Chine- L'ambassadeur devenu paysan
Le rêve du vieux caravanier
Qu’il est bon de rencontrer un homme qui n’a pas renoncé ! À 70 ans bien tassés, Patrick Nijs fait partie de ceux qui ne cesseront jamais de m’étonner par la force de leurs convictions, leur droiture, leur générosité et par dessus tout, leur amour de la vie sous toutes ses formes. On appelle ces gens là des rêveurs parce que le cynisme ne les a pas gâtés et qu’ils sont, malgré les années, porteurs de projets fous.
Celui de Patrick tient en un mot : Kabissa. Nichée sur les pentes des montagnes du nord du Yunnan en Chine, Kabissa est une ferme modèle de permaculture et qui à terme devrait devenir un centre international de permaculture. Pour le moment elle en est encore à ses débuts et ses 2 hectares de terre réparties sur 5 terrasses se remettent tout juste des mauvais traitements à coups d’engrais, de pesticides et de couvertures plastique qu’elles ont subit pendant des décennies.
Aux origines était une vision
Il y a plus de 10 ans, lorsque Patrick parcourt pour la première fois Dongchuan, la province natale de sa compagne Minyan, son enfance passée au Congo Belge (République Démocratique du Congo aujourd’hui) le rattrape. C’est la terre infiniment rouge alliée à la végétation luxuriante de cette partie du Yunnan qui l’hypnotise. Il lui vient l’envie d’ôter ses chaussures et de fouler la glèbe qu’il voudrait faire sienne. Il sait que ce sol qui ne lui appartiendra jamais tout à fait (en Chine, personne ne peut être propriétaire terrien, l’État loue des concessions pour 70 ans). Mais il est né dans un pays volé, il veut mourir dans un pays qui l’accueille et l'accepte.
Pourtant au départ rien ne le prédisposait à mener une existence de néo-paysan comme il se définit lui-même ironiquement. Après avoir travaillé dans le secteur de l’enseignement dans différents pays d’Afrique, il décide d'entamer une carrière dans la diplomatie. D'abord numéro deux à l’ambassade du Burundi, il est nommé Consul à Osaka puis Shanghaï pour finalement endosser le rôle d’Ambassadeur à Pékin. À ce titre, il rencontre les grands de ce monde dont bien sûr Xi Jinping, qu’il côtoiera à plusieurs reprises.
Très jeune, il sait qu’il a un problème avec la philosophie occidentale. « Je suis né au Congo dans ce terrifiant malentendu que fut la colonisation, et j’ai vécu trop de contradictions sous prétexte de développement pour que je me retrouve pleinement dans sa pensée". Il se tourne vers la philosophie orientale dont il découvre l’extraordinaire complexité et c’est surtout sa conception de l’Énergie qui le fascine. Son chemin spirituel s’achève alors avec la découverte du Taoïsme dont il pratique désormais la méditation quotidiennement.
Mais quand on a vécu une existence vagabonde telle que la sienne, quand vos enfants sont aux 4 coins du monde, quand, où et pourquoi poser ses valises ? C’est lorsqu’il rencontre sa compagne à Pékin et que celle-ci l’incite à écouter son désir profond de retour aux sources qu’il décide de prendre sa retraite anticipée, de s’installer dans sa ferme du Yunnan et d’entamer le dernier grand projet de sa vie : réparer des décennies de gabegie agricole, participer enfin à un modèle durable et non pilleur de ressources, apporter sa pierre à l’édification d’un monde respectueux de la vie et laisser aux générations futures l’espoir que tout peut s’arranger (ou presque).
Pourquoi ici, en Chine une ferme de permaculture ?
Par amour, répond Patrick. L’amour pour Mynian et leurs enfants. « Je voulais à la fois réconcilier cette famille complexe qui est la mienne et reprendre le chemin de la Nature qui est depuis toujours pour moi comme le berceau de mes origines, mon point Omega de la respiration ».
