De la guerre aux Jeux paralympiques
La capitale arménienne se réveille doucement et les deux blessés de guerre enfilent leur tenue de sport. Aujourd’hui, ils ne travaillent pas à l’usine. « Ils m’ont coupé les jambes, pas les ailes » confie Smbat avant d’ajuster son casque et de s’élancer sur une petite route nationale. Arman le suit de près mais ne parvient pas à le dépasser. Depuis qu’ils ont fondé en mai 2022 la Fédération arménienne de course en fauteuil roulant, les deux amis s’exercent intensément. Alors que leur silhouette s’éloigne, Grigor guette les automobilistes, prêt à les avertir de la présence des athlètes qui se distinguent à peine. N’ayant pas accès à des circuits adaptés, ils sont contraints de s’entraîner au milieu des voitures. Les jours de pluie, ils se réfugient dans les locaux de l’association Pyunic (Phénix en français), leur famille de coeur, où une « salle de sport » abrite quelques machines.
Leurs efforts paient : en juillet 2023, les complices s’envolent pour les Championnats du monde de para athlétisme de Paris aux côtés de deux lanceurs de poids, Sargis Mkhitaryan et Sargis Stepanyan, officier militaire triplement amputé. Aux obstacles logistiques s’ajoute la précarité de la petite équipe dont le matériel rudimentaire ne permet pas d’envisager le podium. Les athlètes doivent alors participer à de nouvelles compétitions internationales, dans l’espoir de se qualifier. À l’approche des Jeux Paralympiques, seule Greta Vardanyan, spécialisée en haltérophilie et amputée des deux jambes, est officiellement autorisée à représenter l’Arménie.
Estimée à 10 millions d’âmes, sa population est présente sur les cinq continents mais seulement 3 millions habitent en Arménie. Portés par la foi et l’envie d’exister aux yeux du monde, quelques mois après la douloureuse perte du Haut-Karabakh, les sportifs sollicitent une « wild card » auprès du comité paralympique international et lancent une cagnotte en ligne principalement adressée à la diaspora. Le gouvernement arménien ne finançant qu’une partie des frais associés à l’événement sportif tant attendu, les athlètes doivent redoubler d’efforts. Smbat ne peut pas quitter son poste à l’usine et les éthylotests qu’il fabrique ne lui rapportent pas beaucoup de Dram, la monnaie locale arménienne. Sans sponsor, le jeune homme de 31 ans, ne peut que caresser du regard le modèle de fauteuil dont il rêve.
Après d’interminables semaines d’attente, Smbat reçoit une réponse positive ! Il est autorisé à participer aux Jeux, contrairement à Arman, son fidèle coéquipier. Le champion du monde de bras de fer Sargis Stepanyan, obtient lui aussi le précieux sésame. Devenus une véritable source d’inspiration pour de nombreux jeunes hommes abimés par la guerre, ces athlètes sèment l’espoir sur les routes qu’ils gravissent. À l’heure où les géopoliticiens s’inquiètent de la pérennité du tout premier état chrétien, ses survivants portent le flambeau et protègent l’étincelle de vie.
From War to Paralympic Games
The Armenian capital slowly wakes up and the two war wounded put on their sports clothes. Today, they are not working at the factory. ‘They cut off my legs, not my wings’, confides Smbat before adjusting his helmet and setting off down a narrow national road. Arman followed closely behind but was unable to overtake him. Since they founded the Armenian Wheelchair Racing Federation in May 2022, the two friends have been training intensively. As their silhouettes recede, Grigor watches out for motorists, ready to alert them to the presence of the athletes, who are barely visible. With no access to suitable circuits, they are forced to train in the middle of cars. On rainy days, they take refuge in the premises of the Pyunic association (Phénix in French), their family at heart, where a ‘sports room’ houses a few machines.
Their efforts paid off: in July 2023, the partners took off for the Para Athletics World Championships in Paris alongside two shot putters, Sargis Mkhitaryan and Sargis Stepanyan, a triple amputee military officer. Added to the logistical obstacles was the precarious situation of the small team, whose rudimentary equipment meant that a podium finish was out of the question. The athletes therefore had to take part in new international competitions in the hope of qualifying. As the Paralympic Games approached, only Greta Vardanyan, a weightlifter with two amputated legs, was officially authorised to represent Armenia.
Estimated at 10 million souls, its population is spread across five continents, but only 3 million live in Armenia. Driven by faith and the desire to exist in the eyes of the world, a few months after the painful loss of Nagorno-Karabakh, the athletes applied for a ‘wild card’ from the International Paralympic Committee and launched an online fund-raising campaign aimed mainly at the diaspora. With the Armenian government funding only part of the costs associated with the eagerly-awaited sporting event, the athletes had to redouble their efforts. Smbat can't leave his job at the factory and the breathalysers he makes don't earn him much Dram, the local Armenian currency. Without a sponsor, the 31-year-old can only stare at the model of armchair he dreams of.
After endless weeks of waiting, Smbat received a positive reply! He was allowed to take part in the Games, unlike his faithful team-mate Arman. World arm-wrestling champion Sargis Stepanyan also gets the precious sesame. These athletes have become a real source of inspiration for many young men damaged by war, sowing hope along the roads they climb. At a time when geopoliticians are worried about the survival of the very first Christian state, its survivors carry the torch and protect the spark of life.