Île de rêve et rêves d'ailleurs
C'est une île de carte postale. 75 km² de terres à la végétation luxuriante, entourées d'un lagon aux infinies nuances de bleu. Ici, le thermomètre descend rarement en-dessous de 25 degrés. La terre et la mer offrent de quoi nourrir quiconque sait en tirer partie. Pour peu d'avoir accès à un bateau, il est très facile de s'offrir la solitude d'une plage de sable blanc. Et si les anciens falés aux toits de feuilles de pandanus tendent à disparaître, il reste assez de chapelles encadrées de cocotiers pour trouver aux paysages un charme pittoresque. Malgré tous ces attraits, Wallis, confetti jeté au milieu du Pacifique avec ses petites soeurs Futuna et Alofi, n'accueille quasiment pas de touristes. A l'inverse, l'île ne cesse de perdre des habitants. Le dernier recensement, réalisé en 2023, y comptabilise 8 088 habitants (à peine plus de 11 000 sur l'ensemble des circonscriptions de ce Territoire d'Outre-Mer) et accuse une perte d'un quart de la population depuis 2003.
Sur l'île, les débouchés professionnels se comptent sur les doigts d'une main. Réaliser ses rêves passe par l'exil, même si cela déchire le coeur. Beaucoup iront en Nouvelle-Calédonie, où résident déjà plus de 20 000 membres de la communauté, ou en métropole, à 16 000 km du fenua, leur île natale. Le plus souvent, on part une fois le bac en poche, mais les personnes âgées aussi s'exilent, rejoignant enfants et petits-enfants. Pour les familles qui restent, leur absence a la couleur du parpaing : les maisons abandonnées par centaines, vite regagnées par la végétation, jalonnent les routes et chemins de Wallis. Certaines ont été laissées en cours de construction, attestant seulement de la propriété d'une terre.
L'avenir, c'est la jeunesse, dit-on. Ici, l'avenir ne cesse de faire ses bagages, n'aspirant qu'à une chose : quitter le soi-disant paradis, l'ennui et les idées noires, le chômage et l'isolement. Leur projet? Étudier, s'engager dans l'armée, pratiquer un sport de compétition (le rugby, le volley, le handball...), s'installer. Le manque de débouchés n'est pas la seule raison de quitter Wallis. La République n'est pas la seule à y faire loi. Le pouvoir est partagé avec la chefferie, ou plutôt les chefferies : depuis 2005, deux rois revendiquent le titre, entraînant une profonde division sociale. Cette société patriarcale et clanique intervient dans de nombreux domaines, notamment les questions de propriété ou judiciaires, et reste attachée à des normes de bienséance d'un autre âge, héritées des missionnaires chrétiens. Un système qui pèse sur les épaules des jeunes hommes et des jeunes femmes. En compagnie des adultes, ils et elles gardent souvent la tête baissée, se contentent de peu de mots quand on les interroge.
Jeunes ou moins jeunes, une petite partie reviendront pourtant, plus ou moins rapidement, travailler dans l'administration, s'occuper des personnes âgées de la famille, ou simplement profiter du cadre confortable de leur terre natale. Faut-il avoir été ailleurs pour se sentir bien ici? « Ici, on est libre », nous répondent souvent les insulaires. En creusant, on comprend qu'il s'agit d'une liberté des petites choses : aller à la plage quand on veut, conduire sans permis, ne pas attacher sa ceinture. Et puis il y a la liberté de ne pas avoir à se soucier d'autres choses : de loyer ou de charges, puisque être né à Wallis donne droit à une terre sur laquelle bâtir sa maison comme on l'entend et qu'il n'y a ici ni cadastre ni taxes foncières ; de frais de santé puisque l'accès aux soins est entièrement gratuit.
Comment évoluera Wallis si sa population continue à baisser? Parmi les craintes de cette petite communauté, figurent la montée des prix, la perte des traditions ou encore la fermeture d'écoles et la suppression d'emplois. Depuis le COVID, quelques jeunes actifs reviennent avec des projets d'entreprises et de vie familiale. S'agit-il de cas exceptionnels ou du début de l'inversion de la tendance?
Texte Pascaline Vallée
Dream island and dreams of elsewhere
It's a postcard island. 75 km² of lushly vegetated land, surrounded by a lagoon of infinite shades of blue. Here, the thermometer rarely dips below 25 degrees. The land and sea offer plenty of nourishment for anyone who knows how to make the most of them. With access to a boat, it's easy to enjoy the solitude of a white-sand beach. Despite all its attractions, Wallis, a confetti thrown into the middle of the Pacific along with its little sisters Futuna and Alofi, receives almost no tourists. Conversely, the island is steadily losing population. The latest census, carried out in 2023, counted 8,088 inhabitants (just over 11,000 for all the districts of this Overseas Territory) and shows a loss of a quarter of the population since 2003.
On the island, professional opportunities can be counted on the fingers of one hand. If you want to make your dreams come true, you have to go into exile, even if it's heartbreaking. Many will go to New Caledonia, where over 20,000 members of the community already reside, or to mainland France, 16,000 km from Fenua, their native island. Most leave once they've passed their baccalaureate, but the elderly also go into exile, joining their children and grandchildren. For the families who remain, their absence is the color of cinder blocks: abandoned houses by the hundreds, quickly reclaimed by the vegetation, dot the roads and paths of Wallis. Some have been left in the course of construction, attesting only to the fact that they were built in the first place.
Youth is the future, they say. Here, the future is constantly packing its bags, yearning for just one thing: to leave the so-called paradise of boredom and gloom, unemployment and isolation. Their plan? Study, join the army, play a competitive sport (rugby, volleyball, handball...), settle down. Lack of opportunity is not the only reason for leaving Wallis. The Republic is not the only law of the land. This patriarchal, clannish society intervenes in many areas, including property and judicial matters, and remains attached to old-fashioned standards of decorum inherited from Christian missionaries. A system that weighs heavily on the shoulders of young men and women.
Whether young or old, a small number of them will return, more or less quickly, to work in the administration, look after elderly family members, or simply enjoy the comfortable surroundings of their native land. Do you have to have been elsewhere to feel at home here? Here, you're free," islanders often reply. Dig deeper, and you realize that it's freedom in the little things: going to the beach when you want, driving without a license, not wearing a seatbelt. And then there's the freedom not to have to worry about other things: rent or charges, since being born in Wallis gives you the right to a piece of land on which to build your house as you see fit, and there are no land registries or property taxes here; health costs, since access to care is entirely free.
How will Wallis evolve if its population continues to decline? Among the fears of this small community are rising prices, the loss of traditions, school closures and job losses. Since COVID, a few young working people have returned with plans for business and family life. Are these exceptional cases or the beginning of a trend reversal?
Texte Pascaline Vallée