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Le succès des télé-trottoirs en Turquie
Alors qu’Erdogan resserre son étau sur la presse turque, de nouvelles chaînes indépendantes, pratiquant le micro-trottoir, offrent une alternative aux médias contrôlés par le pouvoir.
Au milieu de la foule, la journaliste Ebru Uzun Oruç, coupe au bol, jeans frangés et micro à bout de bras, interroge les passants sur la flambée des prix du gaz annoncée pour l'hiver. Une femme en foulard explose : « Je vais finir par devoir faire les poubelles pour trouver de quoi remplir mon poêle à bois ! (…) À quoi joue le gouvernement ? » Plus loin, un homme s'emporte, dans un débit sans fin : « Au lieu de prétendre vouloir faire la guerre à Israël tout en continuant à commercer avec l'État hébreu, le président Erdogan ferait mieux de se concentrer sur sa population et d’investir dans sa propre industrie alimentaire ! »
Derrière ses lunettes rondes, encadrant deux yeux bleus assortis au Bosphore, Ebru écoute, relance ses interlocuteurs, salue les passants curieux, puis poursuit sa route vers la jetée. « C'est fou comme les gens ont besoin de s'exprimer ! », dit la reporter indépendante. Accompagnée de Bariş, son caméraman – et mari -, qui filme tout dans son sillage, elle peut tenir des heures ainsi, à prendre le pouls des Turcs pour sa chaîne YouTube Sokak Kedisi (« Chat de rue »), fleuron des nouvelles télé-trottoirs qui défient la propagande d'État.
Sa devise : ni filtre, ni censure. « On balaie tous les sujets : crise économique, corruption, entraves aux droits des femmes, élections, blocage d'Instagram, tremblements de terre et dérive autoritaire… Parfois, les gens se mettent à débattre entre eux avec une incroyable liberté de ton, et j'aime ces échanges propres à la démocratie, en perdition dans notre pays », jubile la journaliste de 40 ans.
The success of TV talk shows in Turkey
As Erdogan tightens his grip on the Turkish press, new, independent, micro-trottoir channels offer an alternative to the government-controlled media.
In the middle of the crowd, journalist Ebru Uzun Oruç, bowl cut, fringed jeans and microphone at arm's length, asks passers-by about the soaring gas prices announced for winter. A woman in a headscarf explodes: “I'm going to end up having to go through the rubbish to find enough to fill my wood-burning stove!(...) What's the government up to?”
Further on, a man rages, in an endless flow: “Instead of claiming to want to wage war on Israel while continuing to trade with the Hebrew state, President Erdogan would do better to focus on his own people and invest in his own food industry!”
Behind his round glasses, framing two blue eyes matching the Bosphorus, Ebru listens, boosts his interlocutors, greets curious passers-by, then continues towards the pier. “It's amazing how much people need to express themselves,” says the freelance reporter. Accompanied by Bariş, her cameraman - and husband -, who films everything in her wake, she can go on for hours like this, taking the pulse of Turks for her YouTube channel Sokak Kedisi (“Street Chat”), flagship of the new teletrottoirs that defy state propaganda.
Her motto: no filter, no censorship. “We sweep up every subject: economic crisis, corruption, obstacles to women's rights, elections, Instagram blocking, earthquakes and authoritarian drift... Sometimes, people start debating among themselves with an incredible freedom of tone, and I love these exchanges that are proper to democracy, which is in perdition in our country,” the 40-year-old journalist jubilates.