Le boom du marché des yachts et ses impacts environnementaux
Du confort, du luxe, et du clinquant. Bienvenus dans l'univers des superyachts, sur lesquels des milliardaires se distraient aux quatre coins des mers du globe. Un marché qui explose, malgré son impact environnemental.
Ces dernières années, les ventes et locations de ces bateaux d'ultra-luxe ont battu tous les records. Et ce, malgré les crises économiques ou la pandémie de la Covid-19, qui ont même renforcé ce marché : « les grandes fortunes se sont enrichies pendant la pandémie, et ont eu encore plus envie de profiter de la vie. Mués en palaces flottants, les yachts ont bravé les confinements. 900 superyachts ont été vendus en 2021, contre 500 généralement en une année. Les producteurs sont overbookés», résume Sam Tucker, de la socété de veille commerciale VesselsValue. Avec une course au gigantisme et au luxe : il faut désormais dépasser les 100 mètres de longueur, soit l'équivalent d'un terrain de rugby, pour épater la foule.
Alors qu'on comptait environ 1 000 superyachts (supérieurs à 30 mètres) en 1988, trente ans plus tard, en 2018, leur nombre a quintuplé : ils sont près de 5 000 à longer nos côtes, principalement méditerranéennes.
Problème: ces bateaux ont un impact environnemental énorme. Il y a d'abord la pollution engendrée par les bateaux eux-mêmes, de l'extraction de matériaux de construction pour leur construction, à l'émission de CO2, etc. Ensuite, la pollution occasionnée par le comportement des plaisanciers ou leur mode de consommation (électricité, croisière d'un weekend, arrivée en hélicoptères ou en jet, etc). Enfin, il y les dégâts occasionnés par les ancres de ces yachts sur la posidonie, herbe «poumon» de la Méditerranée. « On tire le fil ténu du superyachting et c'est toute la pelote du capitalisme fossile qui se dévide », conclut Gre?gory Salle, sociologue et auteur de « Superyachts : luxe, calme et écocide ».
C'est cette face cachée que je tente de raconter à travers cette enquête photographique, l'explosion du nombre de superyachts et de ce que ce phénomène dit de notre société : le creusement extrême des inégalités, avec de plus en plus de très pauvres d'un côté et de plus en plus de super-riches de l'autre. Et les conséquences de ce mode de consommation sur le climat. Ainsi, les 1 % les plus riches - ceux-là mêmes qui sont à l'origine du boom des superyachts depuis 10 ans - émettent 70 fois plus de CO2 que les 50 % les plus pauvres, selon le Global Inequality Lab. Au sein même des milliardaires, les plus émetteurs de CO2 ne sont pas les plus riches, mais ceux qui possèdent un yacht.
Ces dernières années cependant, et à mesure que l'opinion publique prenait conscience de l'importance de la lutte contre le réchauffement climatique et la perte de biodiversité, de nombreuses voix citoyennes s'élèvent pour metttre ce sujet hautement symbolique au coeur du débat public.
The yacht market boom and its environmental impacts
From 500 to 2,000 liters of fuel per hour, comfort, luxury, and glitz. Welcome to the world of superyachts, on which billionaires enjoy themselves in the four corners of the world's seas.
In recent years, sales and rentals of these ultra-luxury boats have broken all records. And this, despite the economic crises or the Covid-19 pandemic, which have even strengthened this market: "the great fortunes got richer during the pandemic, and wanted to enjoy life even more. Yachts have become floating palaces, and have defied the confines of he sea. 900 superyachts were sold in 2021, compared to the usual 500 in one year. Producers are overbooked," sums up Sam Tucker of market intelligence firm VesselsValue. The race is on for gigantism and luxury: it is now necessary to exceed 100 meters in length, the equivalent of a rugby field, to impress the crowd.
While there were about 1,000 superyachts (over 30 meters) in 1988, thirty years later, in 2018, their number has increased fivefold: there are nearly 5,000 of them along our coasts, mainly in the Mediterranean. The industry is now worth 25 billion dollars, almost twice as much as the turnover of maritime cruises in Europe... Problem: the other side of this luxurious and secret world is far from being as bright as its façade, both ecologically and socially.
First of all, there is the pollution caused by the boats themselves, from the extraction of building materials for their construction, to the emission of CO2, etc. Then, there is the pollution caused by the behavior of the boaters or their mode of consumption (electricity, weekend cruises, arrival by helicopter or jet, etc.). Finally, there is the damage caused by the anchors of these yachts on the posidonia, grass "lung" of the Mediterranean. "We pull the tenuous thread of superyachting and it is the whole ball of fossil capitalism that unwinds," concludes Gregory Salle, sociologist and author of "Superyachts: luxury, calm and ecocide.
It is this hidden face that I try to tell through this photographic investigation, the explosion of the number of superyachts and what this phenomenon says about our society: the extreme widening of inequalities, with more and more very poor people on one side and more and more super-rich on the other. And the consequences of this consumption pattern on the climate. For example, the richest 1% - the very people who have driven the superyacht boom over the past 10 years - emit 70 times more CO2 than the poorest 50%, according to the Global Inequality Lab. Even among billionaires, the highest CO2 emitters are not the richest, but those who own a yacht.
In recent years, however, as public opinion has become increasingly aware of the importance of the fight against climate change and biodiversity loss, many citizens' voices have been raised to put this highly symbolic issue at the heart of public debate.