Et puis il y a la culture chinoise imprégnée de Taoïsme, de Confucianisme et de Bouddhisme. En particulier, « le Taoïsme sait, depuis sa fondation au 7ème siècle avant Jésus-Christ, que l’harmonie entre l’homme et la nature est la source du bonheur, de la longévité et de l’harmonie. Il s’agit de la cosmologie la plus écologique qui ait été conçue par le Sapiens . Ici, il y a des gênes de civilisation qui lui donnent accès à une révolution écologique ». Et il est vrai que la recrudescence du Taoïsme et de Bouddhisme est palpable en Chine. Elle va de pair avec la renaissance culturelle qui suit la renaissance économique tant mises à mal à l'époque Mao. « La renaissance de l’Europe a commencé par les Lumières, et de la sphère intellectuelle et culturelle elle a percolé vers la sphère économique. En Chine, le mouvement est inverse. En bons Marxistes, ils ont commencé par l’infrastructure et l'économie. Aujourd’hui, la renaissance atteint le domaine de la superstructure, celle des consciences, de l’imaginaire, de la culture, de la spiritualité. »
« Par conviction » ajoute-t-il. « Pourquoi marquons-nous tant de réticence à rejoindre l’initiative de la Chine à recréer une civilisation sur l’ancienne route de la soie ? Recréer un maillage sur les traces de Samarcande fait-il si peu de sens pour l’humanité ? » Patrick, lui, veut faire partie de ces caravaniers qui rapprochent les peuples. Il sait aussi que l’avenir de l’humanité, sa survie, ne se fera que dans un monde global et que notre sort tient dans la coopération internationale. Le partenariat avec la Chine est déterminant si l’on veut limiter les dégâts du changement climatique. Par son gigantisme contre lequel on ne peut plus rien, la Chine est un pivot de l’avenir et le grand défi des prochaines décennies est l’intégration de la Chine au monde, et du monde à la Chine. L’UE est historiquement imprégnée de la nécessité d’une transition écologique. La Chine s’est emparée plus récemment de l’urgence climatique et de son binôme écologique en opérant un virage draconien dans son économie. Mais contrairement à chez nous, "la grande mutation écologique indispensable partira du sommet et ce sommet a les moyens de définir une orientation à toute la société. Ceci constitue également une des raisons pour lesquelles je crois en ce pays : il dispose encore d’un État capable de résister aux intérêts particuliers pour prendre des options servant le bien commun. »
Kabissa
Le nom de Kabissa vient du Kiswahili, l’idiome du Congo qui signifie "absolument", « résolument », un mot qui exprime une volonté d’aboutir forte. Lorsqu’il l’acquiert en 2013, Patrick était encore en poste à Pékin et il leur fallait des heures pour rejoindre sa propriété depuis l’aéroport de Kunming. Depuis, l’autoroute a été construite ce qui a significativement désenclavé la vallée de Dongchuan et tous ses villages perchés sur les hautes montagnes alentours, dont un sommet à 4400 mètres.
À l’origine, c’était une ferme traditionnelle en piteux état à l’écart du minuscule village de Lao Zhuan Di. À leur grand dam, seule la structure de la bâtisse principale a pu être conservée et restaurée. Aujourd’hui elle sert de bibliothèque et de bureau. De nouveaux bâtiments ont été construits autour afin de respecter la tradition de la cour interne et ils accueillent leur logement principal ainsi que des chambres pour leurs 6 enfants. En leur absence, elles servent de chambres d’hôtes, notamment pour les bénévoles.
Dès le début, les plans prévoyaient également la construction d’une serre attenante de manière à pouvoir cultiver leurs légumes en hiver et mettre en nourrice d’autres plantes alimentaires et médicinales.
Bien que située à 2100 mètres d’altitude, il ne fait jamais très froid ici et les gelées sont relativement rares. Le rythme des saisons est d’ailleurs assez déroutant pour un européen. L’hiver est marqué mais c’est l’époque la plus sèche, le printemps est chaud, l’été frais et humide alors que l’automne retrouve la saison sèche. Aussi, lorsque Patrick décide d’entamer la reconversion de Kabissa en ferme de permaculture, il lui a fallu une longue phase d’adaptation pour comprendre ce climat.
Les cultures
Il lui a fallu tout d’abord nettoyer ses terre et notamment la débarrasser du plastique dont les agriculteurs se servent comme paillage pour diminuer l’arrosage et les herbicides. Officiellement, ce plastique est biodégradable mais dans les faits, le sol se gorge de polymères car chaque année les agriculteurs mettent de nouvelles bâches. Or, ce plastique met bien plus qu’un an pour se détériorer. La réglementation a changé récemment et est devenue beaucoup plus contraignantes. Il est donc à espérer que les paysans soient fournis par l’industrie avec un plastique véritablement biodégradable. Mais les conséquences des années précédentes sont bel et bien là et le sol est dramatiquement pollué.
