Les déracinés du Nord Kivu
Meurtrie par près de 20 ans de conflit, la région des Kivus, à l'est de la République Démocratique du Congo, compte plus de 2 millions de personnes déplacées. Ayant fui la reprise des combats et leur lots de violences, 60 000 civils sont réfugiés dans des camps improvisées près de Goma, dans l'espoir d'y trouver de quoi survivre. « Nous avons fui notre maison, près de Rugari, sous les balles qui sifflaient. Nous n'avons rien pu prendre avec nous, rien du tout, raconte Ziripa, 30 ans, son nouveau-né de 3 mois dans les bras. Nous sommes arrivés ici, à Kanyaruchinya, après 2 jours de marche. C'était le 8 juillet." Son abri, d'à peine 2 mètres sur 3, n'offre guère de place pour toute sa famille, composée de 6 personnes. Leurs conditions de vie restent plus que sommaires. "Nous vivons misérablement, parce qu'il n'y a pas de travail." Pour acheter de quoi manger, les déplacés font appel à la débrouille. Les femmes vont chercher du bois de chauffage qu'elles revendent aux résidents, risquant souvent de se faire attaquer une fois sorties du camp. "Pourtant, c'est bien ici que je me sens le plus en sécurité, confie Ziripa. Nous sommes protégés par les autorités du camp. Chez nous, les rebelles nous imposent des taxes. Et si nous ne pouvons pas les payer, ils nous volent tout et deviennent violents. Tant que les combats dureront, nous ne pourrons pas retourner chez nous." A Kanyaruchinya, site spontané crée en juillet suite à la première vague d?arrivée de déplacés, on comptait, lors du dernier recensement officiel le 23 septembre, 11 100 ménages. Depuis, 4 606 nouvelles familles ont été enregistrées. Les ONG y interviennent conjointement, mais les conditions de sécurité précaires du camp, alliées à un accès à l'eau insuffisant du fait du coût du transport en camion-citerne, au manque d'abris et biens de première nécessité font que les déplacés ne reçoivent pas immédiatement le minimum vital. Je suis arrivée en septembre, avec la deuxième vague de déplacés, explique Marie, 55 ans, handicapée, sous le Hangar 23, lieu de transit où s'entassent sur de simples nattes et dans une chaleur étouffante 150 nouveaux arrivants. "La seule chose que j'ai pu emporter avec moi, c'est mon pagne. On m'a dit qu'ici, on aidait les déplacés. En attendant que je sois recensée, mes voisins me donnent de quoi manger. Mais ce n'est pas suffisant et j'ai souvent faim. C'est la deuxième fois que je fuis. La première, c'était en 2007. Toujours avoir à fuir, ce n'est pas une vie." Dans les allées du camp, les familles se partagent des petites casseroles cabossées pour cuisiner le manioc à même le sol volcanique -le volcan Nyiragongo, toujours en activité, et qui a ravagé une bonne partie de la ville en 2002, est situé à quelques kilomètres à peine. Ici aussi, peu à peu, la place vient à manquer. Tout comme les latrines d"urgence que s"empressent de construire les équipes humanitaires sur place. Les enfants, quand ils n"aident pas aux tâches domestiques de la famille, et s'ils n'ont pas eu la chance de trouver une place à l'école du camp, s'amusent avec des jouets de fortune. Certains sont arrivés seuls ici. C'est le cas de Gisèle, 15 ans, qui a pris la fuite, il y a quelques jours, avec son petit frère, sans sa mère qui était aux champs. Quand elle n'a pas de bois de chauffage à revendre, elle mendie pour survivre. "J'en connais beaucoup comme moi, dit-elle." Aux abords du camp, Domitille, 45 ans, a eu la chance d'être hébergée par une famille d?accueil. "Mon beau-frère a été tué lors des affrontements. Nous étions apeurés. Nous avons fui. Quand je suis arrivée ici, j'ai dormi dehors avec mon mari et mes 3 enfants. Le lendemain, Alice nous a hébergés, indique-telle en souriant." Alice a 3 enfants elle aussi. Même si elle peine déjà à trouver de quoi subvenir à leurs propres besoins, elle confirme qu'elle accueillera Domitille et sa famille autant de temps que nécessaire, même si c'est déjà difficile pour nous, affirme-t-elle." J'aimerais tant que la situation s'arrange pour tout le monde." Jean, veuf de 92 ans, sous un hangar depuis son arrivée en septembre, ne survit lui aussi que grâce à l'assistance de ses voisins, le temps que les ONG lui apportent de l'aide. Lors de sa fuite, il n'a pu emporter que sa veste, qu'il arbore avec fierté. Il a besoin de tout : de nourriture, de casseroles, de gobelets, d'habits. Pour lui, comme pour Marie, Domitille, ou encore Dieudonné, Alliance, Faïda et les centaines de déracinés qui affluent chaque jour à Kanyaruchynia, la vie ne tient désormais qu'à un fil : la solidarité.
