LA TRANSHUMANCE DE VACHES LAITIERES : UNE EXCEPTION DANS LES PYRENEES
Il est 6h du matin lorsque j'arrive sur l'estive où j'ai rendez-vous avec Xabi, celui des deux frères membres du GAEC qui est ce jour-là avec le troupeau dans cette montagne de Basse Navarre, aux confins de la Navarre. Je gare ma voiture à côté de l'enclos dans lequel se trouve la machine à traire mobile de quatre places, l'algéco où le fromage est confectionné juste après la traite et la caravane qui sert de logement et où se relaient chaque nuit, les deux frères.
L'endroit est magnifique, encaissé entre les montagnes où paissent traditionnellement des brebis et niché contre une petite rivière qui va alimenter des cours d'eau plus importants allant se jeter dans la Méditerannée. Et oui, dans ce coin reculé de ces Pyrénées qui se veulent océaniques, l'eau court vers la mer, à l'opposé !
Immédiatement, nous partons chercher les vaches qui pacagent un peu plus haut, dans les fougères, sous lesquelles elles trouvent une herbe grasse et abondante.
Le troupeau est placide, même sous l'énergie des chiens. On sent que les frères sont respectueux du rythme de leurs animaux et qu'ils les traitent avec égard et calme.... le caractère du troupeau est bien souvent le reflet de celui de leur propriétaire !
Dociles, les vaches suivent Xabi jusqu'à l'enclos où elles seront maintenues dans un parc jusqu'à la fin de la traite qui se fait à la machine. Elles passent 4 par 4 et en cette fin de saison, elles ne donnent plus beaucoup de lait. Mais suffisamment pour confectionner un petit fromage à la taille et à la texture ressemblant à celles d'un Reblochon. Ce petit fromage a été mis au point récemment et porte le nom de l'estive. Il est plus facile à fabriquer ici car il demande moins de lait et une manipulation plus aisée que son grand frère que Xabi et Johan confectionnent à la ferme. Ces deux fromages ont des qualités organoleptiques hors du commun pour des fromages de vaches des Pyrénées.
En même temps qu'il fait avancer les vaches vers la machine à traite alimentée par un groupe électrogène, qu'il nettoie les trayons, qu'il place le gobelet trayeur, qu'il libère les animaux une fois qu'ils n'ont plus de lait et plus tard, pendant la confection du fromage, Xabi me rappelle l'intérêt majeur de pratiquer la transhumance chaque été.
Ici dans les Pyrénées basques, comme dans toutes la chaîne Pyrénéenne, la transhumance se fait essentiellement avec les brebis, des vaches allaitantes, quelques chevaux, mais il est très rare qu'elle se fasse avec des vaches laitières. Ce n'est pas, en effet, la tradition dans ce massif montagneux. Et Xabi et Johan sont parmi les très rares éleveurs à la pratiquer avec leur troupeau.... Ils sont en tout cas, les seuls en Pays Basque et même sans doute dans les Pyrénées Atlantiques.
Economiquement, comme dans le Massif Central ou les Alpes, la transhumance est un atout économique pour les exploitations, surtout de petites tailles, car elle permet de libérer les prairies de la ferme pour récolter le foin de l'hiver. En montagne, la ressource herbagère est abondante, variée, riche, et gratuite ou presque, hormis une légère redevance destinée au syndicat qui gère la montagne. Par ailleurs, elle joue dans l'intérêt général car elle permet l'entretien des espaces et des paysages qui restent ainsi ouverts, favorisant l'attrait touristique.
Pour leur projet novateur dans la région, les deux frères, avec l'aide du syndicat du Pays de Cize (partie du territoire basque) ont du trouver un espace libre de brebis... Ils ont trouvé l'espace pour les animaux, mais pas la cabane de berger qui traditionnellement accompagne leur parcours (circuit qu'emprunte un troupeau pendant son estive et qui est toujours le même). Alors, ils ont amené une caravane qui leur sert de logement et dans laquelle ils habitent à tour de rôle, chaque soir et chaque nuit.
Pendant la pause café, dans la caravane, qui a lieu pendant la prise du fromage, notre conversation évoque le Pays Basque, les pratiques ancestrales des éleveurs, l'intérêt de la transhumance, la vie de famille notamment pendant cette période, l'équilibre à trouver dans sa vie d'éleveur qui demande une présence continue auprès des bêtes, tant en montagne qu'à la ferme, les choix qui poussent à reprendre la ferme familiale, les changements que les aïeuls ont opéré sur cette même ferme au fil du temps....
