Tourism of memory
Reportage, Viêtnam (1999-2012)
Depuis 1999, je retourne régulièrement au Viêt-nam. Mes premiers pas furent poussés par cette envie de découvrir ce pays que mes parents avaient quitté dans les années 60. Tenter de retrouver ces lieux et ces images reliées aux souvenirs qu'ils avaient pu, discrètement et avec pudeur, me raconter lorsque j'étais plus jeune.
Ce fut donc une quête normale de mes origines, une envie de connaître davantage l'histoire de ma famille, d'établir (ou rétablir) un lien entre cette partie de moi à la fois si lointaine et si proche. Car jusqu' alors, tout n'était qu' impressions, rites et gestes traditionnels, souvenirs relatés épars et diffus. Aujourd' hui, le temps a passé mais je continue de retourner là-bas quand je le peux. Pour moi, et pour mes enfants. J'y vais pour comprendre ce pays, me le réapproprier.
Je me suis intéressé à la partie contemporaine, car elle me paraît plus proche de moi, et de ma famille. Je pense à cette période récente qui part à peu près des années 50 où le pays a vécu de nombreux bouleversements : la décolonisation française, le conflit armé qui s'ensuivit, puis la guerre du Viêt-nam qui traumatisa aussi bien les différents belligérants (Etats-Unis, France, Viêt-nam, Cambodge etc.)
J'ai pris le parti d'évoquer le Viêt-nam par le biais de la mémoire : de cette forme de tourisme qui s'est développé depuis l'ouverture du pays au début des années 90 ; un « tourisme de mémoire », de la désolation diront certains...
Un tourisme que je différencie du tourisme historique et culturel majoritairement lié à la découverte des vestiges ou sites d'anciennes civilisations (civilisation Cham, temples chinois, les dynasties d'empereurs d'antan, les royaumes du Funan ou du Champa etc.).
Celui qui m'intéresse relève de cette histoire moderne, de cet impact indéniable sur nos vies. Aujourd'hui, on peut en effet visiter avec des guides les anciens sites militaires de la guerre du Viêt-nam, parcourir les zones démilitarisées, sillonner les tunnels viêt-cong, manipuler des armes qui ont appartenu aux GI's américains, collectionner les objets de cette période (zipo, drapeaux, tenues militaires...), commémorer les défunts aux cimetières militaires etc.
Un business s'est développé autour de ce thème permettant aux nouvelles générations (viêtnamienne ou étrangère) de comprendre plus ou moins cette période difficile de l'histoire contemporaine. Les plus anciens ou ex-acteurs de ce conflit y trouvent également leur compte et font une sorte de « pèlerinage » à la mémoire de leurs amis morts en fonction, ou pour expier leurs propres douleurs.
Personnellement, cette série d'images me permet de comprendre ce que je suis aujourd'hui, comprendre comment vit une partie de ma famille au Viêt-nam et pourquoi une autre partie de ma famille vit aujourd'hui hors du pays, éparpillée en France et en Amérique.
La série d'images ici est formalisée autour des lieux et sites que l'on peut visiter dans ce parcours « touristique ». Je me suis attardé sur les objets, sur la signification de ces paysages qui, au 1er abord, paraissent quelconques car la nature y a repris ses droits après toutes ces années, effaçant les traces du conflit. Je me suis aussi attardé à montrer ces hommes qui reviennent par curiosité, par soif de comprendre. Leur présence est minime, on les devine. Sur ces espaces vierges ou entretenus, lourds de cette histoire.
Tourism of memory
Report, Vietnam (1999-2012)
Since 1999, I have been regularly returning to Vietnam. My first steps were driven by this desire to discover this country that my parents had left in the 1960s. Trying to find these places and images related to the memories they had been able to tell me, discreetly and with modesty, when I was younger.
So it was a normal search for my origins, a desire to know more about my family's history, to establish (or restore) a link between this part of me that is both so distant and so close. Because until then, everything was only impressions, traditional rites and gestures, scattered and diffuse recollections. Today, time has passed but I keep going back there when I can. For me, and for my children. I go there to understand this country, to reclaim it for myself.
I was interested in the contemporary part, because it seems closer to me and my family. I am thinking of this recent period, which began around the 1950s, when the country experienced many upheavals: French decolonization, the armed conflict that followed, and the Vietnam War, which traumatized the various belligerents (United States, France, Vietnam, Cambodia, etc.)
I have chosen to evoke Vietnam through memory: this form of tourism that has developed since the country was opened up in the early 1990s; a "tourism of memory", of desolation, some will say...
A tourism that I differentiate from historical and cultural tourism mainly related to the discovery of the remains or sites of ancient civilizations (Cham civilization, Chinese temples, the dynasties of emperors of yesteryear, the kingdoms of Funan or Champa etc.).
The one I am interested in is part of this modern history, this undeniable impact on our lives. Today, you can visit the former military sites of the Vietnam War with guides, visit demilitarized areas, travel through Viet Cong tunnels, handle weapons that belonged to the American GIs, collect objects from this period (zipo, flags, military clothing...), commemorate the dead at military cemeteries, etc.
A business has developed around this theme allowing new generations (Vietnamese or foreign) to understand more or less this difficult period of contemporary history. The oldest or former actors in this conflict also benefit from it and make a kind of "pilgrimage" in memory of their friends who died in office, or to atone for their own pain.
Personally, this series of images allows me to understand who I am today, how part of my family lives in Vietnam and why another part of my family lives outside the country today, scattered throughout France and America.
The series of images here is formalized around the places and sites that can be visited in this "tourist" tour. I focused on the objects, on the meaning of these landscapes which, at first sight, seem unremarkable because nature has regained its rights there after all these years, erasing the traces of the conflict. I also focused on showing these men who come back out of curiosity, out of a thirst for understanding. Their presence is minimal, we can guess them. On these virgin or maintained spaces, heavy with this history.