ÉCOLE ERLANGER
Le 4 avril 2023, 160 jeunes isolés en recours de minorité, accompagnés par les associations Utopia 56, Les Midis du Mie, le Centre Tara et Timmy ont investi les bâtiments désaffectés de l'École Erlanger, inoccupée depuis 4 ans. Ces adolescents, arrivés seuls sur le sol français, ont été rejetés par les autorités, privés de la reconnaissance de leur minorité et donc de la protection légale qui leur est due. En procédure de recours devant le juge des enfants, ils attendent, livrés à eux-mêmes, une réponse qui tarde à venir, une aide qui ne vient pas. Ils ont vécu des mois de souffrance dans l'indifférence totale des pouvoirs publics, des mois d’errance à lutter contre le froid, la faim et l’oubli. La nuit, ils s’abritent sous des tentes de fortune, constamment harcelés par la police qui confisque leurs maigres biens et détruit ce qu’ils ont de plus précieux : leur survie. Livrés à l'attente d'une justice qui tarde, à la frontière d’une minorité qui leur est niée, ce sont des enfants, des ados, sans protection, sans toit, sans droits.
Ce bâtiment abandonné devient leur lieu d’utopie, se transforme en un lieu d’espoir, d’une lutte discrète, un symbole de résistance face à une société qui ferme les yeux sur leur détresse. L’école Erlanger. Les salles de classe deviennent des dortoirs. Un jeune guinéen de 17 ans, partage un bout de carton avec deux autres camarades. Le froid pénètre les murs sans eau, sans électricité mais Ils organisent leur vie comme ils peuvent, dans ce corps-à-corps avec l’extrême précarité. Ils remplissent les bidons d’eau, lavent leurs vêtements dans des bassines, partagent des repas distribués par les associations, tentent de reconstruire un peu de dignité, dans un combat quotidien contre l’insoutenable. L’état de santé physique et psychologique des jeunes se dégrade. Ils sont fatigués, abîmés. Le lieu devient insalubre. L’air devient lourd : il porte les traces de l’abandon et les menaces persistantes des groupes d’extrême droite. La ville de Paris regarde ailleurs. Aucune réponse, aucune solution, aucun geste de la part des autorités.
Après plus de 77 jours d'occupation pacifique, les associations, avec les jeunes, décident de se rassembler sur la Place du Palais Royal le 20 juin 2023. Un ultime appel pour mettre fin à l’isolement et à la violence institutionnelle. Ils se rassemblent pour dire : nous existons. Pour interroger cette invisibilité, pour demander, un peu d’humanité. Le rassemblement est pacifique. Mais la réponse qui vient du gouvernement, c’est la violence. Les CRS et la BRAV-M expulsent plus de 300 enfants, épuisés, fragiles. Des centaines de bénévoles, des avocats, des élus, des citoyens, tous sont jetés à terre, balayés par une intervention violente, brutale.
Et pourtant, leurs voix continuent de s’élever dans ce silence. Un cri d’espoir, un appel à la solidarité, un défi à l’indifférence d’un État qui, au lieu de prendre soin d’eux, les laisse se débattre seuls contre des vagues d’injustice. Parce qu’ils sont là. Parce qu’il faut encore voir. Regarder cette École Erlanger. Regarder ce bâtiment vide. Voir ce qu’on leur fait.
ERLANGER SCHOOL
On 4 April 2023, 160 unaccompanied young people on minority appeals, accompanied by the associations Utopia 56, Les Midis du Mie, the Centre Tara and Timmy, took over the disused buildings of the École Erlanger, which had been empty for 4 years. These teenagers, who arrived on French soil alone, were rejected by the authorities, denied recognition of their minority status and therefore denied the legal protection to which they are entitled. They are in the process of appealing to the children's judge, and are waiting, left to their own devices, for a response that is slow in coming, for help that is not forthcoming. They have endured months of suffering in the total indifference of the public authorities, months of wandering, fighting against the cold, hunger and oblivion. At night, they take shelter in makeshift tents, constantly harassed by the police, who confiscate their meagre possessions and destroy what is most precious to them: their survival. Left to await justice that is slow in coming, on the border of a minority that is denied to them, they are children, teenagers, without protection, without a roof over their heads, without rights.
This abandoned building becomes their utopia, a place of hope, a discreet struggle, a symbol of resistance in the face of a society that turns a blind eye to their plight. The Erlanger School. Classrooms become dormitories. A young Guinean, aged 17, shares a piece of cardboard with two other friends. The cold penetrates the walls, with no water or electricity, but they organise their lives as best they can in this extremely precarious situation. They fill jerry cans with water, wash their clothes in basins, share meals distributed by charities, and try to rebuild a little dignity, in a daily battle against the unbearable. The young people's physical and psychological health is deteriorating. They are tired and damaged. The place is becoming unhealthy. The air is becoming heavy: it bears the marks of abandonment and the persistent threats of extreme right-wing groups. The city of Paris looked the other way. No response, no solution, no gesture from the authorities.
After more than 77 days of peaceful occupation, the associations, together with young people, have decided to gather on the Place du Palais Royal on 20 June 2023. A final call to end the isolation and institutional violence. They are coming together to say: we exist. To question this invisibility, to ask for a little humanity. The gathering is peaceful. But the government's response is violence. The CRS and the BRAV-M expelled more than 300 exhausted and fragile children. Hundreds of volunteers, lawyers, elected representatives and citizens were thrown to the ground, swept away by a violent and brutal intervention.
And yet, their voices continue to be raised in this silence. A cry of hope, a call for solidarity, a challenge to the indifference of a state that, instead of taking care of them, leaves them to struggle alone against waves of injustice. Because they are there. Because we still have to see. Look at this Erlanger School. Look at this empty building. See what is being done to them.