Foire du Trône dans les années 70
Il y avait ce jeu de diapositives trimballées de maison en maison depuis des lustres, sans doute devaient-elles voir le jour, elles n'ont été ni jetées, ni perdues. Ces ektas suintaient un voile humide étrange composé de bulles microscopiques qu'il a fallu nettoyer avec mille précautions une fois sorties de leur feuilles plastique de rangement. Je n'ai que peu de souvenirs de les avoir prises.
Quelque chose me saute aux yeux, là, le sentiment d'un monde disparu, d'une époque révolue, les visages vieux de presque un demi-siècle. Dans la surenchère actuelle de la sensation forte, les attractions extrêmes d'aujourd'hui vous mettent le corps et le coeur à l'envers, on s'agite tout seul devant les écrans peuplés de bolides et de méchants et les enfants ne pêchent plus les petits canards de plastique multicolores. Comme une rumeur lointaine, les valses sur cartes perforées des limonaires qu'on faisait marcher à la manivelle...
Les images ont amorti le bruit de la fête qui pourtant battait son plein - les haut-parleurs qui déversaient une avalanche de musique disco, Dona Summer ou les Bee Gees, le grincement des structures métalliques de la grande roue et des montagnes russes, les détonations dans les stands de tir à la carabine, les appels au micro des forains pour attirer les chalands, les cris d'effroi de ceux qui croisaient des squelettes dans le train fantôme... Allez, roulez jeunesse, en avant pour la grande sensation !
Le silence l'emporte à présent. Un silence de mort et de peluches abandonnées. Le silence des images.
Dans l'air flotte comme une odeur de friture, churros cannelés, croustillants et gaufres tapissées de sucre glace.
Foire du Trône in the 70s
There was this set of slides that had been lugged from house to house for ages, no doubt destined to see the light of day, but neither discarded nor lost. These ektas oozed a strange damp veil of microscopic bubbles, which had to be cleaned with a thousand precautions once removed from their plastic storage sheets. I have little recollection of taking them.
Something jumps out at me, the feeling of a vanished world, of a bygone era, the faces almost half a century old. In today's overkill for thrills, today's extreme attractions turn your body and heart upside down, you're all alone in front of screens populated by racing cars and villains, and children no longer fish for multicolored plastic ducks. Like a distant rumor, the waltzes on punched cards of the crank-operated limonaires...
The images dampened the noise of the party, which was nevertheless in full swing - the loudspeakers pouring out an avalanche of disco music, Dona Summer or the Bee Gees, the creaking of the metal structures of the Ferris wheel and roller coasters, the detonations in the rifle shooting stands, the calls on the fairground microphones to attract shoppers, the cries of fright of those who came across skeletons in the ghost train... Come on, roll up youth, let's go for the big thrill!
Silence now prevails. A silence of death and abandoned stuffed animals. The silence of images.
In the air floats like a smell of fried food, fluted churros, crisp and waffles lined with powdered sugar.