CE QUI RESTE EN SILENCES (12 août 2025)
Au XXᵉ siècle, ma famille a dû choisir : rester sur sa terre ou partir en exil. Socialisme contre fascisme. Aristocrates et communistes, côte à côte, dans la même cellule. Mon grand-père a tranché : quitter la Sicile, sans se retourner. Ce fut la guerre, le statut d’étranger, la vie à rebâtir. Survivre avant tout. Une racine dans la pierre, l’autre dans le vent.
Il y a des terres qui vous traversent sans y avoir vécu l’origine de la mise en mouvement.
Ici, un village accroché au silence.
Là, un visage dans un cadre.
Un regard tourné vers l’intérieur.
Un plateau brûlé de lumière.
On m’a fait grandir à l’écart de ces histoires qui criaient leur absence. Heureux au présent.
Côté père, la Méditerranée. On ne parlait plus du fascisme italien. Ni de l’île. On ne parlait de rien.
Côté mère, on taisait le tremblement des persécutions derrière le rideau de fer.
Ils étaient venus, c’est tout. Ils s’étaient tus.
Je suis né dans ce silence, quelque part dans les années 70, au sein d’une parenthèse. En grand écart sur le temps.
C’est peut-être pour cette raison que je cherche, écris, photographie, sans trop choisir.
Le manque, c’est le destin commun et l’avenir.
Alors tenter de tout voir. Ce qui a été caché.
Vouloir toujours entendre ce qui n’a pas été dit.
Pour marcher sur la terre comme on tourne les pages d’un livre dont il manque des chapitres.
Une racine dans la pierre, l’autre dans le vent.
WHAT REMAINS IN SILENCE (12 août 2025)
A 20th century family history. Land or exile. Socialism against Fascism. Aristocrats and communists within the same cell. My grandfather made his choice. Leaving Sicily without looking back. Towards war. The status of a foreigner. Everything to build. Beginning with survival. One root in stone, the other in the wind.
Some lands live within you,
even if you’ve never stood at the place where the first steps were taken.
Here, a village held fast to silence.
There, a face framed in stillness.
A gaze turned inward.
A plateau scorched with light.
I grew up at a distance from these stories,
their absence speaking louder than any voice.
Happy in the present.
On my father’s side, the Mediterranean.
No one spoke of Italian fascism anymore.
Nor of the island.
No one spoke at all.
On my mother’s side,
the tremor of persecution behind the Iron Curtain was left unspoken.
They had come, that was all.
They had kept their silence.
I was born into that silence, somewhere in the 1970s,
inside a parenthesis.
Balanced between two times.
Perhaps that is why I search,
why I write,
why I photograph,
without trying to choose too much.
Absence
is both the inheritance and the horizon.
So I try to see everything.
To uncover what was hidden.
To listen for what was never said.
To walk the earth
as if turning the pages
of a book with missing chapters.
One root set deep in stone,
the other carried by the wind.