Parallèlement, Patrick a planté des arbres fruitiers ainsi que des rosiers et des pivoines pour la médecine traditionnelle chinoise. Les fleurs, c’est d'ailleurs plutôt le domaine de Minyan et elles devaient assurer des revenus au démarrage. Comme toute ferme de permaculture, Patrick trace des plans complexes pour associer toutes sortes de cultures potagères et céréalières, et pour qui ne connait pas son terrain, surtout au printemps alors que les végétaux en sont encore au tout premier stade, c’est une gageure de s’y promener seul sans abîmer les jeunes pousses !
Un hectare du domaine est occupée par une forêt pins que Patrick laisse vivre sa vie. Ces pins ont été plantés il y a une vingtaine d’années dans le cadre d’un plan de reforestation. En effet, tous les bois de la région avaient été rasés au profit des mines de cuivre qui en ont d’ailleurs fait sa prospérité. Lorsque dans les années 90 les gisements ont été épuisés, les autorités ont enfin réalisé à quel point la région avait été fragilisée écologiquement par ce déboisement massif. Donc en plus de ces forêts de pins, toutes les terrasses cultivables ont été plantées de noyers qu’il est absolument interdit d’abattre.
Pour l’aider, Patrick peut compter sur des volontaires qui viennent régulièrement de toute la Chine et surtout sur Xiao Huang, un jeune paysan arrivé de la province du Zhejiang. Ce dernier y travaille maintenant à plein temps. Quand il est arrivé à Kabissa, il voulait en apprendre plus sur l’agriculture biologique et surtout approfondir sa démarche. D’après Patrick, "Xiao Huang a cette intelligence de la terre qui lui a fait immédiatement comprendre les enjeux de la permaculture. J’espère vraiment qu’il voudra rester longtemps ici car son apport est essentiel ». Des voisins viennent également prêter main forte même si ceux-ci doivent être « surveillés » de près car ils n’ont pas les réflexes d’un permaculteur. « Un jour que je n’étais pas là, mon voisin a labouré une de mes terrasses ! Il voulait bien faire c’est sûr, mais on ne fait jamais ça en permaculture ! On paille !".
Bien sûr Patrick n’a pas que des amis dans le voisinage car certains ne voient pas d’un bon oeil cet uluberlu, étranger qui plus est, qui cultive des terres de manière si peu orthodoxe et qui vient frontalement contredire leurs pratiques. Mais globalement il est bien accueilli, même si pour ces gens du cru il restera toujours « l’Ambassadeur Étranger ». « Ma voisine qui me donne un coup de main se marre systématiquement quand elle me voit travailler dans les champs, pour elle je suis un ovni ».
Mais apprendre un sol, l’observer, trouver les espèces qui s’y épanouissent, le restaurer, découvrir un climat, cela prend du temps et pour le moment la ferme n’est pas encore rentable. Patrick estime qu’il lui faut encore 4 ans pour parvenir à un équilibre et pour enfin pouvoir tirer des bénéfices.
Mais ça ne l’empêche pas de travailler sur un projet encore plus ambitieux que sa propre ferme : créer une communauté internationale de permaculture à Lao Zhuan Di et convaincre les paysans locaux d’adopter une agriculture respectueuse de l’environnement.
Le projet
Optimiste ou pessimiste, on ne saurait le dire à propos de Patrick. « Nous courons vers le gouffre. Mourir, quitter ce monde est normal et naturel pour les créatures infiniment éphémères que sont chacun d’entre nous. Mais me dire que ce monde nous quitte tout entier et que nous le tuons, m’est insupportable. Cette impermanence là, je ne l’accepte pas. ».
