Prayer for lovers with broken hands
Etats Unis. Caroline du Nord. Wilson. 2023-2024.
Février 2023, je suis parti poser mon regard sur la commune de Wilson, en Caroline du Nord (USA), nichée au coeur de la Bible belt. Autrefois haut lieu de l’industrie du tabac, la ville a subi le déclin de la filière, poussant la fermeture des usines, le départ de sa population, la paupéri- sation et le délabrement de la commune.
Je profite de ce temps d’immersion pour découvrir l’Amérique reculée des petites villes, où le vide côtoie la tranquilité de façade bercée de visages embués et fatigués, de demeures abandon- nées, d’histoires singulières et repentances larvées alimentées par l’omniprésence de la religion évangélique baptiste.
J’y ai retrouvé des émotions que des auteurs tels que David Lynch, Edward Hopper, Daniel Clowes ou Charles Bukowski ont pu provoquer chez moi plus jeune : d’abord, une sensation latente qu’un inéluctable drame mystérieux va survenir, et surtout un écho intime avec les minorités et personnes modestes qui sur- vivent en attendant un jour meilleur, dans cette temporalité suspendue, désabusée et sourde... Au-delà de mes projections nourries par l’imagerie et esthétisme populaire américaine, je cherche à comprendre le quotidien de cette ville, partageant l’intimité de ses habitants, me concentrant spécifiquement sur ses populations fragiles (communautés noires, travailleurs indépendants, retraités, mère isolée, jeunesse, invalides) pour construire un dialogue et rendre un témoignage contemporain d’une certaine Amérique, des attentes de cette population exclue et délaissée, de leurs histoires, de leurs certitudes avec les excès et contradictions propres à la culture américaine.
L’idée fut de révéler la réalité d’un pays à la dérive, l’envers du décor d’un rêve américain si adulé et fantasmé, mais qui s’est fissuré au fil des décennies. Il ne s’agit plus d’une lointaine fiction vaporeuse et irréelle. Cette Amérique là, peuplée de laisser-pour-comptes, existe et s’incarne dans ces femmes et hommes que j’ai pu rencontrer lors de ce premier séjour.
J’ai tissé des liens forts avec plusieurs d’entre eux qui acceptèrent de me laisser entrer dans leurs vie et les accompagner au quotidien, moi qui y cher- chais les signes d’une ouverture, d’un accord ta- cite dans un environnement complexe et fragile.
Je suis reparti l’été 2024 reprendre le récit, partager d’avantage le quotidien à Wilson, et dériver parfois hors des frontières de la ville avec la perspective d’y trouver des traces historiques et ancrer la narration dans son passé, dans l’héritage d’une époque révolue .
Prayer for lovers with broken hands
United States. North Carolina. Wilson. 2023-2024.
February 2023, I set off to set my sights on the town of Wilson, North Carolina (USA), nestled in the heart of the Bible Belt. Once a hotspot for the tobacco industry, the town suffered the decline of the sector, leading to the closure of factories, the departure of its population, the impoverishment and dilapidation of the town. I take advantage of this time of immersion to discover the remote America of small towns, where emptiness rubs shoulders with the tranquility of a facade cradled by foggy and tired faces, abandoned homes, singular stories and latent repentances fueled by the omnipresence of the Baptist evangelical religion. I found emotions that authors such as David Lynch, Edward Hopper, Daniel Clowes or Charles Bukowski were able to provoke in me when I was younger: first, a latent feeling that an inevitable mysterious drama will occur, and above all an intimate echo with the minorities and modest people who survive while waiting for a better day, in this suspended, disillusioned and deaf temporality... Beyond my projections nourished by American popular imagery and aesthetics, I seek to understand the daily life of this city, sharing the intimacy of its inhabitants, focusing specifically on its fragile populations (black communities, self-employed workers, retirees, single mothers, youth, disabled people) to build a dialogue and give a contemporary testimony of a certain America, of the expectations of this excluded and neglected population, of their stories, of their certainties with the excesses and contradictions specific to American culture. The idea was to reveal the reality of a country adrift, the other side of the American dream that was so adored and fantasized, but which has cracked over the decades. It is no longer a distant, vaporous and unreal fiction. This America, populated by the left-behind, exists and is embodied in these women and men that I was able to meet during this first stay. I forged strong bonds with several of them who agreed to let me enter their lives and accompany them on a daily basis, me who was looking for signs of an openness, of a tacit agreement in a complex and fragile environment. I left in the summer of 2024 to resume the story, to share more of the daily life in Wilson, and sometimes to drift outside the city's borders with the prospect of finding historical traces there and anchoring the narration in its past, in the heritage of a bygone era.