PORTUGAL - RELIGION - JUDAISME - LES DERNIERS MARRANES
A l'époque où Pedro Alvarez Cabral, enfant de Belmonte (Centre Portugal) découvrait le Brésil, les 200 000 juifs portugais furent sommés par l?Inquisition, de choisir entre devenir catholiques ou s?exiler. Beaucoup furent torturés et brûlés. Ceux qui sont restés se sont massivement convertis pour devenir les Nouveaux Chrétiens ou Conversos mais beaucoup ont continué à judaïser derrière les volets clos de leurs maisons, au péril de leur vie. Particulièrement à Belmonte.
Les chrétiens leur ont donné le nom de Marranos, c?est-à-dire porcs. L?inquisition portugaise en a brûlé plus de 20 000 entre 1536 et 1760 obligeant la plupart à choisir l?exil. Ils ont quasiment tous disparu sauf quelques -uns dans la Serra da Estrela autour de la bourgade de Belmonte où on peut croiser aujourd?hui les derniers d?entre eux, revenus officiellement à l?orthodoxie juive en 1983 après cinq siècles de vie religieuse clandestine. Avec quelques héritages de l?époque clandestine.
Ils sont moins de 60 aujourd?hui dans ce bourg modeste de la région Centre Portugal. Beaucoup ont fini par s?installer en Israël. Ceux qui restent, cinq siècles après le début de l?Inquisition, sont un symbole vivant de la volonté absolue de ce peuple à survivre.
Le Portugal, globalement, est en train de redécouvrir le judaïsme et les racines juives de certaines familles. Ce renouveau se partage entre les anciens crypto-juifs ou marranes, revenus à l?orthodoxie et des juifs (essentiellement à Lisbonne et Porto) venus avant -guerre, pendant la guerre ou plus récemment, du Maroc, de France, d?Allemagne, de divers pays de l?Est?
De l?ancienne communauté juive, estimée à 20 % de la population avant l?Inquisition, quasiment rien ne reste exceptée une ancienne synagogue, la plus ancienne encore debout, dans la région de l?Alentejo à Tomar. Elle date du 15ème siècle et a été réhabilitée pour devenir un musée qui jouxte un ancien bain rituel datant de l?époque romaine.
Dans les années 1920, à Belmonte et dans quelques villages alentour un ingénieur d?origine polonaise Samuel Schwarz avait décelé des coutumes fortement teintées de judaïsme
Jusqu?au début des années 1920 à Belmonte et dans quelques villages alentour, des rituels juifs se pratiquaient en grand secret dans les caves ou les greniers de certaines maisons. Souvent dans les forêts ou les prairies. L?ingénieur d?origine polonaise Samuel Schwarz travaillant dans cette vallée s?était dit que ce village hébergeait décidément de drôles de paroissiens. Quelque 200 à 300 âmes toutes plus ou moins cousines, officiellement chrétiennes qui, depuis 5 siècles, de génération en génération observaient des rituels juifs avec des prières uniquement en portugais, transmises oralement par les femmes. A leur grande surprise, ces « Marannos » ont appris au début du XXème siècle que d?autres juifs existaient encore dans le monde?
UNE AFFAIRE DREYFUS PORTUGAISE
Dans les années 1930, Artur Carols de Barros Basto capitaine de l?armée, ayant appris tardivement qu?il était de famille marrane, s?est battu pour construire une synagogue à Porto. Il fallut trouver des mécènes. Ce furent les frères Kadoorie, d?origine britannique. Ainsi s?est construite la grande synagogue Kadoorie Mekor Haïm de Porto. Le but majeur étant de permettre à ces marranes de pouvoir vivre désormais ouvertement leur religion. Ce fut un échec : on ne quitte pas facilement une inhibition multi-séculaire figée dans le secret. Et puis, la seconde guerre mondiale s?annonçait, ce n?était pas le moment de quitter ce secret bien gardé y compris par les voisins chrétiens. L?autre conséquence, lourde pour le capitaine, fut sa radiation de l?armée sous un faux prétexte « d?immoralité ». Et pourtant cette même somptueuse synagogue, achevée en 1938 bouillonne aujourd?hui d?activités à Porto. Quatre-cent membres la fréquentent de toutes obédiences et de 30 nationalités différentes. Pendant la seconde guerre mondiale elle a accueilli des milliers de réfugiés de toute l?Europe, le Portugal ayant été un pays neutre. Ironie de l?histoire, surtout pendant la guerre : la synagogue a comme voisine? l?école Allemande de Porto ! Les arbres que nous pouvons voir aujourd?hui y ont été plantés dans les années 1940, pour empêcher les enfants allemands d?apercevoir les Juifs. Outre le culte, la synagogue s?occupe également des certificats établissant l?ascendance juive portugaise. En effet, en guise de réparation envers les Juifs expulsés du Portugal il y a cinq siècles, il est désormais possible pour leurs descendants de demander la nationalité portugaise.
