mer n'a cessé de s'y engouffrer emportant la dune et tout ce qui s'y trouve. Elle mesure maintenant plus de 5 kilomètres de large, l'océan qui s'engouffre dans le fleuve a salé par capillarité les terres de la région qui était le jardin de Saint Louis, aujourd'hui même les puits sont salés et abandonnés. Les villages se sont vidés, certain ont même simplement été engloutis.
Cette ouverture crée par l'homme est aussi un redoutable piège pour les pêcheurs qui l'utilisent afin de rejoindre l'océan en évitant de passer par son embouchure et gagner ainsi quelques dizaines de kilomètres, la force du courant faisant chavirer bon nombre de pirogues. Depuis l'ouverture de la brèche, plusieurs centaines de marins, souvent encore des enfants s'y sont noyés.
Les quartiers de Saint Louis comme celui de Guet Ndar qui se situent sur la Langue de Barbarie abritent plus de trente mille personnes, des pêcheurs et leurs familles pour la plupart. Face à l'océan, bon nombre de leurs maisons ont été détruites lors des récentes tempêtes, ceux là ont tout perdu, ils doivent se reloger à leurs frais, se faire héberger quelque part par leurs familles ou se rendre dans des camps d'urgence mis à leur disposition par les autorités avec le soutien d'ONG.
Le camp de toile de Boudiouck est situé loin de la mer, bien trop loin pour des familles de pêcheurs habitués à vivre près de leurs bateaux face à l'océan. Il leur faut maintenant payer le transport pour travailler. Ils y renoncent certains jours craignant de perdre plus qu'ils ne gagneraient. Dans le camp, dépourvu d'électricité en raison de l'inflammabilité des matériaux utilisés et souvent sans eau, la chaleur devient insupportable dès que le soleil s'élève dans le ciel et l'ombre est rare. Enfants et adultes sont tristes et souvent en mauvaise santé. Une partie des enfants n'est pas scolarisée et les familles se trouvent considérablement appauvries.
Depuis quelques années le poisson se fait rare et de plus en plus petit, la faute aux navires étrangers qui écument les environs avec leurs chaluts. Les femmes de pêcheurs sont souvent mareyeuses et transformatrices de poissons pour améliorer les revenus des familles.
A quelques kilomètres de la ville, dans les régions de Gandon et Gandiole autrefois prospères et aujourd'hui désertées par les hommes en âge de travailler, des centaines de femmes s'organisent en association, récoltent le sel dans les lagunes, essaient d'obtenir un label qui leur permettrait d'exporter leur production et de nourrir leur famille. Elles espèrent aussi le soutien d'associations étrangères.
D'autres femmes des villages bordant le fleuve aux eaux maintenant salées pêchent des arches, des huitres et autres coquillages, parfois au péril de leur vie pour en faire le commerce et améliorer leur quotidien.
Reportage réalisé avec l'aide et le soutien des Aires Marines Protégées (AMP) du Sénégal et de Djiby Sambou et d'Awa Bousso Dramé, chercheurs à Dakar.
SAINT LOUIS DU SENEGAL BETWEEN CLIMATE CHANGE AND HUMAN ERROR, THE CONSEQUENCES
Saint louis du Sénégal and its region are particularly affected by climate change and its corollaries: rising water levels, coastal erosion, heat peaks, increased intensity and duration of droughts, violent rains, floods, salinisation of the soil reducing the area available for cultivation, and the depletion of fish stocks....
The ground of the old colonial city, built on an island in the river, rises only slightly above the water, which sometimes overflows and floods entire districts. To remedy this, the authorities decided in 2003, without any in-depth studies, to open a breach in the Langue de Barbarie just downstream from the city. The Langue de Barbarie is a strip of sand some forty kilometres long and a few hundred metres wide in its widest parts. It separates the river from the Atlantic Ocean and is a paradise for many birds. Tens of thousands of fishermen also live there.
This gap opened overnight and was initially a few metres wide, but the sea has continued to rush in, carrying away the dune and everything on it. It is now more than 5 kilometres wide, the ocean rushing into the river has salted by capillary action the land of the region that was the garden of Saint Louis, today even the wells are salted and abandoned. The villages have emptied, some have even been simply swallowed up.
This man-made opening is also a formidable trap for fishermen who use it to reach the ocean by avoiding the mouth of the river and thus gain a few dozen kilometres, as the force of the current capsizes many canoes. Since the opening of the breach, several hundred sailors, often still children, have drowned there.
The neighbourhoods of Saint Louis and Guet Ndar, which are located on the Langue de Barbarie, are home to more than thirty thousand people, mostly fishermen and their families. Facing the ocean, many of their houses were destroyed during the recent storms, and they have lost everything. They have to rehouse themselves at their own expense, be accommodated somewhere by their families or go to the emergency camps made available to them by the authorities with the support of NGOs.
The Boudiouck camp is located far from the sea, far too far for fishermen's families used to living near their boats facing the ocean. They now have to pay for transport to work. They give up some days for fear of losing more than they would earn. In the camp, which has no electricity because of the flammability of the materials used and often no water, the heat becomes unbearable as soon as the sun rises in the sky and shade is rare. Children and adults are sad and often in poor health. Some of the children do not go to school and the families are considerably impoverished.
In recent years, fish have become scarce and smaller, due to the foreign ships that scour the area with their trawls. The fishermen's wives often fish and process fish to improve their families' income.
A few kilometres from the city, in the once prosperous regions of Gandon and Gandiole, now deserted by men of working age, hundreds of women are organising themselves into associations, harvesting salt in the lagoons, trying to obtain a label that would allow them to export their production and feed their families. They are also hoping for support from foreign associations.
Other women from the villages along the river, whose waters are now salty, fish for arches, oysters and other shellfish, sometimes risking their lives to trade them and improve their daily lives.
This report was produced with the help and support of the Senegalese Marine Protected Areas (MPAs) and Djiby Sambou and Awa Bousso Dramé, researchers in Dakar.