Les saints légumes
Les terres autour du Moulin de Braux ne présentent pas les qualités requises pour le maraîchage. La terre est glaise et collante, dure à travailler. Aujourd'hui, les maraîchers préfèrent s'installer dans le Val de Saône où la terre est plus sablonneuse, meuble. Luc cultive des légumes depuis le début des années 80 et fait partie des pionniers en matière d'agriculture biologique. Pour Luc, cultiver est un véritable engagement et il a une foi sans faille dans le travail. Sa manière de travailler est restée assez archaïque, on désherbe à la main, on récolte tout manuellement aussi, les nouvelles technologies en matière d'agriculture biologique (désherbage thermique, machine agricole permettant de récolter certains légumes) ne semblent pas être arrivées jusqu'au Moulin de Braux. Probablement par choix au départ (car l'agriculture biologique intensive a d'autres impacts environnementaux, le désherbage chimique tuant la biodiversité des sols...) et finalement contraint par le cercle vicieux d'un travail sans relâche et acharné afin de produire en quantité suffisante et satisfaire une clientèle exigente. Luc reçoit un grand nombre de WWOOFers habituellement mais aujourd'hui ils se font rares au Moulin. (WWOOF - de l'anglais « World-Wide Opportunities on Organic Farms » - est un réseau mondial de fermes bio. Les hôtes se proposent d'accueillir des WWOOFers pour partager leurs connaissances, leur savoir-faire, leur quotidien et leurs activités avec la possibilité pour ces derniers d'être logés et nourris). Gérald est embauché à plein temps au Moulin, en plus d'un second mi-temps qui a changé au cours de l'année. Il dort sur place toute la semaine car il vient de loin. L'arrivée d'Isabella, jeune allemande de 18 ans venue dans le cadre du volontariat écologique franco-allemand passer un an comme bénévole au Moulin de Braux a été d'une grande aide au Moulin. Isabella a commencé son année de bénévolat au mois de septembre 2015 et est repartie en septembre 2016. Cette expérience initiatique fut difficile même si elle a su relever le défi qu'elle s'était fixé. Pour l'anecdote, elle a été repérée du haut de ses 1m85 pour faire du mannequinat, elle a finalement refusé cette offre et a poursuivi son travail d'apprentie maraîchère en agriculture biologique...! Ce lieu est atypique et il m'a attiré d'emblée car malgré le fait qu'il soit totalement isolé en milieu rural, on y croise toutes sortes nationalités, on y parle un peu français, un peu anglais... On y mène une vie spartiate, presque monacale où alcool et tabac sont proscrits et où chaque jour, les rituels de travail et de vie se ressemblent et se répètent, seule la météo capricieuse peut parfois modifier le cours des choses. Ce mode de production ne laisse pas tellement le choix, tout le monde se retrouve contraint et forcé quotidiennement de faire plus que son quota d'heures. L'ascétisme qui y règne crée une ambiance bien particulière que j'ai tenté de saisir au plus près. Enfin, cette exploitation est bien loin des modes de production intensifs qui proposent aussi des coûts plus bas et permettent à un plus grand nombre d'accéder au bio (avec d'autres inconvénients par ailleurs). Enfin, cela soulève aussi l'épineuse question : pourrait-on nourrir la planète avec cette approche de l'agriculture biologique ? Le sujet divise surtout aujourd'hui quand certains veulent proscrire le glyphosate alors que d'autres craignent l'extinction à petit feu des agriculteurs...
The holy vegetables
The land around the Moulin de Braux does not have the qualities required for market gardening. The earth is clay and sticky, hard to work. Today, market gardeners prefer to settle in the Val de Saône where the soil is more sandy, loose. Luc has been growing vegetables since the early 1980s and is one of the pioneers in organic farming. For Luke, cultivating is a real commitment and he has an unwavering faith in work. His way of working has remained quite archaic, weeding by hand, we also harvest everything manually, new technologies in organic farming (thermal weeding, agricultural machine for harvesting certain vegetables) do not seem to have arrived until Moulin de Braux. Probably by choice at the start (because intensive organic farming has other environmental impacts, chemical weeding killing soil biodiversity ...) and ultimately constrained by the vicious circle of relentless and hard work in order to produce sufficient quantity and satisfy demanding customers. Luc usually receives a large number of WWOOFers but today they are rare at the Moulin. (WWOOF - "World-Wide Opportunities on Organic Farms" - is a global network of organic farms. The hosts offer to welcome WWOOFers to share their knowledge, know-how, daily life and activities with the possibility for the latter to be housed and fed). Gérald is hired full-time at the Moulin, in addition to a second half that changed during the year. He sleeps there all week because he comes from far away. The arrival of Isabella, an 18-year-old German girl who came as part of Franco-German ecological volunteering to spend a year as a volunteer at the Moulin de Braux, was of great help to the Mill. Isabella started her year of volunteering in September 2015 and left in September 2016. This initiation experience was difficult even if she took up the challenge that she had set herself. For the anecdote, she was spotted at the height of her 1m85 to do modeling, she finally refused this offer and continued her work as an apprentice vegetable farmer in organic farming ...! This place is atypical and it attracted me from the start because despite the fact that it is completely isolated in rural areas, we come across all kinds of nationalities, we speak a little French, a little English ... We lead there a spartan, almost monastic life where alcohol and tobacco are prohibited and where every day the rituals of work and life are alike and repeated, only the capricious weather can sometimes change the course of things. This mode of production does not leave much choice, everyone is forced and forced daily to do more than their quota of hours. The asceticism that reigns there creates a very special atmosphere that I tried to capture as closely as possible. Finally, this exploitation is far from intensive production methods which also offer lower costs and allow more people to access organic products (with other drawbacks elsewhere). Finally, this also raises the thorny question: could we feed the planet with this approach to organic farming? The subject divides especially today when some want to ban glyphosate while others fear the extinction of farmers slowly ...