Terre de feu
Dans la région du Jharkand, au nord-est de l'Inde, la terre brûle et le sol se dérobe depuis plus d'un siècle. Un gigantesque gisement de charbon a pris feu sous la surface terrestre et ne cesse de se consumer obligeant les villageois à fuir toujours plus loin. Des mines à ciel ouvert, principalement exploitées par le gouvernement sous l'acronyme BCCL et des compagnies privées, ont remplacé les galeries souterraines d'antan pour augmenter la productivité. Les terres se privatisent et la population, qui travaillait auparavant légalement dans les mines, se voit obligée de collecter du charbon à l'aube lorsque la police n'est pas présente sur les sites d'extraction. Ces nouvelles exploitations polluent l'eau, détruisent les forêts et rendent les terres stériles mais l'autonomie énergétique de l'Inde est la priorité numéro 1 et la population n'est ni consultée, ni prise en considération.
Au petit matin, hommes, femmes et enfants multiplient les aller-retours entre les mines voisines et leur village pour collecter un maximum de charbon en un minimum de temps. Ils slaloment sur des sentiers abruptes et rocailleux en portant des paniers pouvant peser jusqu'à quarante kilos. Commence ensuite un long processus de combustion pour extraire les matières nocives du charbon (monoxyde de carbone, dioxyde de sulfure, mercure...) et en faire du « soft coal », un minerai commercialisable. Pour l'obtenir, et en dépit des risques évidents pour la santé, les épaisses fumées noires des brûlis émergent au milieu des maisons de chaque village et polluent un peu plus l'air déjà saturé de substances toxiques. Après une combustion de 6 ou 7 heures, le charbon est mis en sac et chargé sur des vélos. Les pousseurs, en solo ou par équipe de 2, transportent jusqu'à 400 kilos de charbon sur une dizaine de kilomètres avant de le revendre dans les échoppes de Jharia ou au marché noir de Dhanbad. Ce travail herculéen leur rapporte 2 à 3 euros par jour.
Une multitude de villages, entourant principalement la ville de Jharia, sont menacés par les flammes et les glissements de terrain mais le phénomène est trop important pour être endigué. De plus, cette catastrophe est un excellent prétexte pour évacuer les populations, récupérer les terres et agrandir les exploitations sans déclencher de protestations. Des milliers de famille, littéralement et financièrement au bord du gouffre, attendent désespérément de l'aide. Une opération de réhabilitation menée par le gouvernement est en cours mais leur programme prend du retard. 100 000 familles doivent être déplacées urgemment alors que Belgaria, un ensemble d'immeubles sorti de terre entre 2008 et aujourd'hui, ne peut en accueillir que 7000. A ce jour, deux phases de construction sont terminées et quatre autres sont en chantier. Ces nouveaux logements sont approvisionnés en eau et en électricité mais Belgaria se trouve à près de vingt kilomètres de Dhanbad et personne ne veut s'y installer. Là-bas, il n'y a pas de travail et pas de transport. Les relogés, isolés et désoeuvrés, vivent sur une allocation de 300 roupies (4 euros) qui leur est versée pendant 500 jours avant de se retrouver dans la misère.
Land of fire
In the Jharkand region of north-east India, the earth burns and the ground collapses since more than a century. A gigantic coal deposit is consumed by underground fires, forcing villagers to flee further and further. Open pit mines, mainly operated by the government under the acronym BCCL and private companies, have replaced the underground galleries of yesteryear to increase productivity. The land is being privatized and the population, who used to work legally in the mines, is forced to collect coal at dawn when police are not present at the extraction sites. These new exploitations pollute the water, destroy the forests and impoverish the land, but India's energy autonomy is the number one priority and the population is neither consulted nor taken into consideration.
In the early morning, men, women and children multiply the journeys between nearby mines and their village to collect as much coal as possible in a minimum of time. They slalom on steep and rocky trails carrying baskets weighing up to forty kilos. Then a long combustion process begins to extract the noxious materials from the coal (carbon monoxide, sulfur dioxide, mercury ...) and turn them into "soft coal", a marketable ore. To obtain it, and despite the obvious health risks, the thick black smoke from the burns emerge in the middle of the houses of each village and pollute a little more air already saturated with toxic substances. After burning for 6 or 7 hours, the coal is bagged and loaded on bicycles. The pushers, solo or in teams of 2, carry up to 400 kilos of coal for about ten kilometers before reselling it in the shops of Jharia or in the black market of Dhanbad. This Herculean work earns them 2 to 3 euros a day.
A multitude of villages, mainly surrounding the city of Jharia, are threatened by flames and landslides but the phenomenon is too important to be contained. Moreover, this disaster is an excellent pretext to evacuate people, reclaim the land and expand coalfields without raising protests. Thousands of families, literally and financially on the brink, are desperate for help. A government-led rehabilitation operation is underway, but their program is falling behind. 100,000 families must be urgently moved, while Belgaria, a new agglomeration built between 2008 and today, can only accommodate 7,000 of them. To date, two construction phases have been completed and four others are under construction. These apartments are supplied with water and electricity but Belgaria is about twenty kilometers from Dhanbad and nobody wants to settle there. There is no work and no transportation. The relocated, isolated and idle, live on an allowance of 300 rupees (4 euros) which is paid to them for 500 days before ending up in misery without exit door.