C’est pour ça que Kabissa existe. Créer une communauté de paysans respectueux de l'environnement, partager les savoirs et les expériences, enseigner, faire de la recherche, introduire des innovations de haute technologie comme l’Intelligence Artificielle et la robotique, telles sont les ambitions de Patrick accompagnées d’une volonté qu’elles se fassent dans un contexte international. « Il se trouve que Kabissa est en Chine et son propos est d’amener les esprits à se concentrer sur les problèmes les plus urgents. Il ne s’agit plus de faire de la vieille politique en suivant les allées éculées des vieux débats truqués. En caricaturant un peu, je dirais qu’il s’agit de mettre les grands esprits de ce monde sur le problème des toilettes sèches. »
Et le vieux village de Lao Zhuan Di peut être le théâtre de cette entreprise. En effet, il y a quelques mois, les habitations jugées dangereuses et trop vétustes ont été vidées de leurs habitants. Ces derniers ont reçu des subsides de l’État afin de construire des maisons neuves à quelques kilomètres de là. Le vieux village a donc été abandonné et ne restent plus que les bêtes que les agriculteurs laissent astucieusement ici afin d’obtenir de plus larges compensations en cas de rachat des bâtiments.
Ainsi, les maisons pourraient tout à fait être rénovées et Xiao Huang s’est d’ailleurs installé au village. Dunhua, une biologiste universitaire qui a décidé de changer de vie pour se consacrer à l’agriculture biologique, est en train de choisir la maison qui abritera son plan d’avenir. Sa présence scientifique est essentielle pour le projet. Et d’autres soutiens, Chinois mais aussi d'autres nationalités venant de toute la Chine suivent attentivement le projet et y contribuent à leur manière, certains prêts à investir quand le moment sera le bon.
Patrick travaille en parallèle avec les autorités locales et nationales sur le bien fondé du projet, et notamment en multipliant les conférences. Fort de son passé d’Ambassadeur, il est écouté avec attention, notamment parce que tout le monde sait qu’il a côtoyé Xi Jinping et la politique pout lutter contre le changement climatique de ce dernier est bien sûr dans toutes les têtes. Patrick ne manque pas de se servir de cet atout majeur afin de convaincre que si un tel Centre voyait le jour ,et que si les agriculteurs de cette région du Yunnan se joignaient à l’effort, accompagnés par les autorités, les retombées sur la population locale et les politiques seraient en tous points positives.
Cependant, si les Chinois sont extrêmement sensibles à cette autorité du pouvoir, ils n’en demeurent pas moins très pragmatiques et demandent la preuve par les faits de la faisabilité d'une telle transformation. Et pour l’heure, la ferme de Patrick n’étant pas encore rentable, ils ne voient pas encore comment effectuer la transition vers une agriculture biologique sans perte de rendements ni de revenus, d’autant que dans le monde paysan, le conservatisme est plutôt de mise. Et il n’est acceptable pour personne en Chine à l’heure actuelle, d’à la fois perdre de l’autonomie alimentaire dans certains secteurs, et d’augmenter le coût des denrées agricoles.
Le contexte global
L’agriculture chinoise est majoritairement intensive de type traditionnel. Encore peu mécanisée hormis dans quelques régions de grandes plaines, l’agriculture intensive moderne est peu pratiquée et il est rarissime, par exemple, de croiser ces gigantesques machines agricoles qui sillonnent nos campagnes. Ainsi, l’effort physique au plus près de la terre n’a pas été oublié et le travail manuel du sol, y compris avec des bêtes de somme, est encore largement répandu. Les parcelles sont petites et les terrasses dans les nombreuses régions montagneuses sont toujours travaillées. Il y a bien sûr beaucoup de problèmes auxquels il faut remédier d’urgence (utilisation des engrais et pesticides, usage immodéré de ce plastique de paillage) mais pour toutes les raisons évoquées précédemment, il se peut que la nécessaire révolution écologique soit moins brutale ici que dans nos contrées où l’agriculture intensive moderne est devenue majoritairement la norme. De plus, l’exode rural étant encore très récent et les habitudes culinaires quasiment exclusivement à base de produits frais, même les citadins pratiquent encore massivement l’agriculture potagère individuelle, y compris dans des endroits les plus improbables tels que les balcons, les toits, les ruelles, ou de manière provisoire comme aux abords des chantiers, et en fait partout où il y a de la terre disponible.
