SQUATTER, OU HABITER LIBRE
I. APPROCHE & INTRODUCTION AU SQUAT.
« Progressivement, je me suis mis à voir les clichés que je prenais plus du point de vue de ceux qui étaient sur les photos. Dés lors, j'ai commencé à remettre en question mes méthodes en me demandant si je ne pouvais pas faire mieux que de répéter les images stéréotypées communément produites sur les sans-abris. J'ai commencé à croire que pour pouvoir approfondir les connaissances sûres tel ou tel groupe, il faut établir un lien plus fort que celui généralement existant entre le chercheur et son informateur, ou, de toute façon, entre le reporter et son sujet. »
Douglas HARPER, Good Company, University of Chicago Press, 1982.
Entre 2012 et 2017, j?entreprends un reportage sur le Squat avec comme approche, à l'instar de chercheurs comme Douglas HARPER, l'observation participante. Je me questionnais déjà depuis plusieurs années sur la place du reporter vis-à-vis de son sujet et en particulier sur la distance entre ce que je vivais et ce que vivaient les personnes photographiées. Je voulais photographier le squat comme une expérience que j'ai vécue et ressentie et non seulement observée ou aperçue. Je ne voulais pas seulement les photographier, mais savoir ce que cela signifie «Squatter».
Ce que je pensais qui allait être un sprint de quelques mois est devenu un marathon de plusieurs années...
«On sort ce soir?
- Où ça?
- Je sais pas on va au Valseuses à Croix-rousse?
- Ok, mais on reste dehors!
- Pourquoi?
- Car on est UNDERGROUND!»
Conversation entendue dans un squat
à Lyon en Juillet 2013.
Squatter est un anglicisme qui vient du verbe To Squat (s'abaisser, s'accroupir) en anglais, utilisé pour qualifier les colons européens et Étasuniens s'installant sur des terres sans en être les propriétaires au XVIIIe siècle en Amérique du Nord.
Bien que des formes d'opposition à la propriété privée aient existé avant les Squats contemporains, il est difficile d'en retracer une origine et parentalité précise. L'illégalisme, la courte durée de vie des squats et la transmission principalement orale des savoirs qui y sont développés, rendent ce milieu très fébrile au changement de ses acteurs, mais aussi un véritable laboratoire d'expériences de vie en communauté en dehors des normes et carcans sociaux. Chaque expulsion et chaque nouvelle ouverture emmènent à un renouveau du groupe et des règles qu'ils co-construisent sur les bases de ce qui a fonctionné ou non dans le lieu d'avant.
«Hier, avec Buck, on était posés sur les berges et là... On a vu une barque! UNE BARQUE! Du coup, on a chargé nos 8.6. Et on a squatté la barque. Vous nous auriez vus! Vogant au nez des bourgeois dans leurs péniches ... De vrai pirates!»
Propos entendu dans un squat à Lyon en Juillet 2014
Pour certains squatteurs, le squat est un outil, une tactique, et non un but. Les squatteurs, en se référant à la piraterie, renvoient à la création de communautés utopiques en dehors de la société et de ses lois, des espaces d?autonomie, ces Taz de débrouille qui leur permettent, même pour un très court instant, de vivre libres.
Considérés par les uns comme de vulgaires repaires à clodo et de dangereux nids à toxico, les squats n'en restent pas moins pour beaucoup de véritables refuges.
SQUATTER, OR FREE LIVING
I. APPROACH & INTRODUCTION TO SQUAT.
"Gradually, I began to see the pictures I was taking more from the point of view of the people in the photos. From then on, I began to question my methods, wondering whether I could do better than repeat the stereotypical images commonly produced of the homeless. I began to believe that in order to deepen our knowledge of this or that group, we need to establish a stronger link than the one that usually exists between the researcher and his informant, or, in any case, between the reporter and his subject".
Douglas HARPER, Good Company, University of Chicago Press, 1982.
Between 2012 and 2017, I undertook a report on the Squat, following the approach of researchers such as Douglas HARPER, using participant observation. I had already been wondering for several years about the place of the reporter in relation to his subject, and in particular about the distance between what I was experiencing and what the people photographed were experiencing. I wanted to photograph the squat as an experience that I lived and felt, not just observed or glimpsed. I didn't just want to photograph them, I wanted to know what it meant to squat.
What I thought was going to be a sprint of a few months became a marathon of several years...
"Are we going out tonight?
- Where are we going?
- I don't know, shall we go to Le Valseuses in Croix-Rousse?
- Ok, but we'll stay outside!
- Why should we stay out?
- Because we're UNDERGROUND!"
Conversation overheard in a squat in Lyon in July 2013.
Squatter is an Anglicism that comes from the verb To Squat, used to describe European and American settlers who moved onto land without owning it in 18th-century North America.
Although forms of opposition to private property existed before the contemporary squats, it is difficult to trace their precise origin and parentage. Illegalism, the short lifespan of squats and the predominantly oral transmission of the knowledge developed there, make this milieu highly susceptible to change on the part of its actors, but also a veritable laboratory for experiments in community living outside social norms and shackles. Each eviction and each new opening leads to a renewal of the group and the rules that they co-construct on the basis of what worked or didn't work in the previous place.
"Yesterday, Buck and I were sitting on the riverbank and... We saw a boat! A BOAT! So we loaded up our 8.6s. And we squatted in the boat. You should have seen us! Sailing under the noses of the bourgeois in their barges ... Real pirates!"
A comment heard in a squat in Lyon in July 2014
For some squatters, squatting is a tool, a tactic, not a goal. By referring to piracy, squatters are referring to the creation of utopian communities outside society and its laws, spaces of autonomy, these Taz of resourcefulness that allow them, even for a very short time, to live free.
Considered by some as vulgar bum dens and dangerous drug nests, squats are nonetheless true refuges for many.