Islands-in-Law I : Ile aux Moines
Série Personnelle. Iles aux Moines, France (2009-2015)
Dans un premier temps, il est question d'établir la difficulté de construire son histoire propre, de cette périlleuse idée de cerner tous les contours d'une telle construction ? périlleuse par les indécises questions soulevées au niveau du cheminement entrepris et/ou des entrelacs entre la réalité des faits vécus, digérés, accaparés et les vies fantasmées, rêvées, fictionnelles. N'oublions pas une autre interrogation : Qui influence qui ? qui se construit sur le dos de qui ? De quels vases communiquant parlons nous ?
La série d'images présentées ici est la première partie d'un projet plus global autour de cette réflexion sur l'identité et son apprentissage, et de la transmission de cet héritage de vie. Le mien en l'occurrence. Le cadre posé : ma belle-famille avec leurs terres et leurs demeures. Deux iles : l'Ile aux Moines et la Corse. Pourquoi partir de ma relation avec la belle-famille ? L'arrivée de mes enfants est la raison principale. Les liens se tissent d'avantage, l'implication inévitable des uns, l'empreinte des divers horizons s'ajoute au tracé personnel que je dessinais. Non sans hésitation et heurts. Comment l'impact de son environnement et des groupes satellites peuvent ils aider à raconter son histoire, entre mémoires des uns et anecdotes des autres d'un côté, désir sous jacents et fractures personnelles de l'autre ?
Je retrouve ma belle-famille au gré des différents évènements familiaux. Réunis autour des p(m)atriarches, au sein de demeures probantes tout en détails. Je me suis donné le rôle de documenter ces rassemblements ; parler d'une famille d'aujourd'hui, moderne mais attachée à sa terre. Les images se sont accumulées comme mes velléités d'appartenance à ce nouveau groupe, si grand, si soudé. Vouloir apporter ses pierres à cet édifice commun. Pourtant, ce rapport au groupe se définit en tensions : y entrer et chercher à y sortir aussi. Pour souffler. S'épancher sur sa solitude, son besoin d'indépendance. Tout est là, rechercher et garder sa liberté dans le groupe. Se construire sur cet équilibre. Etonnamment, les paysages capturés reflêtent ces velléités d'isolement : aspect désertique et brut, herbes folles, sous le vent, la roche dure, des chemins de traverse, feuillus. Quant aux personnages, ils sont comme en arrêt, dans l'attente. Dans l'attente de leur construction ? Du déroulement de leur histoire ? Ce ne pourrait être que des photos de famille, de banales intimités : les balades dominicales, les repas gargantuesques, le réapprovisionnement au marché local ou à la superette du bourg, les apéros tardifs, les anniversaires... Mais j'y vois pourtant un souffle différent, des temps suspendus, des terres silencieuses balayées de leurs regards. Les visages y sont songeurs, absents. Les secrets de famille vivaces. Je me vois dans ces scènes, dans ces rituels. Etrange effet de miroir. Le hasard fait que cette belle famille (« family in law ») trouve ses racines dans 2 régions aux identités fortes : la Corse et la Bretagne. Des iles, des amas d'iles. Mes « islands in law ». Ce ne pourrait être également que des images documentaires (anthropologiques ?) d?une région, et pourtant je décide d'y voir une vie quotidienne qui se dessine mais que l'on (j') aura(i) scénarisée. Une vie de fiction où j'aurai projeté mes angoisses, mes rêves et mes habitudes. Cette vie de famille au village se mêle à ma vision fictionnelle. Quid de la réalité, de la vie fantasmée, de ce mirage sciemment installé ?
Je me plais à penser que notre histoire personnelle n'est finalement qu'un espèce d'amalgame de la réalité (et ses faits avérés) augmentée du regard sensible et manipulateur que l'on peut porter sur sa propre existence (entre vie fantasmée, oubliée, calquée sur la fiction) En soi, ce pourrait être une sorte de « photo réalité » à l'image de la « télé réalite? » nous côtoyons depuis 10 ans. Comment ne pas aussi y être influencé? Avec cette pointe de mélancolie en plus, plus désabusépeut être.
Je me construis avec les autres et la réciproque est vraie. Mes enfants grandissent dans ce bain, insouciants. Je les suis tant bien que mal. Eux aussi se construisent, sans douleurs me semble-t-il. Ces garçons, mêlange d'un père fils d'immigrés et d'une mère aux origines identitaires régionales tenaces et affirmées. Quant à moi, je tiens au mieux la barre, soignant les bleus intérieurs et les éraflures visibles du temps.
Islands in Law Part. 1 : Monk island
Personal project. Monk Island, Brittany (2009-2015)
I'm trying to talk about the difficulty to grow up and build his own story. A hard way to define his life with all the questionings it suggests. The pictures here are the first part of a global project about the identity and the learning of living. The frame : my family in law and their lands. 2 islands : Monk island in Brittany and Corsica another island. Why talking about my family in law ? The arrival of my children is the principalreason. The family ties, the influence of the others on our own destiny or dreaming life. There are obviously some friction. Keeping his liberty in the group.
It is not only family pictures, i can see a new different breath ; a kind of time parenthese, silent land, absent faces with their secret.