Subir le fléau des sargasses
« On s'habitue à l'odeur » assure Thierry Lebrun, médecin anesthésiste. Il énumère ses symptômes : « Maux de gorge, yeux qui piquent, maux de tête fréquents, indigestion ». « On a l'impression d'avoir le nez bouché. La puanteur s'infiltre même dans les vêtements », rapporte Jocelyne. Si les sargasses sont connues depuis le XVème siècle et ont donné leur nom à la mer des Sargasses dans l'océan Atlantique, celles qui s’échouent en masse sur les côtes caribéennes depuis 2011 proviennent du Brésil et du golfe de Guinée. Résultant très probablement de l’augmentation des nutriments (azote, nitrate…) dans les eaux de ruissellement provenant de l'agriculture intensive en Amazonie, les sargasses forment des tapis flottants qui mesurent parfois des centaines de kilomètres de long. Inoffensives, voire bénéfiques pour l’environnement, tant qu’elles flottent à la surface des océans, elles deviennent mortelles une fois échouées dans les baies et les mangroves. Coraux et poissons étouffent. En pourrissant, les algues brunes libèrent des gaz toxiques tels que l'ammoniac (NH3) et le sulfure d'hydrogène (H2S). Ces échouages constituent donc non seulement un fléau environnemental mais également un problème sanitaire et économique majeur pour les riverains. En avril 2022, pour le magazine allemand Kulturaustausch, je suis allée à la rencontre de quelques-uns des habitants de la commune du Robert, sur la côte atlantique martiniquaise, régulièrement envahie par des tonnes de sargasses.
Enduring the scourge of sargassum
“You get used to the smell” says anesthesiologist Thierry Lebrun. He lists his symptoms: "Sore throat, itchy eyes, frequent headaches, indigestion". "You feel as if your nose is blocked. The stench even gets into your clothes," reports Jocelyne. While sargassum has been known since the 15th century, giving its name to the Sargasso Sea in the Atlantic Ocean, the sargassum that has been washing up en masse on the Caribbean coast since 2011 originates from Brazil and the Gulf of Guinea. Most likely the result of increased nutrients (nitrogen, nitrate...) in run-off water from intensive agriculture in the Amazon, Sargassum forms floating mats sometimes hundreds of kilometers long. Harmless, even beneficial to the environment, as long as it floats on the surface of the oceans, it becomes lethal once stranded in bays and mangroves. Corals and fish suffocate. As they rot, brown algae release toxic gases such as ammonia (NH3) and hydrogen sulfide (H2S). These strandings are not only an environmental scourge, but also a major health and economic problem for local residents. In April 2022, for the German magazine Kulturaustausch, I went to meet some of the inhabitants of the commune of Le Robert, on the Atlantic coast of Martinique, regularly invaded by tonnes of sargassum.