Les femmes de l'attiéké - Côte d'Ivoire
A 90km au Nord d'Abidjan, près de la localité d'Agboville, se trouve le village de Grand Morié. C'est ici que 173 femmes sont organisées en coopérative pour fabriquer un des aliments de base des Ivoiriens : l'attiéké (semoule fermentée de manioc). Les femmes s'inscrivent et chacune vient avec son équipe de deux à trois personnes. En trois jours, toutes ensemble, elles transforment jusqu'à dix tonnes d'attiéké.
L'attiéké est une spécialité originaire du Sud de la Côte d'Ivoire. Elle est initialement produite par les Ebriés. La consommation n'a eu de cesse d'augmenter et de s'étendre à tout le pays ainsi qu'à l'exportation. Son succès est dû à son coût bon marché et au fait que c'est un accompagnement adéquat pour les plats typiques du pays (poisson ou viande).
Ce sont les femmes qui gèrent cette production : elles cultivent le manioc, le transforment et le vendent. Souvent, c'est grâce à ce revenu qu'elles peuvent envoyer leurs enfants à l'école, acheter les fournitures pour le quotidien. Si l'attiéké permet de faire vivre des milliers de familles ivoiriennes, le travail qu'il entraîne est extrêmement chronophage et difficile. Il l'est d'autant plus que les femmes n'ont pas de système de garde et emmènent leurs enfants en bas âge avec elles pour travailler. Tout cela doit rentrer dans l'emploi du temps journalier des femmes qui tiennent également toute la maison : ménage, cuisine, soin aux enfants et aux parents.
La production d'attiéké est telle que le marché ivoirien est parfois saturé. Les femmes ne parviennent plus à écouler leurs stocks. Elles cherchent alors des commandes auprès de grossistes ou pour l'exportation vers l'Europe. Elles peuvent également faire de l'attiéké pour le garba (un plat populaire à base de thon) ou une autre sorte d'attiéké appelée l'abgodjama (qualité supérieure).
Une autre difficulté majeure est l'accès à la terre pour les femmes. Traditionnellement, ce ne sont pas elles qui sont propriétaires mais leurs maris, leurs pères ou leurs oncles. Par le fait, si elles viennent à divorcer ou à devenir veuve elles peuvent perdre les terrains qu'elles cultivent. Elles n'héritent pas non plus des terres. Cela est réservé aux hommes. Cet enjeu conditionne radicalement l'avenir de ces femmes et de leurs enfants.
Elodie Fond
The women of attiéké - Ivory Coast
90km north of Abidjan, near Agboville, is the village of Grand Morié. It is here that 173 women are organized in cooperatives to make one of the basic foods of the Ivorians: attiéké (fermented cassava semolina). The women register and each comes with her team of two to three people. In three days, all together, they process up to ten tons of attiéké.
Attiéké is a specialty originating from the South of Ivory Coast. It is initially produced by the Ebriés. Consumption has continued to increase and spread throughout the country and to exports. Its success is due to its low cost and the fact that it is a suitable accompaniment for typical dishes of the country (fish or meat).
Women manage this production: they grow cassava, process it and sell it. Often it is because of this income that they can send their children to school, buy supplies for everyday life. If attiéké makes it possible to support thousands of Ivorian families, the work it involves is extremely time-consuming and difficult. It is all the more so since women do not have a childcare system and take their young children with them to work. All this must fit into the daily schedule of women who also run the whole house: housework, cooking, care of children and parents.
Attiéké's production is such that the Ivorian market is sometimes saturated. Women can no longer sell their stocks. They then seek orders from wholesalers or for export to Europe. They can also make attiéké for garba (a popular tuna dish) or another kind of attiéké called abgodjama (superior quality).
Another major challenge is women's access to land. Traditionally, they are not the owners but their husbands, fathers or uncles. In fact, if they divorce or become widows, they may lose the land they cultivate. Nor do they inherit land. This is for men only. This issue radically conditions the future of these women and their children.
Elodie Fond