Depuis les années 90, lorsqu’il a été évident qu’il fallait rectifier le tir de 30 années de laisser-aller environnemental (ce que les acteur politiques appelaient eux-mêmes « Polluer d’abord, contrôler ensuite »), les préoccupations des chinois sur la qualité et la sécurité alimentaires sont devenues majeures. Depuis une dizaine d’années plus précisément, les labels agricoles bio se sont multipliés, pouvant d’ailleurs prêter à confusion, car certains sont plus proches du greenwaching que du véritable bio. Il faut toutefois mentionner le Chinese National Organic Products Standard, reconnu comme l’un des plus restrictifs au monde. Au départ destinés aux exportations, les produit biologiques chinois sont désormais sur le marché intérieur et la part de cultures bio sur le territoire ne cesse d’augmenter.
Il y a également un phénomène relativement récent et de plus en plus marqué qui est en train de faire son apparition. Appelé « la vie avec peu de désir » (low desire life) , ce mouvement promeut une vie économe, rejette le consumérisme, les normes de la vie urbaine et rejette ce qu’il appelle l’esclavagisme moderne consistant à travailler toujours plus dans un univers de complétion acharnée. Porté par les réseaux sociaux, il convertit de plus en plus de jeunes urbains à la vie à la campagne et favorise un tourisme vert qui connait une expansion rapide.
L’avenir
Le caravanier réussira-t-il ce projet d’une envergure inestimable pour notre bien à tous ? Il ose emprunter des chemins que seuls les visionnaires sont capables de défricher.
Personne n’a toutes les solutions, pas plus les occidentaux que les chinois ou les africains et notre avenir tient dans une coopération planétaire. Les crispations politiques ne font que rendre plus critique le danger d’extinction qui nous menace.« Je refuse d’être pris entre l’eau et le feu. Je dois le dire haut et fort et exhorter tous mes contemporains à sortir de leur ornière mentale pour gérer notre avenir. C’est impérieux, c’est une question de survie ». Kabissa est « comme le lotus fragile qui fleurit dans la vase, je dois tenter de donner à cet espace de l’entre deux les couleurs de l’espoir. C’est le devoir de ma condition. »
Mises à jour septembre 2025
Kabissa n’est toujours pas rentable mais la terre a enfin été nettoyée de toutes les substances chimiques et du plastique. La matière organique est à nouveau extrêmement riche et les rendements sont bien meilleurs qu’auparavant. Par ailleurs, il y a une biodiversité, végétale comme animale, qui s’est installée sur les terres et qui donne beaucoup d’espoir à Patrick .
Des personnes ont acheté des maisons dans le vieux village. Elles viennent de Chine, de Belgique, d’Espagne, de France. Elles commencent à être rénovées, mais pour le moment personne n’y vit encore. Une des maisons a été réservée par un scientifique français pour y installer un laboratoire d’intelligence artificielle appliqué à la surveillance des plantes et de la qualité du sol.
Des universités chinoises et françaises ont montré leur intérêt pour le projet et des collaborations sont en train de se mettre en place afin de faire de Kabissa un terrain de connaissances et d’expérimentations pour les chercheurs en biologie, agro-foresterie, robotique,…
Patrick continue de sillonner la Chine pour donner des conférences sur la permaculture et promouvoir le projet.
Xiao Huang a quitté la ferme car il n’a pas pu rencontrer de femme pour fonder une famille. Il y a encore en effet plusieurs écueils majeurs pour le projet. Du fait de l’isolement du village, il reste difficile pour des jeunes d’envisager une vie de famille ici, notamment à cause de l’absence d’école à proximité et de médecine de qualité.
Certains agriculteurs locaux regardent d’un oeil de plus en plus intéressé l’évolution de la ferme et commencent à penser à se convertir à l’agriculture biologique - mais pas encore à la permaculture.
China – The Ambassador Who Became a Farmer
The Dream of the Old Caravan Trader
How good it is to meet a man who has not given up! At a well-lived 70, Patrick Nijs is one of those people who never cease to amaze me with the strength of their convictions, their integrity, their generosity, and above all, their love of life in all its forms. We call such people dreamers because cynicism has not spoiled them, and because, despite the passing years, they still carry wild projects.
Patrick’s own project can be summed up in one word: Kabissa. Nestled on the slopes of the northern Yunnan mountains in China, Kabissa is a model permaculture farm that is intended to eventually become an international permaculture center. For now, it is still in its early stages, and its 2 hectares of land spread over 5 terraces are only just recovering from decades of mistreatment with fertilizers, pesticides, and plastic coverings.
