Des Rouges aux épaisseurs tristes. (07-2019)
Nous avons cherché ce qui n'est plus mais qu'on devine encore. Cet empire soviétique, cette Mongolie rouge et cette Chine qui a depuis longtemps oublié qu'elle était communiste. Le train traverse et ne transige pas avec la vérité du pays, et d'ailleurs il n'y a pas de trahison prévue pour les peuples qui voyagent en troisième classe.
Nous étions trois regards attentifs, plein d'attente et d'attention pour ces autres que nous cherchions à comprendre malgré leurs alphabets qui nous imposaient d'avoir de l'imagination.
Le transsibérien, c'est une route, une voie, un train comme un paquebot des terres tranchant les paysages dans le sens de la lenteur.
Les cabines des wagons sont ces capsules Gagarine. Elles offrent le strict nécessaire mais donnent l'impression que l'empire soviétique a résisté au temps du voyage. Les rideaux laissent échapper le jour et le soleil caresse le décor solide comme un plan quinquennal. La table minuscule au napperon gris autorise un repas en tête à tête, quand les deux autres membres (locataires ?) de la cabine, assis devant le rien, sont incités à regarder plutôt vers le couloir où passent ceux qui ne vont nulle part. Le soir venu, toute la géographie des lieux se modifie, les lits se déploient à l'étage et les occupants des hauteurs sont invités à rester perchés jusqu'au matin.
D'une frontière l'autre, d'une plaine presque infinie à l'autre, passées les gares gardes-frontières après lesquelles tout change, ou rien, le même train avance dans ce qui ressemble à des ailleurs mystérieux.
Là, dans ce grand vide où la technologie hoquette puis s'arrête, essoufflée parce que les antennes relais sont à bout du vide, les seuls messages qui demeurent encore sont ceux du temps, des gestes restés les mêmes : attendre, et regarder, et aller prendre l'eau du thé au samovar qui en son recoin de wagon est un animal rond au ventre brûlant.
Là, dans ces wagons où le dehors bouge quand les murs, les couchettes, la décoration, les passagers peut-être sont restés même depuis des décennies, ce que l'on rencontre autant que les autres toujours trop lointains, c'est soi, dans le dedans d'un train qui traverse des terres infinies, et nous traverse pareillement.
De ces moments, ces milliers de secondes, de kilomètres déroulés dans une lenteur hallucinante, restent des souvenirs, et ces photographies, qui sont presque la même chose quand on descend, au tout dernier arrêt, là-bas.
Daniel Bourrion/Jean-Christophe Diedrich
Reds with sad thicknesses. (07-2019)
We've searched for what is no longer but can still be guessed. This Soviet empire, this Red Mongolia and China, which has long since forgotten that it was communist. The train crosses and does not compromise with the truth of the country, and moreover there is no betrayal foreseen for peoples travelling in third class.
We were three watchful eyes, full of expectation and attention for these others whom we were trying to understand despite their alphabets which required us to have imagination.
The Trans-Siberian Railway is a road, a track, a train like a land liner cutting through the landscape in a sense of slowness.
The cabins of the wagons are these Gagarin capsules. They offer the bare necessities but give the impression that the Soviet empire resisted the time of the journey. The curtains let the day escape and the sun caresses the solid decor like a five-year plan. The tiny table with the grey doily allows for a one-to-one meal, when the two other members (tenants?) of the cabin, sitting in front of the nothing, are encouraged to look rather towards the corridor where those who are going nowhere are passing by. In the evening, the whole geography of the place changes, the beds are spread out on the floor and the occupants of the upper floors are invited to stay perched until the morning.
From one border to another, from one almost infinite plain to another, past the border guard stations after which everything changes, or nothing, the same train moves on in what looks like mysterious elsewhere.
There, in this great emptiness where technology hiccups then stops, out of breath because the relay antennas are at the end of the void, the only messages that remain are those of time, of gestures that remain the same: wait, and watch, and go and drink tea water from the samovar which in the corner of the wagon is a round animal with a burning belly.
There, in these wagons where the outside moves when the walls, the berths, the decoration, the passengers perhaps have remained even for decades, what we encounter as much as others always too far away, is oneself, in the inside of a train that crosses infinite lands, and crosses us in the same way.
Of those moments, those thousands of seconds, of kilometres that pass by in a hallucinating slowness, remain memories, and those photographs, which are almost the same when you get off, at the very last stop, there.
Daniel Bourrion/Jean-Christophe Diedrich