Sargassum Fluitans
Elles viennent de loin les sargasses agglutinées en radeaux, de l'Amazone dit-on et de la mer qui porte leur nom aussi. A l'évocation de ce simple mot, un effroi généralisé quoiqu'assez local jette une ombre durable sur les perspectives d'avenir de celles et de ceux qu'il côtoie en ce 3 août 2021. Le nom d'Attila, de Napoléon ou le prénom Adolf n'aurait pas semé autant de terreur, il doit y avoir menace, sinon, pourquoi ?
Quelques siècles en arrière, d'autres embarcations moins végétales abordaient les côtes des Antilles, qui s'en plaignait alors ? Certains firent naufrage, en mer, sur terre ils furent asservis. Aujourd'hui encore. Quel port pour les accueillir ? Pas certains, les enseignements de l'histoire. Bois d'ébène - marées brunes.
Une sargasse pas si molle, dérivante, ferme, acidulée et légèrement piquante au contact de la peau, en pleine forme ! D'une grande beauté ! La couleur : un jaune légèrement orangé, mais cela ne durera pas. On les appellera les algues brunes, peu de temps après leur échouage. Oeuf pourri, sulfure d'hydrogène, H2S, son état possible de décomposition en fera une tisane toxique et nauséabonde à moins qu'elle ne reparte comme elle est venue avec la marée.
La menace des touffes étouffantes ! Et pourtant luisantes, belles elles sont encore, ballotées près du rivage - alizés épuisés - rayonnantes, Sargassum Fluitans. Elles n'ont besoin de presque rien pour se reproduire, juste se laisser dériver les pieds dans l'eau avec leurs flottilles de poissons qui suivent, indolents compagnons de voyage, le navire glissant sur les gouffres amers.
Détestant toute forme de solitude, la sargasse sait s'entourer, elle est la reine de son biotope avant de faire naufrage et de quitter son élément. A terre, son parcours de vie s'étiole vite, le jaune ternit, s'éteint, la voilure sèche, s'atrophie comme une vieille peau que l'amour a rejetée sur l'autre berge, celle qui jouait avec les vagues, les embruns et les dauphins s'empile à présent en banquettes malodorantes sur la grève, de simples laisses de mer.
L'algue a un nom scientifique latin, Sargassum, c'est dire qu'on parle d'elle depuis longtemps !
Ne croyez pas qu'il soit si facile de les immobiliser comme objets photographiques d'études. Amassées en épais radeaux dérivants, elles peinent à se distinguer l'une de l'autre, elles font foule. Mais légèrement ballottées lors de leur atterrissage par de gentilles vaguelettes au creux d'anses protégées du vent, séparées de la multitude, elles dansent en se moquant éperdument de qui de quoi, elles semblent ne pas imaginer cet avenir de repoussante sécheresse qui les attend.
Mais là, sur ce fond de sable clair à peine zébré du passage des poissons curieux, la touffe encore souple se fond dans le flot, emportée, ramenée par le ressac impérieux, il faut pourtant l'immobiliser dans son ultime danse soubresautante. Pour vous en parler, en mots et en images.
Sargassum Fluitans
They come from far away, the sargassum agglutinated in rafts, from the Amazon they say and from the sea that bears their name too. At the mention of this simple word, a generalized fear, although quite local, casts a long-lasting shadow on the future prospects of those who are in contact with it on this August 3rd, 2021. The name of Attila, Napoleon or Adolf would not have caused so much terror, there must be a threat, otherwise, why?
A few centuries ago, other less vegetal boats approached the coasts of the West Indies, who was complaining then? Some were shipwrecked at sea, on land they were enslaved. Still today. Which port to welcome them? Not sure, the lessons of history. Ebony wood - brown tides.
A not so soft sargassum, drifting, firm, acidulous and slightly prickly to the contact of the skin, in full form! Of a great beauty! The color: a slightly orange yellow, but it will not last. They will be called brown algae, shortly after their stranding. Rotten egg, hydrogen sulfide, H?S, its possible state of decomposition will make it a toxic and nauseating tea unless it leaves as it came in with the tide.
The threat of suffocating clumps! And yet shiny, beautiful they are still, tossed near the shore, exhausted trade winds, radiant, Sargassum Fluitans. They need almost nothing to reproduce, just to drift with their feet in the water with their flotillas of fishes which follow, indolent companions of voyage, the ship sliding on the bitter chasms.
Hating any form of solitude, the sargassum knows how to surround itself, it is the queen of its biotope before making shipwreck and leaving its element. On land, its life course quickly fades, the yellow dulls, fades, the sail dries, atrophies like an old skin that love has rejected on the other bank, the one that played with the waves, the spray and the dolphins is now piled up in smelly banks on the shore, simple seaweed.
The seaweed has a scientific name, Sargassum, which means that it has been talked about for a long time!
Don't think that it is so easy to immobilize them as photographic study objects. Amassed in thick drifting rafts, they struggle to distinguish one from the other, they are crowded. But lightly tossed when they land by gentle ripples in the hollow of coves protected from the wind, separated from the multitude, they dance, not caring who or what they are, they don't seem to imagine the future of repulsive drought that awaits them.
But there, on this background of clear sand barely streaked with the passage of curious fish, the still supple tuft melts into the flow, carried away, brought back by the imperious surf, it is necessary however to immobilize it in its ultimate jolting dance. To tell you about it, in words and images.