Les déracinés du Nord Kivu
Meurtrie par près de 20 ans de conflit, la région des Kivus, à l'est de la République Démocratique du Congo, compte plus de 2 millions de personnes déplacées. Ayant fui la reprise des combats et leur lots de violences, 60 000 civils sont réfugiés dans des camps improvisées près de Goma, dans l'espoir d'y trouver de quoi survivre. « Nous avons fui notre maison, près de Rugari, sous les balles qui sifflaient. Nous n'avons rien pu prendre avec nous, rien du tout, raconte Ziripa, 30 ans, son nouveau-né de 3 mois dans les bras. Nous sommes arrivés ici, à Kanyaruchinya, après 2 jours de marche. C'était le 8 juillet." Son abri, d'à peine 2 mètres sur 3, n'offre guère de place pour toute sa famille, composée de 6 personnes. Leurs conditions de vie restent plus que sommaires. "Nous vivons misérablement, parce qu'il n'y a pas de travail." Pour acheter de quoi manger, les déplacés font appel à la débrouille. Les femmes vont chercher du bois de chauffage qu'elles revendent aux résidents, risquant souvent de se faire attaquer une fois sorties du camp. "Pourtant, c'est bien ici que je me sens le plus en sécurité, confie Ziripa. Nous sommes protégés par les autorités du camp. Chez nous, les rebelles nous imposent des taxes. Et si nous ne pouvons pas les payer, ils nous volent tout et deviennent violents. Tant que les combats dureront, nous ne pourrons pas retourner chez nous." A Kanyaruchinya, site spontané crée en juillet suite à la première vague d?arrivée de déplacés, on comptait, lors du dernier recensement officiel le 23 septembre, 11 100 ménages. Depuis, 4 606 nouvelles familles ont été enregistrées. Les ONG y interviennent conjointement, mais les conditions de sécurité précaires du camp, alliées à un accès à l'eau insuffisant du fait du coût du transport en camion-citerne, au manque d'abris et biens de première nécessité font que les déplacés ne reçoivent pas immédiatement le minimum vital. Je suis arrivée en septembre, avec la deuxième vague de déplacés, explique Marie, 55 ans, handicapée, sous le Hangar 23, lieu de transit où s'entassent sur de simples nattes et dans une chaleur étouffante 150 nouveaux arrivants. "La seule chose que j'ai pu emporter avec moi, c'est mon pagne. On m'a dit qu'ici, on aidait les déplacés. En attendant que je sois recensée, mes voisins me donnent de quoi manger. Mais ce n'est pas suffisant et j'ai souvent faim. C'est la deuxième fois que je fuis. La première, c'était en 2007. Toujours avoir à fuir, ce n'est pas une vie." Dans les allées du camp, les familles se partagent des petites casseroles cabossées pour cuisiner le manioc à même le sol volcanique -le volcan Nyiragongo, toujours en activité, et qui a ravagé une bonne partie de la ville en 2002, est situé à quelques kilomètres à peine. Ici aussi, peu à peu, la place vient à manquer. Tout comme les latrines d"urgence que s"empressent de construire les équipes humanitaires sur place. Les enfants, quand ils n"aident pas aux tâches domestiques de la famille, et s'ils n'ont pas eu la chance de trouver une place à l'école du camp, s'amusent avec des jouets de fortune. Certains sont arrivés seuls ici. C'est le cas de Gisèle, 15 ans, qui a pris la fuite, il y a quelques jours, avec son petit frère, sans sa mère qui était aux champs. Quand elle n'a pas de bois de chauffage à revendre, elle mendie pour survivre. "J'en connais beaucoup comme moi, dit-elle." Aux abords du camp, Domitille, 45 ans, a eu la chance d'être hébergée par une famille d?accueil. "Mon beau-frère a été tué lors des affrontements. Nous étions apeurés. Nous avons fui. Quand je suis arrivée ici, j'ai dormi dehors avec mon mari et mes 3 enfants. Le lendemain, Alice nous a hébergés, indique-telle en souriant." Alice a 3 enfants elle aussi. Même si elle peine déjà à trouver de quoi subvenir à leurs propres besoins, elle confirme qu'elle accueillera Domitille et sa famille autant de temps que nécessaire, même si c'est déjà difficile pour nous, affirme-t-elle." J'aimerais tant que la situation s'arrange pour tout le monde." Jean, veuf de 92 ans, sous un hangar depuis son arrivée en septembre, ne survit lui aussi que grâce à l'assistance de ses voisins, le temps que les ONG lui apportent de l'aide. Lors de sa fuite, il n'a pu emporter que sa veste, qu'il arbore avec fierté. Il a besoin de tout : de nourriture, de casseroles, de gobelets, d'habits. Pour lui, comme pour Marie, Domitille, ou encore Dieudonné, Alliance, Faïda et les centaines de déracinés qui affluent chaque jour à Kanyaruchynia, la vie ne tient désormais qu'à un fil : la solidarité.