Anti-Liban
Le Liban a beaucoup fait parler de lui à travers les grandes difficultés qui lui sont arrivées cette dernière année.
La révolution débutée en octobre 2019, la crise sanitaire du Coronavirus et l'explosion sur le port de Beyrouth ce 4 août sont des éléments qui rendent le quotidien insurmontable pour nombre de libanais.
Cette conjoncture est d'autant plus désastreuse que le pays détient le plus fort taux de réfugiés au monde (selon le Haut-Commissariat des Nations Unies), avec 1,5 million de réfugiés syriens pour 4,1 millions de libanais résidant dans le pays, soit plus de 36%.
C'est lors d'un séjour au pays des Cèdres en septembre 2019 que j'ai pris connaissance de cette situation et ai décidé d'aller à la rencontre de ces syriens exilés dans plusieurs camps de la Bekaa (région située à la frontière syrienne).
Au démarrage, ma prise de contact restait timide. C'est grâce à l'association KAFA que j'avais accès aux camps, mais les échanges et ma durée d'action sur place restaient limité.es. C'est donc pour mon troisième séjour que j'ai entrepris de m'organiser seule accompagnée d'un fixeur et d'un interprète.
Mon intention était de documenter par la photographie et la prise de témoignages, le quotidien de ces femmes et de ces hommes ayant quitté à contrecoeur leur nation. Témoigner de ces oublié.es, perdu.es au milieu d'un flot d'actualités négatives dont ils sont malheureusement les victimes collatérales.
Mes images proviennent de ces visites faites sur plusieurs camps durant 1 année, tous localisés dans la vallée de la Bekaa.
Les entretiens, eux, proviennent de mon dernier séjour (octobre 2020) durant lequel je me suis concentrée sur deux camps situés aux abords de Bar Elias, ces deux camps sont « Cheikh» et « Abou Farès ». Concentrer ma présence au sein de ces deux camps, m'a permis d'obtenir leur confiance afin d'approfondir les relations et de pouvoir témoigner de la manière la plus juste qui soit.
Ces conversations ont été enregistrées et je les ai retranscrites par la suite. Suite à ces entretiens, j'ai pu comprendre nombre d'éléments.
Comprendre que ces personnes n'ont qu'un seul souhait, celui de retrouver leur vie d'avant-guerre, leur village, leur maison, leur métier, leur dignité, leur sécurité et celle de leurs enfants.
Comprendre qu'elles participent pleinement à l'économie d'un pays en travaillant les terres, les bâtiments et dans les commerces, mais seulement du côté de la production. Et ce, à partir de l'âge de 10 ans.
Comprendre que les sentiments sont ensevelis par le temps de travail. Pas de place pour la colère, la tristesse, ni même pour un court instant de joie en famille. Seul.es la fatigue et le désir de sécurité survivent.
Comprendre que ces femmes et ces hommes se sentent victimes d'invisibilisation. D'abord dans leur pays qu'iels ont été obligé.es de quitter à défaut d'intégrer une milice, ensuite dans ce Liban d'accueil qui manque considération envers elleux (et vit de son côté des difficultés qui poussent également à l'exil), et enfin et surtout de la part des puissances internationales qui n'interviennent que très timidement avec de « petits » dons trop ponctuels d'après ces survivants.
De partout dans ces camps, on peut voir l'Anti-Liban. De l'autre côté de cette chaîne de montagne c'est la Syrie. À la fois si proche et si inaccessible.
Anti-Lebanon Mountain
Lebanon has been much talked about through the great difficulties that happened to it this past year.
The revolution started in October 2019, the Coronavirus health crisis and the explosion in the port of Beirut on August 4th are elements that make the daily life insurmountable for many Lebanese.
This situation is all the more disastrous as the country has the highest rate of refugees in the world (according to the United Nations High Commissioner for Refugees), with 1.5 million Syrian refugees for 4.1 million Lebanese residing in the country, or more than 36%.
It was during a stay in the country of Cedars in September 2019 that I became aware of this situation and decided to go and meet these Syrians exiled in several camps in the Bekaa (region located on the Syrian border).
At the beginning, my contact remained timid. It is thanks to the association KAFA that I had access to the camps, but the exchanges and my duration of action on the spot remained limited. It is thus for my third stay that I undertook to organize myself alone, accompanied by a fixer and an interpreter.
My intention was to document through photography and testimonies, the daily life of these women and men who had reluctantly left their nation. To bear witness to these forgotten people, lost in the midst of a flood of negative news of which they are unfortunately the collateral victims.
My images come from these visits made to several camps during one year, all located in the Bekaa Valley.
The interviews come from my last stay (October 2020) during which I focused on two camps located on the outskirts of Bar Elias, these two camps are "Sheikh" and "Abu Fares". Concentrating my presence in these two camps, allowed me to gain their trust in order to deepen relations and to be able to testify in the most fair manner.
These conversations were recorded and I later transcribed them. As a result of these interviews, I was able to understand many things.
To understand that these people have only one wish, that is to find their pre-war life, their village, their house, their profession, their dignity, their safety and that of their children.
To understand that they participate fully in the economy of a country by working the land, buildings and businesses, but only on the production side. And this, from the age of 10 years old.
Understand that feelings are buried by working time. No room for anger, sadness, or even for a short moment of joy in the family. Only fatigue and the desire for security survive.
Understand that these women and men feel they are victims of invisibility. First of all in their country that they were forced to leave because they could not join a militia, then in this host Lebanon that lacks consideration for them (and lives on its side of the difficulties that also lead to exile), and finally and especially on the part of the international powers that intervene only very timidly with "small" donations too punctual according to these survivors.
The Anti-Lebanon can be seen everywhere in these camps. On the other side of this mountain range is Syria. At the same time so close and so inaccessible.