PEIO, PAYSAN POUR LA VIE !
Peio a 68 ans…. Il vit depuis toujours dans sa ferme de Basse Navarre, en Pays Basque intérieur, accrochée au flanc de la vallée encaissée qui part de St Jean Pied de Port vers Pampelune, à l’endroit où cette vallée se resserre pour devenir finalement une gorge…Ce fond de vallée est sans doute, en raison de sa topographie, le plus ingrat d’Iparralde.
Peio a toujours voulu être paysan, comme ses parents, décédés trop tôt, comme ses grands-parents.
Peio est l’aîné de quatre enfants, tous des garçons. Il s’est installé tout naturellement sur la ferme, qui par ailleurs, n’était pas désirée par les autres. Il y a fondé une famille et c’est sa fille aujourd’hui, qui a repris l’exploitation.
Peio n’a jamais pris de vacances. Nulle part il n’est mieux qu’ici... sur ses prairies pentues, lors de casse-croûte avec ses amis, dans sa montagne où il emmène ses brebis en estive pendant 5 mois.
Peio est engagé dans la vie de la Commune mais surtout au sein de la Commission Syndicale du Pays de Cize qui gère l’usage de la montagne, laquelle est publique ici. Peio a toujours défendu une agriculture paysanne en adhérent notamment au syndicat ELB, branche basque de la Confédération Paysanne.
Peio a toujours travaillé très durement. Il en paie physiquement le prix encore aujourd’hui. Car sa ferme n’est pas facile à travailler. Elle est située au bas d’une croupe, entre deux profonds talwegs boisés au Nord et en fougeraie au Sud. Il ne possède qu’une quinzaine d’hectares dont moins de dix de prairie particulièrement pentue, situés au dessus et au-dessous de la maison. On ne peut y accéder qu’à pied ou avec des engins adaptés aux grandes pentes et qui viennent de Suisse. Ces machines sont plus petites que les tracteurs traditionnels et ont un centre de gravité beaucoup plus bas, ce qui leur donnent plus de stabilité. Mais malgré tout, les pentes sont telles que les travaux des foins, d’épandage de fumier, ou de nettoyage des prairies restent extrêmement dangereux. A la ferme, seul Peio accompli ses travaux très particuliers.
Mais il ne fait pas que ça, il fait la traite des brebis, le fromage, il soigne les brebis malades ou qui ont des problèmes de boiterie, il s’occupe des agnelages, de faire téter les agneaux lorsqu’ils ne sont pas assez dégourdis ou que leurs mères ne les aiment pas, il s’occupe aussi de la quinzaine de vaches allaitantes et de leurs veaux. L’été, de mai à fin octobre, il surveille le troupeau parti en transhumance sur les sommets situés aux confins de la Navarre. L’hiver, il s’occupe d’emmener les agnelles de renouvellement et leurs mères, ainsi que les agnelles de l’année précédente dans des prairies situées plus bas dans le piémont, car il n’y a pas assez de place sur la ferme ou sur les quelques 7 hectares qui sont loués à proximité. Il nettoie à la débroussailleuse, les bords de prairie. L’hiver, lorsque les brebis sont à la bergerie, il leur distribue les fourrages.
En fait, il fait comme il a toujours fait, invariablement, inlassablement.
Pourtant, Peio est à la retraite. Et après toutes ces années de dur labeur qui l’ont physiquement usé, il touche moins de 1000 euros de pension. Mais, pourtant, il continue Peio, car il aime ce qu’il fait. Lorsque l’on est éleveur comme lui, on est avant tout passionné. Il vaut mieux, d’ailleurs, car l’argent ne peut être le moteur de ce métier, qui exige une présence et un dévouement constants. Qui peut travailler aussi durement pour si peu de revenu, s’il n’est pas passionné par ce qu’il accompli.
Mais Peio a ce métier dans le sang. Il chérie ses belles brebis Manech tête noire, qui ont une allure folle avec leurs magnifiques cornes. Cependant, moins laitière, plus sauvage, cette brebis est délaissée aujourd’hui au profit d’autres races plus ou moins locales, telles la tête rousse et la basco-béarnaise.
Il aime tout particulièrement la période de l’estive qu’il passe avec son troupeau à plus de 1.200m d’altitude, sur les sommets bas-navarrais. Il prend alors ses quartiers au kaiolar, sa cabane de berger : confort sommaire, mais environnement exceptionnel. Pourtant, la vie à la montagne n’est pas toujours une sinécure, lorsque le froid, le vent, le brouillard s’installent durablement. Ces jours là, la vie de berger ne peut faire rêver personne, et cela se produit plus souvent qu’on ne le croit.
