THE WEIGHT OF ASHES - UKRAINE / RUSSIA
Tout a commencé par le bruit, la fureur et le feu. Alors vint la dévastation, la peur et la solitude des larmes. Presque trois ans déjà.
De l’autre côté de la féroce ligne, les consciences se sont bouchées à coup de pelleteuse et de bulldozers pour mieux entasser les corps sous les gravats afin d’y construire l’ossature du mythe mité de la « Grande Guerre Patriotique » et de sa sœur bâtarde, ladite « Opération Spéciale ». Cette carcasse où résonne tout à la fois la fureur, l’aveuglement et l’opportunisme conduit tout un peuple vers une aliénation de l’esprit et du sens critique. Des épouvantails inquisiteurs et pointilleux sont savamment disposés dans l’espace mental de la population. Sous le soleil d’été, ils se nourrissent de la terreur infligée à l’autre mais aussi de la chair de leurs propres enfants. Ainsi, ils vont flânant sur le bord des mers Noire, Azov, et Caspienne afin d’admirer les bateaux lanceurs de missiles. Ils se promènent nonchalamment dans les parcs de leurs attractions guerrières où les crayons contraints des enfants ont tracé de grands Z qui ne veulent pas dire Zorro. Dans les cafés des théâtres martyrs où Shakespeare ne dira plus ses mots, ils trainent leur soif nationaliste.
Le stimulus par la peur est le bâti sur lequel la paranoïa et la suspicion sont des ornements tout naturels. Cette peur profonde, enracinée dans l’époque des grandes purges, est la glaise employée par le pouvoir pour façonner un peuple sans visage. Dans un tel État, ou étau, comment ne pas être motivé par la seule nécessité de sa réussite sociale et de ses avantages afin de se convaincre que le monde selon Poutine est bien le meilleur ? Comment ne pas passer sous silence les assassinats d’opposants et de journalistes ? Comment ne pas croire que les Ukrainiens sont bien des nazis puisque cette dite « Opération Spéciale » n’est finalement que la suite glorieuse de la « Grande Guerre Patriotique » ?
Dans les territoires occupés, la russification est d’ores et déjà actée et les lits des victimes se remplissent de corps russes subventionnés par le Kremlin à grand coup de bonus et de promotions sociales. La vie est belle à Marioupol ! L’accès à la propriété y est facilité par la spoliation et les salaires proposés font miroiter les alouettes.
Jusqu’à ce jour, l’occident a fait mine de défendre ; défendre la démocratie, défendre l’ami. Mais l’intérêt s’accommode du crime et l’on retrouve à foison sur les étals des marchés, les produits d’un embargo duplice. Le vacarme incessant des alarmes et des déflagrations sur les villes et les villages, les assassinats ciblés de civils, cette routine de la terreur, tout cela est infligé quotidiennement au peuple ukrainien. Nous le savons, le massacre ne s’arrête pas parce que l’on prive l’agresseur de barres chocolatées et de quelques yachts. Bien sûr, rien ne cesse jamais ainsi et l’histoire en témoigne.
Depuis l’élection de Trump, et sans même qu’il n’ait eu besoin qu’il soit déjà en fonction, nous voilà, nous européens, tous vêtus de notre frac empoussiéré des grands jours, ce costume de location empesé d’amidon et trop grand pour nous, la bouche pleine de froufrous et de babillages de circonstance, jacassant dans les chambres vides des chancelleries où le principe des peuples à disposer d’eux-mêmes n’est plus qu’une vieille tapisserie démodée, nous voilà donc, nous, vieux démocrates en souliers vernis, à nous presser fiévreusement au portillon de la grande place enneigée espérant servilement que les maisons blanches et rouges nous trouveront à leur goût. Nous voulons en être, nous voulons être grands, aussi grands que les tyrans qui dansent la farandole sur les cadavres.
