Union des Comores | chronique d'une rencontre
C’est un pays aux multiples facettes que j’ai rencontré, un archipel à la beauté éclatante mais à l’histoire complexe : l’Union des Comores.
Le passé colonial y laisse encore une empreinte tenace, comme un souffle ancien. Les récits de coups d’État, les murmures sur les mercenaires — avec, en filigrane, la silhouette controversée de Bob Denard — planent toujours dans les esprits. Ici, l’histoire n’est jamais très loin, elle s’inscrit dans les pierres, les mémoires, et même les silences.
Le socle religieux des Comores est l’islam, omniprésent, structurant la vie quotidienne. Les dynasties sultaniques, jadis puissantes, ont laissé leurs marques sur les différentes îles, entre palais disparus et traditions persistantes.
Mais aujourd’hui, d’autres influences façonnent le pays. Les routes, les écoles, les hôpitaux portent souvent l’empreinte de partenariats extérieurs, notamment chinois. Le commerce transite désormais par la Tanzanie, le Kenya, la Chine ou encore Dubaï. Pendant ce temps, la France, elle, continue de bercer la vaste diaspora comorienne.
À leur retour au pays, ces expatriés sont appelés les « je viens » — une appellation mi-affectueuse, mi-critique. On les reconnaît tout de suite : par leur manière de parler, leur posture, leurs préoccupations. Vacanciers ou investisseurs, leur passage est toujours teinté d’émotion, de retrouvailles, mais aussi d’une distance évidente. Car la diaspora joue un rôle crucial dans le maintien des villages : elle finance les écoles, les mosquées, les mariages, les espaces publics. Elle est à la fois pilier économique et vecteur de transformations sociales.
Au cœur de cette société, la famille est une structure incontournable. Tout semble s’articuler autour d’elle. Le mariage, et en particulier le « grand mariage », en est l’événement phare, à la fois célébration et poids social. Il marque les statuts, redistribue les rôles, mais entraîne aussi un endettement considérable, parfois lourd à porter.
La nature comorienne, quant à elle, est paradoxale. Sublime, foisonnante, mais souvent négligée. La roche volcanique est exploitée, les ressources marines surexploitées. L’agriculture reste marginale, sauf sur l’île de Mohéli, considérée comme le grenier des Comores.
Et puis, il y a les différences entre les îles. Trois pour certains, quatre pour d'autres si l’on inclut Mayotte. Ces distinctions géographiques sont aussi culturelles, parfois source de tensions, d’incompréhensions. Chaque île revendique son identité : anjouanaise, mohélienne, grande-comorienne… ou mahoraise. Un jeu de miroirs qui interroge l’unité même de l’archipel.
Je suis repartie sans tout comprendre. Les Comores ne se laissent pas facilement saisir. C’est un pays qui questionne, qui trouble, qui laisse des zones d’ombre mais aussi de lumière.
Un pays qui me laisse songeuse.
À bientôt, îles de la Lune.
Union des Comores | chronicle of a meeting
I met a country with many facets, an archipelago of dazzling beauty but complex history: the Union of the Comoros.
The colonial past still leaves a tenacious imprint, like an ancient breath. Tales of coups d'état, whispers of mercenaries - with, in the background, the controversial figure of Bob Denard - still linger in people's minds. Here, history is never far away, inscribed in stones, memories and even silences.
The religious foundation of the Comoros is Islam, which is omnipresent and structures daily life. The once-powerful sultanic dynasties have left their mark on the various islands, between vanished palaces and persistent traditions.
But today, other influences are shaping the country. Roads, schools and hospitals often bear the imprint of external partnerships, notably Chinese. Trade now transits through Tanzania, Kenya, China and Dubai. Meanwhile, France continues to cradle the vast Comorian diaspora.
On their return home, these expatriates are known as the “je viens” - an appellation that is half affectionate, half critical. They are immediately recognizable: by their way of speaking, their posture, their preoccupations. Whether vacationers or investors, their visit is always tinged with emotion and reunion, but also with an obvious distance. The diaspora plays a crucial role in keeping villages alive: it finances schools, mosques, weddings and public spaces. They are both economic pillars and vectors of social change.
At the heart of this society, the family is an essential structure. Everything seems to revolve around it. Marriage, and in particular the “big wedding”, is the flagship event, both a celebration and a social weight. It marks status and redistributes roles, but also entails a considerable debt load that can sometimes be heavy to bear.
As for Comorian nature, it is paradoxical. Sublime and abundant, but often neglected. Volcanic rock is exploited, marine resources overexploited. Agriculture remains marginal, except on the island of Mohéli, considered the breadbasket of the Comoros.
And then there are the differences between the islands. Three for some, four for others if Mayotte is included. These geographical distinctions are also cultural, and sometimes a source of tension and misunderstanding. Each island claims its own identity: Anjouanese, Mohelian, Grand Comorian... or Mahorese. A game of mirrors that questions the very unity of the archipelago.
I left without understanding everything. The Comoros are not easy to grasp. It's a country that questions, that confuses, that leaves zones of shadow but also of light.
A country that leaves me wondering.
See you soon, Moon Islands.