Mais ce qui ressort de cette matinée passée au coté de Xabi, après l'avoir regardé travailler, parler à ses vaches, les diriger dans le calme, la plupart du temps sans bâton, plonger les mains dans le lait et son esprit dans le silence, rassembler les brisures de caillé sans précipitation, s'apercevoir sans stress qu'il a oublié la présure et faire un petit saut en voiture dans un kaiolar voisin pour s'en faire prêter, prendre le temps de boire deux cafés et manger trois morceaux de gâteau, c'est le plaisir et la passion qui l'animent à faire ce travail de paysan qu'il a choisi.
Lui, c'est avec des vaches laitières qu'il a décidé de travailler. Mais cette passion est aussi celle de tous les éleveurs alentours qui eux, ont perpétué la tradition basque de l'élevage de brebis laitières en races locales. Dans ces montagnes, le métier de paysan est difficile, exigeant, chronophage, mais les éleveurs que je rencontre régulièrement l'ont chevillé au corps. Et Xabi, déjà 37 ans, son petit béret vissé sur la tête quoi qu'il arrive, a les yeux qui brillent quand il parle de son métier !
TRANSHUMANCE OF DAIRY COWS : AN EXCEPTION IN THE PYRENEES
t's 6:00 a.m. when I arrive at the mountain pasture where I have an appointment with Xabi, the one of the two brothers who are members of the GAEC (Groupe d'Economie Agricole) who is with the herd that day in this mountainous area of Lower Navarre, on the borders of Navarre. I park my car next to the enclosure containing the four-person mobile -milking machine, the trailer where the cheese is made right after milking, and the caravan that serves as accommodation and where the two brothers take turns each night.
The location is magnificent, nestled between the mountains where sheep traditionally graze and nestled against a small river that feeds larger streams that flow into the Mediterranean. And yes, in this remote corner of these Pyrenees, which are supposed to be oceanic, the water flows towards the sea, on the other side! We immediately set out to find the cows grazing a little higher up, in the ferns, where they find lush, abundant grass.
The herd is placid, even under the dogs' energy. We sense that the brothers respect their animals' rhythms and treat them with respect and calm... the character of the herd is often a reflection of that of their owner!
Docile, the cows follow Xabi to the paddock where they will be kept in a pen until the end of the milking, which is done by machine. They pass four by four, and at the end of the season, they no longer produce much milk. But enough to make a small cheese similar in size and texture to a Reblochon. This small cheese was recently developed and is called of the place. It is easier to make in the summer pastures because it requires less milk and is easier to handle than its big brother, which Xabi and Johan make on the farm. These two cheeses have exceptional organoleptic qualities for cheeses made from Pyrenean cows.
As he leads the cows toward the generator-powered milking machine, cleans the teats, inserts the teat cup, and releases the animals once they have run out of milk, and later, during the cheesemaking process, Xabi reminds me of the major benefit of practicing transhumance every summer.
Here in the Basque Pyrenees, as throughout the Pyrenees, transhumance is carried out mainly with sheep, suckler cows, and a few horses, but it is very rare for it to be done with dairy cows. Indeed, it is not traditional in this mountain range. And Xabi and Johan are among the very few breeders to practice it with their herds... In any case, they are the only ones in the Basque Country and probably even in the Atlantic Pyrenees. Economically, as in the Massif Central or the Alps, transhumance is an economic asset for farms, especially small ones, because it frees up the farm's meadows to harvest winter hay. In the mountains, grassland resources are abundant, varied, rich, and almost free. Moreover, it serves the public interest because it allows for the maintenance of spaces and landscapes, which thus remain open, promoting tourist appeal.
For their innovative project in the region, the two brothers, with the help of the public association that manages the mountains in Pays de Cize (part of the Basque region), had to find a space free of sheep. They found space for the animals, but not the shepherd's hut that traditionally accompanies their journey (a circuit taken by a flock during its summer pastures, which is always the same). So, they brought a caravan that serves as their home and in which they take turns, every evening and night. During the coffee break in the caravan, which takes place while the cheese is being collected, our conversation discusses the Basque Country, the ancestral practices of breeders, the benefits of transhumance, family life, especially during this period, the balance to be found in one's life as a breeder, which requires a constant presence with the animals, both in the mountains and on the farm, the choices that led to taking over the family farm, the changes that ancestors have made on this same farm over time....
But what emerges from this morning spent alongside Xabi, after watching him work, talking to his cows, leading them calmly, most of the time without a stick, plunging his hands into the milk and his mind into silence, gathering the broken curds without rushing, realizing without stress that he forgot the rennet and taking a quick drive to a nearby kaiolar to borrow some, taking the time to drink two coffees and eat three pieces of cake, is pleasure and passion that motivate him to do this farming job he has chosen.
He decided to work with dairy cows. But this passion is also shared by all the surrounding farmers who have perpetuated the Basque tradition of raising local dairy sheep. In these mountains, farming is difficult, demanding, and time-consuming, but the farmers I meet regularly have it firmly in their hearts. And Xabi, already 37 years old, his little beret screwed on his head no matter what, his eyes light up when he talks about his job !