LES SURVIVANTES
Peur de parler, maillage associatif faible, mobilité réduite, manque de lieux d?accueil, poids des relations sociales, isolement... En milieu rural, les femmes victimes de violences conjugales ont plus de mal à sortir du silence. Si peu d'attention reste accordée à cette problématique, ces femmes peuvent pourtant subir une double épreuve : aux souffrances des violences s'ajoutent des conditions plus difficiles d'accès aux droits. Dans les campagnes, les victimes citent très souvent le poids de la proximité d'autrui comme un des principaux obstacles à la sortie du silence. Dans les associations d'accueil des victimes, on mentionne aussi la difficulté de se confier au médecin de famille, à la fois proche de l'auteur des violences et de la victime ou, par exemple, de porter plainte quand un gendarme joue dans le même club de football que le conjoint. Ces formes d'interconnaissance existantes dans le monde rural contribuent à enfermer la femme dans la cellule conjugale. À la campagne, les violences conjugales sont davantage un tabou et banalisées, en raison de la prégnance des stéréotypes sexistes et d'une société encore très patriarcale. Pour certaines femmes, des situations de précarité financière compliquent également la sortie des violences. Chez les agricultrices, il y a encore une zone grise concernant la reconnaissance statutaire, voire une absence de statut tout court, qui peut favoriser une dépendance à l'égard de la ferme familiale. Quitter la ferme, par exemple en cas de violences, peut aussi être considéré par ces femmes comme une mise en péril économique de l'exploitation, alors que les enfants sont destinés à la reprendre. Cette imbrication entre le familial et le professionnel existe aussi dans les commerces et l?artisanat. Dans le Tarn, l'association Paroles de femmes a mis en place en 2016 un réseau de relais ruraux pour aiguiller les victimes de violences conjugales vers des services d'aide. Ces relais sont aujourd'hui environ quatre-vingt-dix, des femmes majoritairement mais aussi des hommes, formé·es pour agir dans leur village au repérage de ces violences, et sauver discrètement des vies...
Survivors
Fear of speaking out, weak network of associations, limited mobility, lack of shelters, weight of social relations, isolation... In rural areas, women who are victims of domestic violence find it more difficult to break the silence.
Although little attention is paid to this problem, these women can suffer a double ordeal: in addition to the suffering of violence, they have more difficult access to rights.
In the countryside, victims very often cite the weight of proximity to others as one of the main obstacles to breaking the silence.
Victim support associations also mention the difficulty of confiding in the family doctor, who is close to both the perpetrator and the victim, or, for example, of lodging a complaint when a gendarme plays in the same football club as the spouse.
These forms of inter-knowledge that exist in the rural world contribute to locking the woman into the conjugal cell. In the countryside, domestic violence is more of a taboo and trivialised, due to the prevalence of sexist stereotypes and a still very patriarchal society.
For some women, financial insecurity also makes it difficult to escape violence. Among women farmers, there is still a grey area regarding status recognition, or even a lack of status altogether, which can encourage dependence on the family farm. Leaving the farm, for example in the event of violence, can also be seen by these women as putting the farm in economic jeopardy, while the children are destined to take it over. This interweaving of the family and the professional also exists in trade and crafts.
In the Tarn, the Paroles de femmes association set up a network of rural relays in 2016 to refer victims of domestic violence to support services. These relays are now about ninety, mainly women but also men, trained to act in their village to spot this violence and discreetly save lives...