Projet Michel : La France à mobylette
2019. J'ai 24 ans, et je connais Maël depuis que j'en ai 11.
Des bancs du collège Charles Sénard aux sièges usés de nos premières bagnoles sur les routes d'été, il est devenu de ces amis forgés par le temps, par l'inaltérable présence, dont les visages demeurent au milieu de ceux que la vie force à défiler.
Pendant ces 13 années, le temps nous a construit, consciencieusement, une jeunesse à partager, des instants à créer et, au fil de nos succès et de nos échecs, des futurs à inventer.
13 années qui permettent, ce soir d'août 2018, alors que nous trinquons à la croisée de nos vies expatriées (je vivais au Liban alors qu'il rentrait d'un an de road-trip à travers l'Europe), de transformer l'idée plutôt délirante de rallier Lyon au Mont Saint-Michel à mobylette en un réel projet.
Pourtant tous deux motards, le choix des mobylettes est porté par cette envie de délaisser les grands axes pour, à l'heure des autoroutes, du TGV et des vols intérieurs, prendre le temps de voir cette France que nous connaissons finalement trop peu, de rencontrer les personnes qui l'incarnent, de parcourir, par delà les villes, ces routes et ces campagnes qui reposent dans la "diagonale du vide", zone oubliée, parfois délaissée, souvent marginalisée, voire moquée.
Des mobylettes, aussi, pour remonter le temps comme nous remonterons la France, à la rencontre d'une époque que nous n'avons pas connue, celle des Motobécanes, Solex, Peugeot, celle de nos parents et grand-parents.
Le "Projet Michel" met un an à mûrir dans nos tête. Il devient inévitable lorsque, en Juin 2019, nous descendons dans la Drôme pour en revenir avec deux Peugeot : une 104 de 1977 et une 103 Vogue de 1988.
Ne reste alors plus qu'à préparer les "mobs", les sacs, et à quitter Lyon à 45km/h de moyenne, avec la perspective lointaine d'un Mont que l'on imagine inatteignable tant ce qui nous en sépare semble vaste, avec deux vieux guidons entre nos mains, des sillons d'asphalte à perte de vue, et les mots de Sylvain Tesson qui, bien qu'il marchât sur ses "chemins noirs", résonnent pour nous du même écho, dessinent le même parcours :
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Non contents de tracer un réseau de traverse, les chemins noirs pouvaient aussi définir les cheminements mentaux que nous emprunterions pour nous soustraire à l'époque".
Michel's project : through France on a moped
2019. I am 24 years old, and I have known Maël since I was 11.
From the benches of the high school to the used seats of our first cars on the summer roads, he has become one of those friends forged by time, by the unalterable presence, those who remain.
During these 13 years, time has conscientiously built us a youth to share, moments to create and, with our successes and failures, futures to invent.
13 years that have allowed us, on this August evening in 2018, as we toast to the crossroads of our expatriate lives (I was living in Lebanon while he was returning from a year-long road-trip across Europe), to transform the rather crazy idea of rallying Lyon to Mont Saint-Michel on a moped into a real project.
Yet both bikers, the choice of mopeds is driven by the desire to leave the main roads behind in the age of highways, TGV and domestic flights, to take the time to see this France that we know too little about, to meet the people who incarnate it, to travel, beyond the cities, these roads and countryside that lie in the "diagonal of emptiness", a forgotten area, sometimes neglected, often marginalized, even mocked.
Mopeds, too, to go back in time, to meet an era that we did not know, that of the Motobecanes, Solex, Peugeot, that of our parents and grandparents.
The "Projet Michel" takes a year to mature in our heads. It becomes inevitable when, in June 2019, we go down to the Drôme to come back with two Peugeots: a 104 from 1977 and a 103 Vogue from 1988.
All that remains is to prepare the "mobs", the bags, and to leave Lyon at an average speed of 45km/h, with the distant prospect of a Mount that we imagine to be unreachable, so vast does what separates us from it seem to be, with two old handlebars in our hands, furrows of asphalt as far as the eye can see, and the words of Sylvain Tesson who, even though he was walking on his "chemins noirs", resound for us with the same echo, and draw the same route:
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Not content with tracing a network of crossings, the black roads could also define the mental paths that we would take to escape from the times".