SQUATTER : L'INSTALLATION SAUVAGE
Habiter en squat, c’est faire avec c’qu’on peu avec c’qu’on a !
Cette maxime vaut autant pour les matériaux, le lieu ou les squatteurs eux-mêmes. Loin des grands discours sur le droit au logement ou la lutte contre la spéculation immobilière et pour le droit d’usage, les travaux — et plus particulièrement la réappropriation — sont des moments plus discrets, moins spectaculaires qu’une barricade, mais tout aussi importants.
Les squatteurs s’adaptent au lieu en même temps qu’ils l’adaptent : l’habiter se fabrique dans un échange permanent entre le corps, le lieu et le collectif.
Quand la procédure légale est lancée — cette parenthèse qui suspend provisoirement l’expulsion — les premiers gestes sont ceux du soin : nettoyer, réparer, bricoler. Parfois il suffit d’un coup de balai ; parfois, c’est de l’excavation archéologique dans un monde figé depuis son abandon. Un ancien bureau devient une chambre, une chambre une cuisine, ou un appartement entier une salle de concert.
Chaque squat est le produit d’une équation singulière : un lieu (sa forme, son état), une équipe (ses savoir-faire, son énergie), une localité (le voisinage, les ressources disponibles). Changez un seul de ces paramètres, et vous obtenez une autre histoire, un autre squat.
Dans ce milieu où tout repose sur l’oralité et la débrouille, le savoir circule principalement à l’oral, par gestes, par mémoire. Ceux qui ont dix ans de squat derrière eux font figure d’anciens ; quand ils partent, ils emportent un bout de cette culture avec eux. Le milieu s’en trouve fragilisé, mais aussi en perpétuelle réinvention.
Cette série de photographies cherche à rendre visible cette réappropriation concrète et sensible : le moment où un espace vide devient un espace de vie, où l’habiter se construit à la main, dans la poussière, au rythme des voix et des corps.
SQUATTING: THE WILD SETTLEMENT
Living in a squat means making do with what you’ve got, and who you’ve got!
This saying applies as much to materials and places as to the squatters themselves. Far from the big speeches about housing rights, property speculation or the right to use, the work — and especially the process of reappropriation — unfolds in quieter moments, less spectacular than a barricade, but just as significant.
Squatters adapt to the space as they adapt it in return: dwelling is made in a constant exchange between the body, the place, and the collective.
Once the legal procedure begins — that brief window that temporarily suspends eviction — the first gestures are those of care: cleaning, repairing, tinkering. Sometimes a broom is enough; other times it’s more like an archaeological excavation of a world frozen since its abandonment. An old office becomes a bedroom, a bedroom turns into a kitchen, or a whole apartment transforms into a concert hall.
Each squat results from a unique equation: a place (its form, its state), a team (its skills, its energy), and a locality (its neighborhood, its available resources). Change just one of these variables, and you get another story — another squat.
In this world built on orality and resourcefulness, knowledge circulates through gestures, words, and memory. Those with ten years of squatting behind them are considered elders; when they leave, they take a piece of that culture with them. The scene becomes more fragile, yet constantly reinvents itself.
This photographic series aims to make visible this concrete and sensitive reappropriation: the moment when an empty space becomes a living one — when dwelling is built by hand, in dust, through voices and bodies at work.