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L elevage d ormeaux
40 euros l?assiette au resto, 70 ou 80 le kilo au marché. L?ormeau n?est pas le genre de friandise qu?on s?offre sur un coup de tête, « allez, juste pour goûter ». D?ailleurs, en général, on n?y a jamais goûté. Il n?y a pas que le prix qui est à l?origine de ce manque de reconnaissance du coquillage le moins connu de l?étal. L?ormeau n?a ni la robe rouge séduisante et sexy du homard, ni la coquille élégamment striée d?une Saint-Jacques façon Jean-Paul Gautier, ni même le reflet bleuté de la petite robe de satin Coco Chanel. Dans l?univers luxe de la mer, l?ormeau c?est celui dont on n?apprécie guère la valeur esthétique.
Concrètement, c?est une coquille maronnasse qui contient une grosse limace brouteuse. Coquille unique sans même un pendant pour faire la symétrie. Coquille lumifuge, à savoir qui préfère rester dans le noir, elle ne se nourrit que d?algues de qualité dans une eau franchement trop froide pour la baignade. Bref, l?ormeau n?est pas le roi du fun.
Et pourtant, il a réussi à séduire Stanislas Jousseaume qui s?est installé au bout du monde, sur l?île de Sein pour vivre son idylle avec les mollusques. Idylle qui avait d?abord débuté avec une rivale, baveuse et iodée l?huître. Mais son dernier amour reste l?ormeau, celui qu?il chouchoute tout particulièrement avec une eau de qualité, des algues à proximité. Et une municipalité prête à l?accueillir dans un hangar au bout de ce bout de terre, au pied du grand phare noir et blanc.
Élevage à terre
Dans ses grands bassins, il reçoit les jeunes coquillages qu?il va élever pendant deux ans d?abord sur des disques en plastique, comme ceux utilisés pour les huîtres, puis dans des cages au départ conçues pour l?élevage des poulets. Habituellement, l?ormeau est ramassé ou pêché en pleine mer. Les entreprises d?élevage en bassin comme celle de Stanislas sont rares et il n?existe pas de matériel standardisé. C?est d?ailleurs l?un des attraits de cette profession : le fait de pouvoir expérimenter, d?entrer dans un programme de recherche, de trouver des solutions pour élever lui-même des géniteurs et maîtriser son travail de A à Z. Dans ce même esprit, Stanislas est très attentif aux algues avec lesquelles il les nourrit. Ramassées fraîches sur la plage de Sein en saison puis séchées hors saison, elles sont ballottées par la marée. Comme ces ormeaux, Stanislas vit au rythme des va-et-vient du ressac et de l?unique bateau qui le relie au continent.
Radical
Il n?est pas un homme du cru. Ses parents, contrairement à la norme en vigueur dans le milieu, ne sont pas ostréiculteurs. Lorsque le jeune homme de 27 ans pose ses valises sur l?île il y a seulement quatre ans, il semble déjà très bien savoir où il va. « J?avais de la famille ici et savais que cette concession était libre », se souvient Stanislas, qui avec sa compagne et associée Marie, a fait un choix de vie qu?on pourrait qualifier de? radical. L?île de Sein est à une heure du continent, ne compte que 216 habitants et se retrouve régulièrement isolée du reste du monde. C?est pourtant ici que Stanislas, fraîchement papa, a trouvé son équilibre. Une vie d?ostréiculteur simple et sobre, sur 3 500 m2 de concession. Selon les jours et les commandes, il doit traverser toute l?île pour expédier sa production vers ses clients. Il enfourche alors son vélo. Dix minutes plus tard, le voilà sur le port en train de préparer ses bourriches, dans une ancienne cabane de pêcheurs.