Mais, rien ne fera changer d’avis Peio, qui inlassablement, au fil des saisons, quelle que soit la météo, accompli sa tâche avec amour et passion, même si l’arthrose a gagné presque tout son corps.
Mais Peio n’est pas le seul dans ce cas. Les personnes de sa génération, hommes ou femmes, ne parviennent pas à décrocher, tant ils sont animés par cette passion de ce métier, par cette manière très particulière qu’on a ici de l’exercer, alors même pourtant que dans beaucoup de familles, les jeunes générations ont officiellement pris la relève.
Quand on est paysan ici, on l’est pour la vie.
Peio, a farmer for life !
Peio is 68 years old…. He has always lived on his farm in Lower Navarre, in the inland Basque Country, clinging to the side of the steep valley that runs from St Jean Pied de Port to Pamplona, at the point where this valley narrows to finally become a gorge… This valley floor is undoubtedly, due to its topography, the most ungrateful in Iparralde.
Peio has always wanted to be a farmer, like his parents, who died too early, like his grandparents.
Peio is the eldest of four children, all boys. He settled quite naturally on the farm, which, moreover, was not wanted by the others. He started a family there and it is his daughter today who has taken over the farm.
Peio has never taken a holiday. Nowhere is better than here... on his steep meadows, during snacks with his friends, in his mountain where he takes his sheep to the summer pastures for 5 months.
Peio is involved in the life of the Commune but especially within the Commission Syndicale du Pays de Cize which manages the use of the mountain, which is public here. Peio has always defended peasant agriculture by joining in particular the ELB union, the Basque branch of the Confédération Paysanne.
Peio has always worked very hard. He still pays the physical price today. Because his farm is not easy to work. It is located at the bottom of a ridge, between two deep wooded valleys to the north and fern forest to the south. He only owns about fifteen hectares, of which less than ten are particularly steep meadows, located above and below the house. It can only be accessed on foot or with machines adapted to steep slopes and which come from Switzerland. These machines are smaller than traditional tractors and have a much lower centre of gravity, which gives them more stability. But despite everything, the slopes are such that working with hay, spreading manure or cleaning meadows remains extremely dangerous. On the farm, only Peio does his very specific work.
But he doesn't just do that, he milks the sheep, makes cheese, he looks after sick sheep or those with lameness, he takes care of lambing, suckling the lambs when they are not sufficiently alert or when their mothers do not like them, he also takes care of the fifteen suckler cows and their calves. In the summer, from May to the end of October, he watches over the herd that has gone on a transhumance to the peaks located on the borders of Navarre. In winter, he takes care of taking the replacement lambs and their mothers, as well as the lambs from the previous year to meadows located lower in the foothills, because there is not enough space on the farm or on the 7 hectares that are rented nearby. He cleans the edges of the meadow with a brush cutter. In winter, when the sheep are in the sheepfold, he distributes the fodder to them.
In fact, he does as he has always done, invariably, tirelessly.
However, Peio is retired. And after all these years of hard work that have physically worn him out, he receives less than 1000 euros in pension. But, nevertheless, Peio continues, because he loves what he does. When you are a breeder like him, you are above all passionate. It is better, moreover, because money cannot be the driving force of this profession, which requires constant presence and dedication. Who can work so hard for so little income, if he is not passionate about what he accomplishes.
But Peio has this profession in his blood. He cherishes his beautiful Manech black-headed sheep, which have a crazy look with their magnificent horns. However, less dairy, more wild, this sheep is abandoned today in favor of other more or less local breeds, such as the red head and the Basco-Béarnaise.
He particularly likes the summer pasture period that he spends with his flock at an altitude of more than 1,200m, on the peaks of Lower Navarre. He then takes up his quarters in the kaiolar, his shepherd's hut: basic comfort, but exceptional environment. However, life in the mountains is not always easy, when the cold, wind, and fog settle in for a long time. Those days, the life of a shepherd cannot make anyone dream, and it happens more often than you think.
But, nothing will change Peio's mind, who tirelessly, throughout the seasons, whatever the weather, carries out his task with love and passion, even if osteoarthritis has taken over almost his entire body.
But Peio is not the only one in this case. People of his generation, men or women, cannot manage to give up, so much are they driven by this passion for this profession, by this very particular way that we have here of practicing it, even though in many families, the younger generations have officially taken over.
When you are a farmer here, you are for life.