LES FANTOMES DE TANGER
Tanger novembre 2023, le jour se lève. Je suis arrivée la veille et je découvre la ville depuis
les hauteurs de la Kasbah.
La lumière matinale de novembre éclaire timidement les terrasses qui descendent en cascade
jusqu?à la mer qui luit comme un miroir. Mon esprit vagabonde et part à la rencontre de ceux
qui, arrivés un jour par le bateau du soir dans l?intention de passer à Tanger quelques
semaines de villégiature, ont été happés par la ville et n?en sont plus repartis avant longtemps.
Ils s?appellent Paul, William, Jane, Pierre? et leurs fantômes flottent toujours sur la ville ; on
croise leur souvenir au détour d?une ruelle de la médina, à la terrasse d?un vieux café, ou
encore en passant devant un hôtel particulier abandonné, témoin d?une splendeur passée.
Ces artistes, venus des quatre coins du monde, attirés par la promesse d'une cité où les
cultures se mêlent, ont cherché l'inspiration dans les méandres des ruelles tangéroises, sur les
hauteurs de la ville, et dans la contemplation de la mer, horizon mélancolique et chargé de
promesses, lorsqu?il révèle la silhouette floue de l?Europe à quelques encablures.
Je les imagine, profitant de la douceur de vivre, dans cette ville dont les murs blancs se
détachent sur le bleu du ciel et où les heures s?étirent sous la lumière éblouissante de
l?Afrique.
Ou encore rentrant au petit matin, d?une de ces fêtes au faste suranné, organisées dans les
palais de la ville haute, l?esprit embrumé par les vapeurs d?alcool et de kif, lorsque la vision
se brouille.
Ainsi, les ruelles de Tanger, jadis peuplées d'artistes, gardent les secrets d'une époque révolue.
La lumière du petit matin, aussi douce soit-elle, révèle les fissures dans la façade de cette vie
facile. Certains artistes, épuisés par les excès, se retrouvaient prisonniers, incapables de faire
face à l'inconnu qui résidait au-delà de la mer.
Dans le port, un paquebot, silencieux, tandis que le tumulte de la vie nocturne s'apaise avec le
lever du soleil, attend. Il attend ceux qui auront le courage de s?arracher à cette ville, ceux qui
tous les jours se disent qu?ils vont le faire, ceux qui rêvent de nouveaux horizons mais vont
une fois encore repousser ce départ.
THE PHANTOMS OF TANGER
Tangier November 2023, daybreak. I arrived the day before and am discovering the city from the heights of the Kasbah.
The November morning light shyly illuminates the terraces cascading down to the mirror-like sea. My mind wanders to meet those who, having arrived one day on the evening boat with the intention of spending a few weeks in Tangier, were caught up by the city and didn't leave again for a long time.
Their names are Paul, William, Jane, Pierre... and their ghosts still float over the city; we come across their memories at the bend of an alleyway in the medina, at the terrace of an old café, or passing in front of an abandoned mansion, witness to a past splendor.
These artists, from the four corners of the globe, drawn by the promise of a city where cultures mingle, have sought inspiration in the meandering alleys of Tangier, on the heights of the city, and in the contemplation of the sea, a horizon both melancholy and full of promise, when it reveals the blurred silhouette of Europe just a stone's throw away.
I imagine them enjoying the sweetness of life in this city, where the white walls stand out against the blue sky and the hours stretch under the dazzling African light.
Or returning home in the early hours of the morning from one of the old-fashioned parties held in the palaces of the upper town, your mind clouded by the fumes of alcohol and kif, when your vision becomes blurred.
The alleyways of Tangier, once populated by artists, hold the secrets of a bygone era.
The early morning light, soft as it is, reveals the cracks in the façade of this easy life. Some artists, exhausted by excess, found themselves trapped, unable to face the unknown that lay beyond the sea.
In the harbor, a liner waits, silent as the tumult of nightlife subsides with sunrise. It waits for those who have the courage to tear themselves away from this city, those who tell themselves every day that they're going to do it, those who dream of new horizons but will once again postpone their departure.