In the beginning was a vision
More than 10 years ago, when Patrick first traveled through Dongchuan, the native province of his partner Minyan, memories of his childhood in the Belgian Congo (today the Democratic Republic of the Congo) caught up with him. The infinitely red soil combined with the lush vegetation of this part of Yunnan mesmerized him. He felt the urge to take off his shoes and walk upon the earth he wished to make his own. He knew this soil would never truly belong to him (in China, no one can own land; the state grants concessions for 70 years). But, having been born in a stolen country, he wanted to die in a land that welcomed and accepted him.
Yet nothing predisposed him to a life as a neo-farmer, as he ironically calls himself. After working in education across several African countries, he decided to begin a career in diplomacy. First as second-in-command at the embassy in Burundi, then Consul in Osaka and Shanghai, before finally taking on the role of Ambassador in Beijing. In this position, he met the great leaders of the world, including Xi Jinping, whom he would encounter on several occasions.
From an early age, he felt at odds with Western philosophy. “I was born in the Congo, in that terrifying misunderstanding that was colonization, and I lived through too many contradictions in the name of development to truly identify with Western thought.” He turned to Eastern philosophy, discovering its extraordinary complexity, and was especially fascinated by its conception of Energy. His spiritual path eventually led him to Taoism, whose meditation he now practices daily.
But when one has lived such a wandering life, when one’s children are scattered to the four corners of the world, where, when, and why settle down? It was when he met his partner in Beijing, and she encouraged him to listen to his deep desire to return to the sources, that he chose to take early retirement, settle on his Yunnan farm, and begin the last great project of his life: repairing decades of agricultural waste, contributing at last to a sustainable, non-exploitative model, adding his stone to the building of a world respectful of life, and leaving future generations with the hope that things can still be put right (or almost).
Why a permaculture farm here, in China?
"Out of love", Patrick answers. Love for Minyan and their children. “I wanted at once to reconcile this complex family of mine and to return to Nature, which has always been for me like the cradle of my origins, my Omega point of breath.”
And then there is Chinese culture, steeped in Taoism, Confucianism, and Buddhism. In particular, “Taoism has known, since its founding in the 7th century B.C., that harmony between man and nature is the source of happiness, longevity, and balance. It is the most ecological cosmology ever conceived by Homo sapiens. Here, there are civilizational genes that provide access to an ecological revolution.” And indeed, the resurgence of Taoism and Buddhism in China is palpable. It goes hand in hand with the cultural renaissance following the economic one, both of which had been crushed during the Mao era. “Europe’s renaissance began with the Enlightenment, trickling down from intellectual and cultural life into economics. In China, the movement is reversed. As good Marxists, they began with the infrastructure and the economy. Today, the renaissance has reached the realm of superstructure, that of consciousness, imagination, culture, spirituality.”
“Out of conviction,” he adds. “Why are we so reluctant to join China’s initiative to recreate a civilization along the ancient Silk Road? To recreate a network on the path of Samarkand, does this make so little sense for humanity?” Patrick wants to be one of those caravan traders who bring peoples together. He also knows that humanity’s future, its very survival, depends on a global world, and that our fate rests on international cooperation. Partnership with China is decisive if we want to mitigate the damage of climate change. By its sheer gigantism, China is a pivot of the future, and the great challenge of the coming decades is the integration of China into the world and of the world into China. The EU is historically steeped in the necessity of ecological transition. China has more recently embraced the urgency of climate change and its ecological twin, making a drastic turn in its economy. But unlike in the West, “the great ecological shift will begin at the top, and the top has the means to set a direction for all of society. This is also one of the reasons I believe in this country: it still has a State capable of resisting vested interests to make choices for the common good.”
Kabissa
The name Kabissa comes from Kiswahili, the language of Congo, and means “absolutely,” “resolutely”, a word that conveys a strong will to achieve. When Patrick acquired the place in 2013, he was still posted in Beijing, and it took hours to reach his property from Kunming airport. Since then, a highway has been built, significantly opening up the Dongchuan valley and its mountain villages, including one summit reaching 4,400 meters.
