Antarctique - Le grand Raid
L'Antarctique. Le sixième continent. 14 millions de kilomètres carrés. Un dôme de glace enchâssé dans un socle rocheux. Le continent le plus sec, le plus froid, le plus difficile d'accès. Le continent des superlatifs. Le monde des extrêmes...
Perdue aux confins de ce territoire, une station scientifique franco-Italienne : Concordia. Trois fois par an, un convoi quitte Dumont D'Urville pour la ravitailler. Le voyage au départ d'Hobart en Tasmanie dure trois à quatre semaines, quelquefois plus. Le temps pour L' Astrolabe de rejoindre par la mer la Terre Adélie, d'affronter les vents, de briser les glaces, de s'en libérer parfois. Puis, l'arrivée de l'autre côté du monde, un monde en noir et blanc.. Les hommes et leur chargement s'enfoncent alors sur une piste de 1200 kilomètres dans un grand désert glacé. Dans le milieu polaire, ce convoi vers l'irréel s'appelle le Raid. Sur ce voyage, nul passager mais dix conducteurs, dix hommes, travaillant dans des conditions exceptionnelles... En 2013, j'étais l'un de ces chauffeurs.
Impressions d'Antarctique
Blanc Dehors
Les plongeurs inventent, dit-on, les épaves qu'ils découvrent...
L'Antarctique, lui, fut inventé par les hommes avant même d'avoir été découvert. Dès l'Antiquité, il figure sur les cartes, comme pour contrebalancer les terres du nord, pour donner au monde son équilibre. Aucun navigateur, à ce que retient l'histoire humaine - ne l'avait accosté avant que Dumont D'Urville ne donne, en 1840, le nom de sa femme, Adélie, à une infime partie de cette calotte glaciaire.
Le continent échappa longtemps encore à la connaissance humaine. Et le blanc de la carte de l'Antarctique que dévoraient du regard les explorateurs de la fin du XIXème siècle est toujours aussi immaculé. Lorsqu'on arpente ce territoire, on ne voit rien. Rien, si ce n'est l'ombre de nos pas, de nos peurs, de nos images, l'ombre de nous-même... Pour le photographe confronté à l'immensité blanche et désertique, c'est un
peu l'enfer. Une forme d'angoisse de la page blanche : C'est la Lune, sans Apollo, sans homme ni drapeau. Tout est grandiose, époustouflant, extravagant. Mais comment le dire, l'écrire avec la lumière, par la photographie, alors que tout est si loin, que le premier plan se
confond avec le deuxième qui lui-même se confond avec le troisième. Un univers monochrome où le ciel se dissout dans le sol, le white out dit-on en anglais, le jour blanc en français, ou « blanc dehors ».
L'Antarctique n'existe pas plus aujourd'hui qu'il n'existait il y a 500 ans. Il n'est semble t-il que la projection mentale, imaginaire des hommes qui le rêvent ou le traversent...
De ce voyage sont nés deux livres :
La Lune est blanche aux Éditions Futuropolis, 2014. Un livre en collaboration avec mon frère Emmanuel LEPAGE. Un ouvrage associant BD, photographies, Illustrations.
Les Ombres Claires aux Editions PerspectivesArt9, un livre de photographe et de texte, un regard parallèle sur cette expérience au coeur du continent polaire, le bord du cadre..