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FIN DE LA TRÊVE HIVERNALE - LYON
Demain s’achève la trêve hivernale, dispositif légal français suspendant les expulsions du 1er novembre au 31 mars afin de protéger temporairement les populations précaires durant les mois d’hiver. Dans les squats alternatifs et politiques que j'ai observés durant plusieurs années, cette date marque un basculement vers une période d’instabilité accrue où resurgit quotidiennement la peur d’une expulsion imminente.
Cette menace ne pèse cependant pas de manière égale sur tous les occupants. Une asymétrie de la répression policière et administrative s'exerce selon la situation juridique des individus concernés, illustrant ce que Michel Foucault qualifiait de « gestion différentielle des illégalismes ». Si, pour les militants en situation régulière et conscients de leurs droits, l’expulsion se limite souvent à un simple contrôle d’identité ou une brève garde à vue, les personnes en situation irrégulière, victimes d'une violence administrative fondée sur leur précarité juridique et la méconnaissance entretenue de leurs droits, subissent une répression plus intrusive : fouilles minutieuses, fichage systématique, et menace constante d’une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF).
Lors d’une expulsion particulièrement tendue, après plusieurs heures de résistance, un policier m'avait lancé avec ironie : « Alors, on est bien sur les photos ? », tout en m’invitant à quitter les lieux sans même contrôler mon identité. Au même moment, alors que je repartais libre avec mes cartes mémoire cachées dans mes chaussettes, une famille Rom, à quelques pas seulement, était escortée à l’étage pour subir un contrôle approfondi d'identité pendant plus d’une heure. Aucun militant présent ce jour-là ne fut contrôlé. Cette différence de traitement illustre comment l’État adapte stratégiquement sa répression selon la capacité des personnes à mobiliser efficacement leurs droits, conditionnant ainsi profondément les stratégies de survie des populations les plus vulnérables face aux expulsions.
END OF THE WINTER EVICTION BAN – LYON
Tomorrow marks the end of the trêve hivernale, a French legal measure suspending evictions from November 1st to March 31st, temporarily protecting vulnerable populations during winter. In the alternative and political squats I have observed over several years, this date signals a shift toward heightened instability, with the daily fear of imminent eviction resurfacing.
However, this threat is not experienced equally by all occupants. There is a clear asymmetry in police and administrative repression based on individuals’ legal status, illustrating what Michel Foucault termed the “differential management of illegalisms.” For politically active squatters in a regular legal situation, knowledgeable about their rights, eviction often results merely in a quick identity check or brief detention. Conversely, people living without official legal status, subjected to administrative violence stemming from their juridical vulnerability and deliberately maintained ignorance of their rights, experience far more intrusive repression: meticulous searches, systematic profiling, and the constant threat of receiving an Obligation to Leave French Territory (OQTF).
During one particularly tense eviction, after several hours of resistance, a police officer ironically remarked to me: “So, how do you like your photos now?”, urging me to leave without even checking my identity. At the same time, as I walked away freely with my memory cards hidden in my socks, a Roma family just steps away was escorted upstairs for an extended identity check lasting over an hour. None of the activists present that day were subjected to similar scrutiny. This differential treatment demonstrates how the state strategically adapts its level of repression based on individuals’ capacity to effectively mobilize their rights, profoundly shaping the survival strategies of the most vulnerable populations facing eviction.