Originally, Kabissa was a dilapidated traditional farm, tucked away from the tiny village of Lao Zhuan Di. Much to their dismay, only the structure of the main building could be preserved and restored. Today, it serves as a library and office. Around it, new buildings were constructed in accordance with the traditional courtyard layout, housing their main residence as well as rooms for their six children. In their absence, these rooms are used as guest accommodations, often for volunteers.
From the beginning, the plans also included a greenhouse to grow vegetables in winter and to serve as a nursery for other edible and medicinal plants.
Although located at 2,100 meters above sea level, the climate here is never very cold, and frosts are relatively rare. For a European, however, the rhythm of the seasons can be puzzling: winter is dry but pronounced, spring is hot, summer cool and humid, while autumn returns to a dry season. When Patrick decided to transform Kabissa into a permaculture farm, he faced a long adaptation period to fully grasp this unusual climate.
The Crops
The first task was to clean the land, especially to remove the plastic mulch used by farmers to reduce watering and herbicides. Officially, this plastic is biodegradable, but in reality, the soil becomes saturated with polymers because every year farmers lay down new sheets, which take far longer than a year to decompose. Regulations have recently tightened, making the use of truly biodegradable plastics more likely. Yet the legacy of past practices is still there, leaving the soil dramatically polluted.
At the same time, Patrick planted fruit trees, roses, and peonies for traditional Chinese medicine. Flowers are more Minyan’s domain, and they were intended to provide income at the start.
As with any permaculture farm, Patrick designs complex planting schemes that combine a wide range of vegetables and grains. For an untrained eye, especially in spring when the plants are still at their earliest stages, wandering through the fields without damaging the young shoots is nearly impossible.
One hectare of the estate is covered by a pine forest left to grow freely. These pines were planted about twenty years ago as part of a reforestation program. The forests in the region had been cut down to fuel copper mining, which brought prosperity but also devastation. By the 1990s, when the deposits were exhausted, the authorities finally realized the ecological fragility caused by massive deforestation. Alongside the pine forests, all cultivable terraces were replanted with walnut trees, which by law cannot be cut down.
Patrick is not alone. Volunteers regularly come from across China to lend a hand, but his greatest support is Xiao Huang, a young farmer from Zhejiang province who now works full time at Kabissa. When he arrived, he wanted to deepen his knowledge of organic farming, and Patrick recalls: “Xiao Huang has this innate intelligence of the soil. He immediately grasped the essence of permaculture. I truly hope he will stay for a long time, as his contribution is vital.” Neighbors also lend a hand, though their habits must be closely monitored. “One day while I was away, my neighbor plowed one of my terraces! He meant well, of course, but you never do that in permaculture. We mulch!”
Not everyone in the area is friendly. Some view this eccentric foreigner, farming in such an unorthodox way, with suspicion. Yet overall, Patrick is well accepted, even if he will always remain “the Foreign Ambassador.” “My neighbor who helps me laughs every time she sees me in the fields. For her, I’m a UFO.”
Learning the soil, observing it, discovering which species thrive, restoring it, and understanding the climate takes time. For now, the farm is not profitable. Patrick estimates he needs another four years before reaching balance and generating income. That does not stop him, however, from pursuing a much more ambitious vision: creating an international permaculture community in Lao Zhuan Di and convincing local farmers to adopt environmentally respectful agriculture.
The Project
Optimist or pessimist? It’s hard to say of Patrick. “We are racing toward the abyss. To die, to leave this world is normal and natural for ephemeral creatures like us. But to realize that this world itself is leaving us because we are killing it is unbearable. That impermanence I cannot accept.”
This is why Kabissa exists. To build a community of environmentally conscious farmers, to share knowledge and experience, to teach, to conduct research, to introduce high-tech innovations such as Artificial Intelligence and robotics, these are Patrick’s ambitions, guided by an international vision. “Kabissa happens to be in China, and its purpose is to bring minds together on the most urgent issues. It is no longer about stale politics or worn-out debates. To exaggerate a little, I’d say it’s about putting the greatest minds of our time to work on the problem of dry toilets.”
The old village of Lao Zhuan Di could become the stage for this endeavor. A few months ago, homes deemed unsafe and too dilapidated were emptied, their inhabitants receiving state subsidies to build new houses a few kilometers away. The old village now stands abandoned, with only livestock left behind so that owners might secure larger compensations if the properties are bought back.
