Revolutions arabes
EGYPTEUNE NUIT PLACE TARHIR par Sébastien Deslandes pour VSD magazine
Tahrir. Place des libertés. Et des gueules cassées. En cette soirée fraîche, Ossama, 25 ans et apprenti avocat, a décidé de rentrer chez lui. Cela fait plusieurs jours qu?il est là avec ses amis parmi les manifestants à tenir ce qui est habituellement un important carrefour dans le centre du Caire et qui, depuis le début des manifestations abrite le coeur de la révolte. Mais ce soir, ses parents lui ont demandé de rentrer. « Mes parents ont peur pour moi. Peur de la police, peur que je me fasse arrêter ou pire. » Ils sont pourtant nombreux ce soir à avoir choisi de camper. Des tentes sont plantées, des bâches tendues, mais pour la plupart, couchés sur des tapis poussiéreux et emmitouflés dans de grosses couvertures, les uns contre les autres, ils passeront une nouvelle nuit en plein air. Une impression de superproduction hollywoodienne surdimensionnée se dégage de cette scène. L?horizon est saisissant. Aux côtés des valides : des éclopés, des bandés. Des blessés. Ils sont si nombreux à panser leurs blessures qu'on pourrait conclure à un nouveau phénomène de mode local. Et pourtant la journée aura tout du long prouvé le contraire. La tendance était à la guérilla entre anti et pro Moubarak et à un front distant d'une centenaire de mètres de la place. Les armes sont traditionnelles, éternelles : ce qu'on trouve, ce qu'on ramasse. Des barres de fer, des pavés, des cailloux. Avec une habitude curieuse de certains de les casser en multiples petits morceaux. Non par peur d'en manquer tant les ateliers-confection ont pris le pavé d'assaut. Le long de la rue, ils sont ainsi une dizaine, établis à réduire le bitume à l'état d'armurerie sous les coups d'outils de fortune. Dans un schéma réglé, d'autres viennent munis de casiers de bouteilles ou de grands sacs de toile, pourvoir aux besoins du front. Le chemin qui y mène est une véritable autoroute, un chassé-croisé permanent...
TUNISIE- DNAS LA RUE AVEC LA JEUNESSE INSURGÉE - par Sébastien Deslandes pour VSD magazine
Faites attention, des snipers sont sur les toits.?» Les manifestants avancent, les premiers rangs armés de simples cailloux. La rumeur gronde, l?hymne national retentit. La police en rangs serrés avance à son tour, et lance des bombes lacrymogènes à tir tendu. La foule recule, court, se disperse dans le dédale des petites rues de Tunis ou se réfugie dans les immeubles. Les commerçants lèvent un instant leur rideau, les habitants entrouvrent leur porte. La peur est omniprésente. La crainte de la police dont les procédés sont connus, les arrestations sommaires, les interrogatoires redoutés. Puis on ressort. La foule se reforme. Un nouveau front se créé. C est la génération Ben Ali. Omar est de celle-là. À 21 ans, il a de larges épaules et, sous son bonnet noir, le front déjà dégarni.
Les événements du centre du pays, principalement dans le triangle Kasserine, Thala, Sidi Bouzid, ont gagné Tunis, la capitale. Les revendications sociales aux contours politiques résonnent aussi fort dans le coeur de tous les Tunisiens. Comme le désir de voir les prix du pain et du lait baisser, la situation de l emploi s améliorer. L?exaspération contre le régime de Zine el-Abidine Ben Ali et son système corrompu, mafieux, est à son comble. «On ne sait pas comment cela va se passer. C est la première fois qu on manifeste. Je n'arrive pas à réaliser. Il y a le gaz, les balles, les snipers. Je ne dis rien à ma mère sinon elle m'obligerait à rester à la maison » Omar est pourtant de ceux qui par leur présence et leur implication ont fait basculer les événements. Ce mouvement ne se résume certes pas à la jeunesse, mais il a fallu qu elle soit là, -dépassant les clivages sociaux, faisant exploser les particularismes des situations économiques pour se retrouver unie dans son rejet du système. Les sites Internet ont été leur arme préférée et décisive. Se retrouvant sur les sites Facebook, Twitter ou sur des blogs, les jeunes confrontent ici les vidéos d arrestations, là celles des meurtres. C est aussi l occasion de se donner des rendez-vous, d échanger des slogans, de dresser des -revendications. « C'est la première cyber-révolution, explique Omar...
Article et images parus dans VSD
http://www.vsd.fr/contenu-editorial/photo-story/l-oeil-de-vsd/260-tunisie-dans-la-rue-avec-la-jeunesse-insurgee
Arab revolutions
TUNISIA - DNAS LA RUE AVEC LA JEUNESSE INSURGÉE - by Sébastien Deslandes for VSD magazine
Be careful, snipers are on the roofs. The demonstrators advance, the first ranks armed with simple stones. The rumor roared, the national anthem resounded. The police in close ranks advanced in their turn, and threw tear gas with a tense shot. The crowd retreats, runs, disperses in the maze of small streets of Tunis or takes refuge in the buildings. The shopkeepers lift their curtain for a moment, the inhabitants half-open their doors. Fear is omnipresent. The fear of the police, whose procedures are known, the brief arrests, the dreaded interrogations. Then one emerges. The crowd is reformed. A new front is being created. This is the Ben Ali generation. Omar is one of them. At the age of 21, he has broad shoulders and, under his black cap, his forehead is already bald.
Events in the center of the country, mainly in the triangle Kasserine, Thala, Sidi Bouzid, have reached Tunis, the capital. Social demands with political contours also resonate strongly in the hearts of all Tunisians. As the desire to see prices for bread and milk fall, the employment situation improved. The exasperation against the regime of Zine el-Abidine Ben Ali and its corrupt, mafia system is at its peak. We don't know how it's going to happen. It?s the first time we've demonstrated. I can?t figure it out. There's gas, bullets, snipers. I don't tell my mother or she'll make me stay home