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Inch'Allah, Mike
Ces récits imagés sont mes derniers jours avec Mike au Maroc, mais je ne le savais pas encore. Hier, en ce mois de mai 2024, ta soeur m'a informé, d'une voix émue, que tu as quitté ce monde à Vancouver. Quelle terrible nouvelle, un choc pour tous. La maladie t'a transformé, tu avais changé. On n'est jamais préparé à la maladie, la mort soudaine. La dernière fois que je t'ai vu il y a 10 ans, tu étais sans canne et en forme.
Fin octobre, j'arrive à ton Riad dans le vieux Fez. Tu y vivais en alternance depuis dix-sept ans. Rencontrés à Londres, nous avions cultivé des passions communes au fil des années : les photos anciennes, les vieilles voitures, les voyages en train, les livres, les typographies, les vieux cafés, cinémas et leurs affiches. Mike était généreux et très discret sur lui-même. Tu m'offres ce livre, "La maison de l'araignée" de Paul Bowles. Ce roman sur le Maroc m'a suivi jusqu'au workshop Takin'Tingi à Tanger.
Pour visiter Fez confortablement, j'ai loué un taxi avec chauffeur, mais pas le premier chauffeur venu. Un chauffeur avec sa vieille Mercedes, qui semblait aussi âgée que lui. Tous deux donnaient l'impression de venir d'une époque révolue. Il ne parlait pas français et encore moins l'anglais et toi, tu connaissais juste quelques mots en arabe. On arrive toujours à communiquer avec un peu de tout. À la fin de ce voyage à Fez, nous connaissions un peu plus Mohamed. Cet homme de 75 ans travaille encore, car il n'aura pas de retraite. Ses trois grands enfants sont encore à la maison puisqu'ils ne trouvent pas de travail après des études dans la biologie et l'informatique. Mohamed doit continuer à travailler pour nourrir sa famille. La famille, c'est sacré au Maroc, c'est le socle. Ils s'entraident, n'ayant pas d'aide sociale comme en France.
Pendant quatre heures, Mohamed nous montre ses endroits préférés de la ville, les vues, les portes, le cimetière israélite, le jardin Jnane SBIL. Avant de repartir, Mike décide d'aller à Carrefour pour s'approvisionner de saucisson et on achète aussi ce fruit du dragon que l'on trouve intéressant. Le vendeur nous dit que c'est un fruit local. Celui-ci me suit aussi au workshop.
Après le workshop à Tanger où mon appareil photo tombe en panne, je suis revenue te voir avec Marie du WS pour ensuite reprendre le train avec toi pour Tanger. Tu t'es fait mordre par un chat ; la morsure s'est infectée et tu ne pouvais plus marcher. Plein de chats de rue et de poubelles au Maroc. Mais tu souhaitais acquérir d'anciennes affiches de cinéma et faire la connaissance de ma nouvelle amie Marocaine rencontrée dans le train quelques jours avant. Un soir où je devais être avec le groupe du workshop avec ma valise, je me suis retrouvée bloquée, sans voiture, sans appareil photo et fatiguée de tout. Devant mon désarroi, Sara ma nouvelle amie m'a gentiment invité à dormir chez elle dans la banlieue de Tanger.
Tu as aussi beaucoup apprécié Sara qui nous a fait visiter Tanger dans sa petite voiture rouge. Mais il te fallait tes affiches de cinéma vintage avant de repartir à Fez, ne pouvant plus marcher, tu m'as envoyée chez ton antiquaire pour trouver des perles rares. Chose faite, nous reprenions le train pour Fez peu après. Le service de l'ONCF et Mohamed, un autre ami, nous ont aidé à te porter... Ne voulant pas te soigner, je cours à une pharmacie pour les premiers secours, j'insiste pour que tu voies un docteur. Quelques semaines plus tard, Mike est retourné se soigner à Vancouver, un peu tard sans doute. Il n'avait que 58 ans.
Tu aimais dire Inch' Allah, même si tu ne croyais pas en Dieu. Adieu, mon cher ami, nos vies ont été tissées de tant de récits précieux, nourris par nos petits coeurs sensibles et voyageurs. Ici, dans mon coeur imprimé de souvenirs, tu reste immortel...
Inch'allah, Mike
These pictorial accounts are my last days with Mike in Morocco, but I didn't know that at the time. Yesterday, in this month of May 2024, your sister informed me, in a voice full of emotion, that you had left this world in Vancouver. What terrible news, a shock for everyone. The illness transformed you, you had changed. We are never prepared for illness or sudden death. The last time I saw you 10 years ago, you were cane-free and in great shape.
At the end of October, I arrived at your Riad in old Fez. You had been living there alternately for 17 years. We met in London, and over the years we had developed shared passions: old photos, old cars, train journeys, books, typography, old cafés, cinemas and their posters. Mike was generous and very discreet about himself. You gave me this book, 'The Spider's House' by Paul Bowles. This novel about Morocco followed me to the Takin'Tingi workshop in Tangier.
To visit Fez in comfort, I hired a taxi with a driver, but not the first driver that came along. A driver with his old Mercedes, which looked as old as he was. Both looked as if they'd come from a bygone era. He didn't speak French, let alone English, and you only knew a few words of Arabic. You can always communicate with a bit of everything. By the end of our trip to Fez, we knew Mohamed a little better. This 75-year-old man is still working, because he won't have a pension. His three grown-up children are still at home, as they can't find work after studying biology and IT. Mohamed has to keep working to feed his family. The family is sacred in Morocco, it's the foundation. They help each other out, as they have no social assistance like in France.
For four hours, Mohamed shows us his favourite places in the city, the views, the gates, the Jewish cemetery, the Jnane SBIL garden. Before setting off again, Mike decides to go to Carrefour to stock up on sausages and we also buy this dragon fruit that we find interesting. The seller tells us it's a local fruit. He also followed me to the workshop.
After the workshop in Tangier, where my camera broke down, I came back to see you with Marie from the WS and then took the train back to Tangier with you. You were bitten by a cat; the bite got infected and you couldn't walk any more. Morocco is full of street cats and dustbins. But you wanted to buy some old cinema posters and get to know my new Moroccan friend, whom I'd met on the train a few days before. One evening, when I was supposed to be with the workshop group with my suitcase, I found myself stranded, without a car, without a camera and tired of everything. My new friend Sara kindly invited me to spend the night at her place on the outskirts of Tangier.
You also really liked Sara, who showed us around Tangier in her little red car. But you needed your vintage cinema posters before heading back to Fez, and as you could no longer walk, you sent me to your antique shop to find some rare gems. This was done, and we took the train back to Fez shortly afterward. The ONCF service and Mohamed, another friend, helped us carry you... Not wanting to treat you, I ran to a chemist for first aid and insisted that you see a doctor. A few weeks later, Mike returned to Vancouver for treatment, a little late no doubt. He was only 58.
You liked to say inch' Allah, even if you didn't believe in God. Farewell, my dear friend, our lives have been woven from so many precious stories, nurtured by our sensitive little travelling hearts. Here, in my heart imprinted with memories, you remain immortal...