Les femmes du deuxieme étage de l'hôtel Ibis
Mon intérêt pour les questions migratoires n'est pas récent.
Longtemps habitante du dix-neuvième arrondissement de Paris, j'ai vu l'arrivée des premières tentes et campements s'installer dans la ville, il y a quelques années déjà.
J'ai alors beaucoup photographié à l'époque les diverses installations, leur destructions et reconstructions.
Mais j'y croisais toujours plus d'hommes que de femmes. J'ai constaté la même chose dans les ateliers artistiques que je donne chez France Terre d'Asile : une classe entière de garçons et très peu ou pas de filles.
Cela a commencé à m'interroger : mais où se cachent-elles ?
Je voulais les rencontrer et qu'on puisse les mettre, elles, en lumière et non pas toujours les hommes. Même si leur nombre est moins important, elles sont bel et bien là, elles aussi, et bien plus vulnérables encore car doublement en danger, en étant femmes à la rue...
Voilà comment je suis rentrée en contact avec une association qui s'occupe de mettre à l'abris des personnes sans domicile, et parmi-elles notamment beaucoup de femmes.
A cause de la crise du coronavirus de nombreux hôtels se sont soudainement retrouvés vides et ont donc été réquisitionnés par l'état pour mettre ces personnes à l'abris.
Depuis novembre dernier j'ai donc rencontré et photographié de nombreuses femmes logées dans cet hôtel Ibis. Bien qu'à l'abri désormais, les conditions restent difficiles néanmoins car les femmes doivent partager une petite chambre à deux, sans guère de rangements à disposition. Elles dorment presque toutes ensemble dans le lit double, personne ne voulant prendre le mini lit superposé à étage à une place, qui sert généralement de débarras.
Cette cohabitation forcée n'est pas toujours harmonieuse bien que dans certains cas elle soit aussi source d'entraide et d'amitié.
Les parcours sont aussi multiples que les différentes nationalités. La plupart des femmes sont sans papiers et ne trouvent pas de travail ou alors un travail au noir (en étant totalement exploitées; l'une d'entre-elles travaille par exemple de 8h à 18h dans une famille où elle fait tout, ménage et garde d'enfant, 5 jours sur 7, pour 500€ par mois). Mais il y en a aussi quelques-unes qui ont des papiers et travaillent mais n'ont pas de logement. C'est le cas d'une dame aide-soignante à domicile, engagée par la mairie du dixième arrondissement.
Deux femmes sont enceintes de 5 mois.
Certaines parlent le français, d'autres pas du tout ou très peu.
Toutes ont subi des violences, beaucoup ont été violées. Et pourtant malgré leur passé traumatisant, elles sont très peu aidées ni psychologiquement, ni juridiquement.
Leur situation est très compliquée mais malgré cela elles sont très ouvertes, curieuses, accueillantes et avides de partages et rencontres. Et leurs possibles éclats de gaité, après tout ce qu'elles ont traversé, n'en finissent pas de m'impressionner.
Je les visite régulièrement avec ou sans mon appareil.
Je vous propose donc de découvrir une partie des images de ce travail qui est toujours en cours.
The women on the second floor of the Ibis hotel
My interest in migration issues is not recent.
As a long-time resident of the nineteenth arrondissement of Paris, I saw the arrival of the first tents and camps in the city a few years ago.
I photographed a lot at the time the various installations, their destruction and reconstruction.
But I always saw more men than women. I noticed the same thing in the art workshops I give at France Terre d'Asile: a whole class of boys and very few or no girls.
This started to make me wonder: where are they hiding?
I wanted to meet them and put them in the spotlight, not always the men. Even if there are fewer of them, they are there too, and they are even more vulnerable because they are doubly in danger, being women on the street...
This is how I came into contact with an association that provides shelter for homeless people, and among them, many women.
Because of the coronavirus crisis, many hotels were suddenly empty and were requisitioned by the state to shelter these people.
Since last November I have met and photographed many women staying in this Ibis hotel. Although they are now sheltered, the conditions
Although they are now safe, the conditions are still difficult because the women have to share a small room with two people, without much storage space. They almost all sleep together in the double bed.
They almost all sleep together in the double bed, as no one wants to take the single bunk bed, which is usually used as a storeroom.
This forced cohabitation is not always harmonious, although in some cases it is also a source of mutual support and friendship.
The backgrounds are as varied as the different nationalities. Most of the women are undocumented and can't find work, or work on the side (and are totally exploited; one of them works from 8am to 6pm in a family where she does everything, cleaning and childcare, 5 days a week, for 500€ a month). But there are also some who have papers and work but have no accommodation. This is the case of a woman who is a home carer, hired by the town hall of the tenth arrondissement.
Two women are five months pregnant.
Some speak French, others not at all or very little.
All have suffered violence, many have been raped. And yet, despite their traumatic past, they receive very little psychological or legal help.
Their situation is very complicated but despite this they are very open, curious, welcoming and eager to share and meet others. And their possible bursts of joy, after all they have been through, never cease to impress me.
I regularly visit them with or without my camera.
Here are some of the images of this work which is still in progress.