Juste en face va s?ouvrir, courant 2020 un musée du judaïsme abritant des donations d?objets de culte, des photos, des témoignages du monde entier et permettant de visionner un film documentaire sur la vie des juifs portugais depuis le Moyen-Age.
LES SECRETS DE BELMONTE
A Belmonte, c?est une autre histoire. Le lieu garde la trace de son passé insolite. Une synagogue Bet Eliahu a là aussi été construite et ouverte en 1996 après qu?Israël ait reconnu, en 1983, que cette communauté était habilitée à revenir pleinement au judaïsme orthodoxe. Désormais les rituels du chabatt et des fêtes, des mariages et des bar-mitzwah sont le mêmes que partout. Un musée du judaïsme très moderne et instructif y est établi. Mais Belmonte garde bien des secrets. Des témoins disent que certaines familles ont gardé des rituels d?avant. Ceux hérités de siècles de crypto-judaïsme. José, garde ainsi, cachée dans sa poche, comme cela se passait au temps du marranisme, la mézouzah (petit rouleau de parchemin inséré dans un tube qui doit être fixé aux montants des portes des maisons juives pour rappeler à ses habitants leur héritage juif). Il nous confie aussi que plusieurs continuent, aujourd?hui encore, à poser la main sur la porte en sortant de chez eux et de demander à Dieu de les protéger contre les persécutions et? contre l?Inquisition dont la date officielle d?abolition ne date que de 1821.
Annexes :
Synagogue de Tomar du 15ème siècle réhabilitée grâce à un ambassadeur suédois
Village blanc fortifié du 12ème siècle de Monsaraz qui fut le chef-lieu de l?inquisition dans l?Alentejo où la Maison de l?Inquisition est devenue Centre d?interprétation juive
PORTUGAL - RELIGION - JUDAISM - THE LAST MARRANOS
A l?époque où Pedro Alvarez Cabral, enfant de Belmonte (Centre Portugal) découvrait le Brésil, les 200 000 juifs portugais furent sommés par l?Inquisition, de choisir entre devenir catholiques ou s?exiler. Beaucoup furent torturés et brûlés. Ceux qui sont restés se sont massivement convertis pour devenir les Nouveaux Chrétiens ou Conversos mais beaucoup ont continué à judaïser derrière les volets clos de leurs maisons, au péril de leur vie. Particulièrement à Belmonte.
Les chrétiens leur ont donné le nom de Marranos, c?est-à-dire porcs. L?inquisition portugaise en a brûlé plus de 20 000 entre 1536 et 1760 obligeant la plupart à choisir l?exil. Ils ont quasiment tous disparu sauf quelques -uns dans la Serra da Estrela autour de la bourgade de Belmonte où on peut croiser aujourd?hui les derniers d?entre eux, revenus officiellement à l?orthodoxie juive en 1983 après cinq siècles de vie religieuse clandestine. Avec quelques héritages de l?époque clandestine.
Ils sont moins de 60 aujourd?hui dans ce bourg modeste de la région Centre Portugal. Beaucoup ont fini par s?installer en Israël. Ceux qui restent, cinq siècles après le début de l?Inquisition, sont un symbole vivant de la volonté absolue de ce peuple à survivre.
Le Portugal, globalement, est en train de redécouvrir le judaïsme et les racines juives de certaines familles. Ce renouveau se partage entre les anciens crypto-juifs ou marranes, revenus à l?orthodoxie et des juifs (essentiellement à Lisbonne et Porto) venus avant -guerre, pendant la guerre ou plus récemment, du Maroc, de France, d?Allemagne, de divers pays de l?Est?
De l?ancienne communauté juive, estimée à 20 % de la population avant l?Inquisition, quasiment rien ne reste exceptée une ancienne synagogue, la plus ancienne encore debout, dans la région de l?Alentejo à Tomar. Elle date du 15ème siècle et a été réhabilitée pour devenir un musée qui jouxte un ancien bain rituel datant de l?époque romaine.
