The Blizzard
Interrogé sur son texte, l'auteur offre une réponse tournée vers l'avenir. « J'aime la neige. Un manteau neigeux recouvre la terre et embellit tout. Il y a les bouleversements et toutes les contradictions de notre quotidien, puis il neige et le monde est beau », déclare Vladimir Sorokin à propos de sa nouvelle. À l'instar des œuvres de Pouchkine et de Tolstoï, elle porte le titre Метель (Le Blizzard) et, à première vue, se lit comme un intertexte distillé de la tradition russe des tempêtes de neige. « Si vous êtes dehors et que vous êtes pris dans un blizzard, c'est fini. C'est un phénomène magnifique, mais aussi un événement terrible et fatal. Mon histoire a en réalité trois protagonistes : le médecin, son cocher et le blizzard. C'est le troisième qui l'emporte à la fin. »
Tout comme la beauté d'un paysage enneigé, la langue du XIXe siècle dans laquelle écrit Sorokin est elle aussi une illusion. Le cadre référentiel, les relations entre les personnages et le style narratif de son écriture visionnaire induisent d'abord le lecteur en erreur. L'odyssée post-apocalyptique de Garin, un médecin qui souhaite apporter un vaccin à un village isolé où une mystérieuse épidémie transforme les habitants en zombies, se déroule dans le futur.
Lors d'une promenade en calèche rétrofuturiste à travers un vaste paysage blanc – rien que de la neige en vue –, personnages et lecteurs perdent toute notion de distance et de temps. Ils se retrouvent face à des êtres grotesques, géants et nains, et vivent des escapades érotiques et des hallucinations sous l'emprise de drogues. Ces moments sont si terrifiants qu'une vie simple semble à nouveau digne d'être vécue. Le voyage s'essouffle, la catastrophe est mise en suspens et la mission reste inachevée.
The Blizzard
When asked about his text, the author offers an answer that looks to the future. ‘I love snow. A blanket of snow covers the earth and makes everything beautiful. There are the upheavals and all the contradictions of our everyday lives, and then it snows and the world is beautiful,’ says Vladimir Sorokin when talking about his novella. Like works by Pushkin and Tolstoy, it carries the title Метель (The Blizzard) and, at first sight, reads like an intertext distilled from the Russian snowstorm tradition. ‘If you’re outside and get caught in a blizzard, that’s it. It’s a beautiful phenomenon, but also a terrible, fateful event. My story really has three protagonists: the doctor, his coachman and the blizzard. The third one wins out in the end.’
Much like the beauty of a snowy landscape, the 19th-century language in which Sorokin writes is also an illusion. The referential framework, character relationships and narrative style of his visionary writing initially lead the reader astray. The post-apocalyptic odyssey of Garin, a doctor who wants to bring a vaccine to a remote village where a mysterious plague is turning the inhabitants into zombies, takes place in the future.
On a retrofuturistic carriage ride through a vast white landscape — nothing in sight but snow — characters and readers alike lose all sense of distance and time. They come face to face with grotesque beings, giants and dwarfs, and experience erotic escapades and drug-fuelled hallucinations. These are so frightful that a simple life seems worth living again. The journey peters out, the catastrophe is put on hold and the mission goes unfulfilled.