These houses could be renovated. Xiao Huang has already settled there. Dunhua, a university biologist who left academia to dedicate herself to organic farming, is choosing the house where she will shape her future plans. Her scientific expertise is crucial to the project. Others, both Chinese and international, follow closely and contribute in their own ways,some ready to invest when the time is right.
Patrick also works with local and national authorities to demonstrate the value of the project, giving frequent lectures. As a former ambassador, he is listened to attentively, especially since it is known he met Xi Jinping, whose climate policies are very much in people’s minds. Patrick leverages this unique credibility to argue that if such a Center were to emerge, and if farmers in this region of Yunnan embraced the effort with government support, the benefits to local populations and policies would be overwhelmingly positive.
Yet Chinese pragmatism demands proof. Since Patrick’s farm is not yet profitable, many wonder how the transition to organic farming could be achieved without yield or income losses. In rural China, conservatism is strong. For now, it is unthinkable to both lose food self-sufficiency in some sectors and raise the cost of agricultural goods.
The Global Context
Chinese agriculture is largely intensive but of a traditional kind. Mechanization remains limited, except in certain plains regions, and the large machines that crisscross Western farmland are rarely seen. Manual labor remains widespread, often with draft animals. Fields are small, terraces are still cultivated in the mountains. There are urgent problems to fix, chemical fertilizers and pesticides, the overuse of plastic mulch, but for the reasons mentioned earlier, the ecological transition may be less brutal here than in the West, where modern intensive farming has become the dominant norm.
Moreover, rural exodus is still relatively recent, and eating habits remain focused on fresh produce. Even urban dwellers continue to practice kitchen gardening on a massive scale, on balconies, rooftops, alleys, around construction sites, in fact anywhere there is available soil.
Since the 1990s, when it became obvious that thirty years of environmental negligence needed correcting, summed up by policymakers as “pollute first, control later”, food quality and safety have become top concerns for Chinese people. Over the past decade, organic labels have multiplied, sometimes misleadingly, closer to greenwashing than true organics. Yet the Chinese National Organic Products Standard is recognized as one of the strictest in the world. Initially created for exports, Chinese organic products are now sold domestically, and organic farming continues to expand.
Another trend has recently emerged, growing stronger by the day: the “low desire life” movement, which advocates a frugal lifestyle, rejects consumerism and the pressures of urban living, and denounces the modern enslavement of endless work and fierce competition. Driven by social media, it is inspiring more and more young urbanites to embrace rural life and fueling a rapidly expanding green tourism industry.
The Future
Will the caravaner succeed in this project of immeasurable scope, for the good of us all? He dares to walk paths that only visionaries are willing to clear.
No one has all the solutions, not Westerners, not Chinese, not Africans. Our future depends on global cooperation. Political tensions only deepen the urgency of the extinction risk we face. “I refuse to be caught between water and fire. I must say it loud and clear and urge my contemporaries to break free from their mental rut to confront our future. It is imperative; it is a matter of survival.” Kabissa, he adds, is “like the fragile lotus blooming in the mud: I must try to give this in-between space the colors of hope. That is my duty.”
Updates – September 2025
Kabissa is still not profitable, but the land has finally been cleansed of chemicals and plastic. The soil is once again rich in organic matter, and yields are already much improved. Biodiversity, both plant and animal, has taken root, giving Patrick great hope.
Several people have bought homes in the old village, coming from China, Belgium, Spain, and France. Renovations have begun, though no one lives there yet. One house has been reserved by a French scientist who plans to set up an artificial intelligence laboratory for monitoring plants and soil quality.
Chinese and French universities have expressed interest in the project, and collaborations are taking shape to make Kabissa a site of knowledge and experimentation for researchers in biology, agroforestry, and robotics.
Patrick continues to travel across China giving lectures on permaculture and promoting the project. Xiao Huang has left, unable to find a partner to start a family. This highlights one of the major challenges: the village’s isolation, the lack of nearby schools, and the absence of quality medical care make family life difficult here.
Some local farmers, however, are beginning to watch the farm with increasing curiosity. A few are even considering transitioning to organic farming, though not yet to permaculture.