Dans les années 1920, à Belmonte et dans quelques villages alentour un ingénieur d?origine polonaise Samuel Schwarz avait décelé des coutumes fortement teintées de judaïsme
Jusqu?au début des années 1920 à Belmonte et dans quelques villages alentour, des rituels juifs se pratiquaient en grand secret dans les caves ou les greniers de certaines maisons. Souvent dans les forêts ou les prairies. L?ingénieur d?origine polonaise Samuel Schwarz travaillant dans cette vallée s?était dit que ce village hébergeait décidément de drôles de paroissiens. Quelque 200 à 300 âmes toutes plus ou moins cousines, officiellement chrétiennes qui, depuis 5 siècles, de génération en génération observaient des rituels juifs avec des prières uniquement en portugais, transmises oralement par les femmes. A leur grande surprise, ces « Marannos » ont appris au début du XXème siècle que d?autres juifs existaient encore dans le monde?
UNE AFFAIRE DREYFUS PORTUGAISE
Dans les années 1930, Artur Carols de Barros Basto capitaine de l?armée, ayant appris tardivement qu?il était de famille marrane, s?est battu pour construire une synagogue à Porto. Il fallut trouver des mécènes. Ce furent les frères Kadoorie, d?origine britannique. Ainsi s?est construite la grande synagogue Kadoorie Mekor Haïm de Porto. Le but majeur étant de permettre à ces marranes de pouvoir vivre désormais ouvertement leur religion. Ce fut un échec : on ne quitte pas facilement une inhibition multi-séculaire figée dans le secret. Et puis, la seconde guerre mondiale s?annonçait, ce n?était pas le moment de quitter ce secret bien gardé y compris par les voisins chrétiens. L?autre conséquence, lourde pour le capitaine, fut sa radiation de l?armée sous un faux prétexte « d?immoralité ». Et pourtant cette même somptueuse synagogue, achevée en 1938 bouillonne aujourd?hui d?activités à Porto. Quatre-cent membres la fréquentent de toutes obédiences et de 30 nationalités différentes. Pendant la seconde guerre mondiale elle a accueilli des milliers de réfugiés de toute l?Europe, le Portugal ayant été un pays neutre. Ironie de l?histoire, surtout pendant la guerre : la synagogue a comme voisine? l?école Allemande de Porto ! Les arbres que nous pouvons voir aujourd?hui y ont été plantés dans les années 1940, pour empêcher les enfants allemands d?apercevoir les Juifs. Outre le culte, la synagogue s?occupe également des certificats établissant l?ascendance juive portugaise. En effet, en guise de réparation envers les Juifs expulsés du Portugal il y a cinq siècles, il est désormais possible pour leurs descendants de demander la nationalité portugaise.
Juste en face va s?ouvrir, courant 2020 un musée du judaïsme abritant des donations d?objets de culte, des photos, des témoignages du monde entier et permettant de visionner un film documentaire sur la vie des juifs portugais depuis le Moyen-Age.
LES SECRETS DE BELMONTE
A Belmonte, c?est une autre histoire. Le lieu garde la trace de son passé insolite. Une synagogue Bet Eliahu a là aussi été construite et ouverte en 1996 après qu?Israël ait reconnu, en 1983, que cette communauté était habilitée à revenir pleinement au judaïsme orthodoxe. Désormais les rituels du chabatt et des fêtes, des mariages et des bar-mitzwah sont le mêmes que partout. Un musée du judaïsme très moderne et instructif y est établi. Mais Belmonte garde bien des secrets. Des témoins disent que certaines familles ont gardé des rituels d?avant. Ceux hérités de siècles de crypto-judaïsme. José, garde ainsi, cachée dans sa poche, comme cela se passait au temps du marranisme, la mézouzah (petit rouleau de parchemin inséré dans un tube qui doit être fixé aux montants des portes des maisons juives pour rappeler à ses habitants leur héritage juif). Il nous confie aussi que plusieurs continuent, aujourd?hui encore, à poser la main sur la porte en sortant de chez eux et de demander à Dieu de les protéger contre les persécutions et? contre l?Inquisition dont la date officielle d?abolition ne date que de 1821.
Annexes :
Synagogue de Tomar du 15ème siècle réhabilitée grâce à un ambassadeur suédois
Village blanc fortifié du 12ème siècle de Monsaraz qui fut le chef-lieu de l?inquisition dans l?Alentejo où la Maison de l?Inquisition est devenue Centre d?interprétation juive