Le dos des arbres
Les photographies de Clara Chichin sont un appel à l?errance. Son travail s'élabore sur la fugacité, tel un équilibre chimique introduisant une vision poétique dans le réel. L'écriture photographique de cette jeune artiste française tente de révéler les parties invisibles de la captation photographique.
Les prises de vues en couleurs ou en noir et blanc livrent des paysages baignant dans des lumières étranges, issues de sources luminescentes ou incandescentes, intensifiées par une chromatique, froide ou chaude, auréolant chaque image. La photographe privilégie la réfraction cristalline, l'effet vaporeux du sfumato, le rai de lumière venant trancher le clair-obscur, la faible clarté entre chien et loup ou l'éblouissement surgissant de l'encre de la nuit. La dimension picturale est évidente dans cette inclinaison iconoclaste à jouer de systèmes d'éclairages de différentes époques. Se rejoue une part de la tradition pictorialiste des débuts de la photographie, selon une version contemporaine qui s'en détache par un rendu appauvri, un peu rebelle aux préceptes idéalistes du XIXe siècle. Le traitement photographique est empreint d'une usure apparente, d'une perte désirée de réalité, tandis que les recherches chromatiques, approfondies au tirage, font virer les couleurs rappelant, en cela, les techniques d?antan.
Il s'agit rarement de produire une belle image nette et idéalement cadrée selon les normes d'une image documentaire. L'artiste préfère l'indécis et le mouvement dans le paysage. Le flou, le grain de l'image et, parfois, l'imprécision du cadrage y concourent. Même quand l'image parait objective au premier abord, la vision offerte n'est pas tant la composition du paysage que le sentiment qu'il inspire dans ses espaces, ses vides et sa profondeur.
La singularité de l'écriture de la jeune artiste évoque l'esthétique d'Angela Graeurholz ou de Corinne Mercadier, par les "déviances" techniques et l'effet d'intemporalité. Il n'y a cependant pas de ressort narratif chez Clara Chichin. Sa captation du monde est la réverbération de son univers intime. Un prisme embué, à la réfraction dispersée, et dont la quête s'inscrit dans la prolongation de l'instantané photographique.
Christine Ollier, Commissaire de l'exposition
Le dos des arbres
d'une rive l'autre
les allers retours,
regard porté vers le ciel
(contre le ciel, les cimes)
de tout leur long leur corps à terre
des nuances de gris
- quelque chose d'un peu fade -
les bras ballants,
errements, et les cris abrutissants en demi teinte,
le souvenir des pleurs au réveil
les arbres à terre,
les bras ballants,
(à la prise de vue, souvent elle leur coupe les bras ou les pieds,
une tenue incertaine, un peu molle)
elle se dit qu'elle répète chaque fois les même petites phrases,
mais leur parle très peu
de l'une à l'autre
- entre deux eaux -
The back of the trees
The back of the trees from one bank to another back and forth, eyes turned to the sky (against the sky, the tops) at full length their body to the ground shades of gray - something a bit bland - arms dangling, erring ways, and numbing halftone cries, memory of crying upon waking trees on land arms dangling, (on shooting, she often cuts off their arms or feet, uncertain holding, a little soft) she tells herself she’s always repeating the same little phrases, but speaks to them very little from one to the other - between two waters –