Avec sa formation en aquaculture et son bagage professionnel, Stanislas sait très bien ce qu?il veut? ou plutôt ce qu?il ne veut pas. Alors qu?une bonne partie de ses collègues pratiquent la monoculture, il a choisi de se diversifier. Pas question de ne produire par exemple, que de l?huître. « L?élevage est sensible, les taux de mortalité très importants, les prix fluctuants et puis, il y a la pénibilité du métier », résume-t-il. Quant à la pisciculture, une expérience en Norvège semble l?en avoir durablement dissuadé : « Ça paye bien mais franchement ce n?est pas hyper passionnant. »
Avec l?élevage d?ormeaux, commencé il y a seulement six mois, Stanislas a trouvé une perle rare, qu?il compte emmener jusque dans nos assiettes. Une perle rare mais coriace qu?il convient d?attendrir. Pour ne pas se casser les dents, mieux vaut s?armer d?un marteau. Taper fort, plusieurs fois. Une fois ces coups assénés, un aller-retour à la poêle avec un peu de beurre, d?huile ou de crème selon la préférence.
abalone breeding
40 euros per plate at the restaurant, 70 or 80 euros per kilo at the market. Abalone is not the kind of delicacy you offer yourself on the spur of the moment, "come on, just to taste it". Besides, in general, we've never tasted it. It is not only the price that is at the root of this lack of recognition of the least known shellfish in the display. The abalone has neither the seductive and sexy red dress of lobster, nor the elegantly striated shell of a Jean-Paul Gautier scallop, nor even the bluish reflection of the small satin dress Coco Chanel. In the luxury world of the sea, the abalone is the one whose aesthetic value is hardly appreciated.
In concrete terms, it is a marionette shell that contains a large, grazing slug. Unique shell without even a pendant to make symmetry. A luminous shell, i.e. one that prefers to remain in the dark, it only feeds on quality algae in water that is frankly too cold for swimming. In short, the abalone is not the king of fun.
And yet, he managed to seduce Stanislas Jousseaume who settled at the end of the world, on the island of Sein to live his idyll with molluscs. Idylle which had first started with a rival, drooling and iodized the oyster. But his last love remains the abalone, the one he pampers especially with quality water and seaweed nearby. And a municipality ready to welcome him in a shed at the end of this piece of land, at the foot of the large black and white lighthouse.
Land-based farming
In his large tanks, he receives the young shellfish that he will raise for two years, first on plastic discs, like those used for oysters, then in cages initially designed for chicken farming. Usually, abalone is collected or fished in the open sea. Pond farming operations such as the one at Stanislas are rare and there is no standardised equipment. This is one of the attractions of this profession: the fact of being able to experiment, to enter into a research program, to find solutions to raise breeding stock yourself and to control your work from A to Z. In the same spirit, Stanislas is very attentive to the algae with which he feeds them. Collected fresh on the beach of Sein in season then dried out of season, they are tossed by the tide. Like these abalones, Stanislas lives to the rhythm of the comings and goings of the surf and the only boat that connects him to the continent.
Radical
He is not a local man. His parents, unlike the norm in force in the industry, are not oyster aquaculturists. When the 27-year-old settles on the island only four years ago, he already seems to know very well where he is going. "I had family here and knew that this concession was free," recalls Stanislas, who with his partner Marie, made a life choice that could be described as... radical. The island of Sein is one hour from the mainland, has only 216 inhabitants and is regularly isolated from the rest of the world. Yet it is here that Stanislas, freshly fathered, has found his balance. A simple and sober life as an oyster farmer, on 3,500 m2 of concession. Depending on the days and orders, he has to travel all over the island to ship his production to his customers. He then gets on his bike. Ten minutes later, he was in the harbour preparing his furriers in an old fishermen's cabin.
With his training in aquaculture and his professional background, Stanislas knows very well what he wants... or rather what he doesn't want. While many of his colleagues are involved in monoculture, he has chosen to diversify. There is no question of producing, for example, only oysters. "Livestock farming is sensitive, mortality rates are very high, prices fluctuate and then there is the difficulty of the job," he summarizes. As for fish farming, an experience in Norway seems to have dissuaded him for a long time: "It pays well but frankly it's not very exciting. »
With the breeding of abalone, which began only six months ago, Stanislas has found a rare pearl, which he plans to take to our plates. A rare but tough pearl that should be softened. To avoid breaking your teeth, it is better to use a hammer. Hit hard, several times. Once these blows have been made, a round trip to the frying pan with a little butter, oil or cream, depending on your preference.