Avec l’invasion à grande échelle de la Russie sur le territoire internationalement reconnu de l’Ukraine, n’aurions-nous pas dû répondre de manière effective à leurs appels à sauver cette démocratie naissante ? Et si nous sommes trop pusillanimes pour défendre nos principes et tenir tête au maître du Kremlin, ne devrions-nous pas au moins armer réellement le bras de celui qui défend l’Europe à notre place ? Car enfin, les cendres qui recouvrent l’Ukraine et nous menacent chaque jour davantage de ses poussières radioactives viennent bien de la Russie. Ou préférons-nous entériner les conquêtes territoriales du Kremlin et pour ce faire, nous asseoir à la table d’un pouvoir autocratique et corrompu ? Sommes-nous prêts à serrer la main d’un autre criminel de guerre poursuivi par la CPI, ci-après Vladimir Vladimirovitch Poutine ?
THE WEIGHT OF ASHES - UKRAINE / RUSSIA
It all began with noise, fury and fire. Then came devastation, fear and the loneliness of tears. Almost three years on.
On the other side of the ferocious line, consciences have been clogged up with shovels and bulldozers, to better pile up the bodies under the rubble and build the skeleton of the moth-eaten myth of the “Great Patriotic War” and its bastard sister, the so-called “Special Operation”. This carcass of fury, blindness and opportunism is leading an entire people towards the alienation of their minds and critical faculties. Inquisitive, fastidious scarecrows are skillfully placed in the population's mental space. Under the summer sun, they feed on the terror inflicted on others, but also on the flesh of their own children. So, they wander along the shores of the Black, Azov and Caspian seas to admire the missile-launching boats. They stroll nonchalantly through the parks of their warlike attractions, where the constrained crayons of children have drawn large Zs that don't stand for Zorro. In the cafés of martyred theaters where Shakespeare will no longer say his words, they drag along their nationalistic thirst.
The stimulus through fear is the framework on which paranoia and suspicion are natural adornments. This deep-seated fear, rooted in the days of the great purges, is the clay used by power to shape a faceless society. In such a state, or vice, how can one not be motivated solely by the need for social success and advantages, in order to convince oneself that the world according to Putin is indeed the best? How can we not ignore the assassinations of opponents and journalists? How can we not believe that the Ukrainians are indeed Nazis, since this so-called “Special Operation” is nothing more than the glorious continuation of the “Great Patriotic War”?
In the occupied territories, Russification has already taken place, and the beds of the victims are filled with Russian bodies subsidized by the Kremlin with bonuses and social promotions. Life is good in Mariupol! Access to property is facilitated by spoliation, and the salaries on offer are the stuff of dreams.
Up until now, the West has pretended to defend; to defend democracy, to defend friends. But self-interest accommodates crime, and the products of a duplicitous embargo can be found in abundance on market stalls. The incessant din of alarms and explosions over towns and villages, the targeted assassinations of civilians, this routine of terror - all this is inflicted daily on the Ukrainian people. As we know, massacres don't stop just because the aggressor is deprived of chocolate bars and a few yachts. Of course, nothing ever stops like this, and history bears witness to this.
Since Trump's election, and without him even needing to be in office already, here we are, Europeans, all dressed up in our dusty tailcoat for those big days, that starchy rental suit too big for us, our mouths full of frou-frous and circumstantial yawning, yakking in the empty chambers of chancelleries where the right of peoples to self-determination is no more than an old-fashioned tapestry, here we are, old democrats in patent leather shoes, feverishly hurrying to the gates of the great snow-covered square, slavishly hoping that the white and red houses will find us to their taste. We want to be part of it, we want to be great, as great as the tyrants who dance the farandole on corpses.
With Russia's full-scale invasion of the internationally recognized territory of Ukraine, shouldn't we have responded effectively to their calls to save this fledgling democracy? And if we are too pusillanimous to defend our principles and stand up to the master of the Kremlin, shouldn't we at least genuinely arm the hand of those who are defending Europe for us? After all, the ashes that cover the Ukraine and threaten us with more radioactive dust every day do indeed come from Russia. Or do we prefer to ratify the Kremlin's territorial conquests, and to do so, sit at the table of an autocratic and corrupt power? Are we ready to shake hands with another war criminal being prosecuted by the ICC, hereafter Vladimir Vladimirovich Putin?