LA WOMEN'S HOUSE DE BOBIGNY
La Women’s House de Bobigny accueille des jeunes filles mineures en recours auprès du juge des enfants pour faire valoir leur minorité. C’est une maison-refuge qui leur permet pendant quelques mois d’avoir un moment de répit et de se reconstruire après la précarité de la rue. Le projet, est mené par Utopia 56 et Médecins Sans Frontières (MSF) dans le cadre du programme Accueillons. Il vise à offrir un espace de sécurité où les jeunes sont accompagnées et peuvent bénéficier d’un suivi juridique, psychologique, médical et social. C’est aussi un temps de stabilité dans leur vie quotidienne où elles peuvent penser et construire un avenir personnel et professionnel.
Elles vivent ensemble depuis quelques semaines, d’autres depuis plusieurs mois durant toute la durée de leur recours de minorité. Elles sont accueillies dans la maison par les équipes d’Utopia.56 qui partagent leur quotidien et les accompagne vers l’accès à leurs droits, au soin, à la scolarisation et vers la concrétisation de leurs projets. Au fil des années, les coordinatrices et éducatrices ont su créer un espace protégé et bienveillant dans lequel les filles sont écoutées, soutenues et guidées dans le respect de leurs histoires et projets de vie de chacune.
Lorsque ces jeunes filles arrivent en France, elles ne bénéficient pas immédiatement de la protection qui leur revient en tant que mineures, malgré leur grande vulnérabilité. Elles se retrouvent souvent sans abri, livrées à elles-mêmes et doivent affronter une procédure complexe pour prouver leur minorité. Les MIE sont, comme son nom l’indique la petite case administrative dans laquelle l’État demande aux jeunes mineur.es isolé.es à la rue de se contorsionner pour espérer accéder à une place dans un centre d’hébergement. Durant cette évaluation longue de plusieurs heures, les jeunes sont questionné.es sur la famille, la vie quotidienne, les difficultés qui les ont amené à quitter le pays. Le département recueille les documents d’identité et les déclarations de ces jeunes qui pour la plupart ont quitté un pays où les enfants ne sont pas forcément enregistrés lors de leur naissance, ont fui la guerre, la corruption, la précarité, les violences, l’excision… Derrière chaque petit onglet, surtout, une décision finale. Oui ou non. Mineur.es ou majeur.es. L’école ou la rue. L’espoir de régularisation ou le risque d’expulsion. Là, dans ce labyrinthe administratif, dans le recoin d’un formulaire non rempli, se cache une vérité plus tragique que tout ce qui peut être écrit sur du papier. La vérité que les mots ne peuvent pas dire. Une vérité qui ne se lit pas, qui ne s’écrit pas. Que la caméra ne peut pas capter. Parce qu’elle ne réside pas dans l’administration, mais dans les fissures de la mémoire. Une vérité à laquelle on préfère donner un nom, une date, un passé, pour oublier qu’il existe un autre monde, celui des silences trop lourds à porter.
La parole se libère à des moments inattendus. En dehors de la maison en regardant les nuages. En apprenant à faire du vélo pour la première fois.. Elle s’échappe, à peine un souffle, dans les espaces où on ne la cherche pas. Un instant où l’on trouve une forme d’équilibre, comme un acte de résistance à l’invisible.
THE BOBIGNY WOMEN'S CENTRE
The Women's House in Bobigny takes in young underage girls who are appealing to the juvenile court judge to assert their minority status. It is a safe house that gives them a break for a few months, allowing them to rebuild their lives after the precariousness of the street. The project is being run by Utopia 56 and Médecins Sans Frontières (MSF) as part of the Accueillons programme. Its aim is to provide a safe space where young people can be accompanied and receive legal, psychological, medical and social support. It is also a time of stability in their daily lives, where they can think about and build a personal and professional future.
Some have been living together for a few weeks, others for several months, for the duration of their minority appeal. They are welcomed into the house by the Utopia.56 teams, who share their daily lives and help them to access their rights, healthcare, education and to realise their projects. Over the years, the coordinators and educators have been able to create a protected, caring space in which the girls are listened to, supported and guided, while respecting their individual histories and life plans.
When these young girls arrive in France, they do not immediately receive the protection they deserve as minors, despite their great vulnerability. They often find themselves homeless and on their own, and have to face a complex procedure to prove their minority. MIEs are, as the name suggests, the little administrative box into which the State asks young unaccompanied minors on the street to squirm in the hope of gaining access to a place in an accommodation centre. During this assessment, which lasts several hours, the young people are questioned about their family, daily life and the difficulties that led them to leave the country. The department collects identity documents and statements from these young people, most of whom have left a country where children are not necessarily registered at birth, and who have fled war, corruption, poverty, violence, female circumcision, etc. Behind each little tab, above all, a final decision. Yes or no. Minors or adults. School or the streets. The hope of regularisation or the risk of deportation. There, in that administrative labyrinth, in the corner of an unfilled form, hides a truth more tragic than anything that can be written on paper. A truth that words cannot tell. A truth that cannot be read, that cannot be written. That the camera cannot capture. Because it resides not in the administration, but in the cracks of memory. A truth to which we prefer to give a name, a date, a past, to forget that there is another world, that of silences too heavy to bear.
Words come out at unexpected moments. Outside the house, looking at the clouds. Learning to ride a bike for the first time... It escapes, barely a whisper, into spaces where we don't look for it. A moment when we find a form of balance, like an act of resistance to the invisible.