Abandon
C'est l'histoire des abandons qui abîment salement.
Il y a ces baraques de quartiers modestes américains. Une cuisine, une salle de bain, un living. Tout est là, dénué de vie. Des intérieurs de foyers abandonnés, broyés lentement par le temps, par le vent. Des feuilles mortes sont entrées pour ne plus ressortir. Des dedans domestiques en rappel à l'intime. De ces moments de rupture avec soi-même, où l'on s'est laissé sur le bas-côté de sa propre existence, le moi serré dans l'étau du quotidien, des règles que l'on donne à la vie, de ces plis routiniers qui abîment.
Alors, il ya ces femmes, en vêtements d'une autre époque, les années 1950 en forme de clichés, les sales motifs imprimés happés par les murs dépéris. Les robes de cette petite femme inconfortable dans son ennui quotidien, à vaquer dans le vide de sa cuisine, en attendant le vide du soir et les enfants en mouvement qui vont courir par là et qui brasseront l'espace malgré tout avec légèreté. De cette femme en marionnette - les choses l'agissent , plus que le contraire.
Mais il y a ces détails, un tatouage qui dépasse, des chaussures du maintenant, de l'époque actuelle qui viennent ironiquement rappeler au regardeur que ces fantômes peuvent s'extirper de l'étau, que le moi peut se retrouver par morceaux et se réaffirmer souverain de sa vie, des choses autour. Ces images donnent au regard sur ces moments de l'existence - alors que déjà marquée par la toute puissance de l'écrasement- où l'on ne sait qu'on a été objet trop longtemps.
De ces expériences en forme de passages à partir desquelles il est décidé de ne pas oublier ce que l'on est intimement. En pense- bête, jeter un coup d'oeil sur l'objet spectral qu'on refuse désormais pour prendre sa place en sujet que nous sommes.
Abandon
It's a story of abandonment that takes its toll.
There are these shacks in modest American neighbourhoods. A kitchen, a bathroom, a living room. All there, devoid of life. The interiors of abandoned homes, slowly crushed by time and the wind. Dead leaves have gone in, never to come out again. Domestic interiors as a reminder of intimacy. Of those moments of rupture with oneself, when one is left on the sidelines of one's own existence, the self squeezed in the vice of daily life, of the rules we give to life, of those routine folds that damage.
Then there are these women, dressed in clothes from another era, the 1950s in the form of clichés, the dirty printed patterns caught on faded walls. The dresses of this little woman, uncomfortable in her daily boredom, idling in the emptiness of her kitchen, waiting for the evening void and the moving children who will run through there and stir up the space in spite of everything with lightness. Of this woman as puppet - things move her, rather than the other way round.
But there are these details, a tattoo sticking out, shoes from now, from the present time, which ironically remind the viewer that these ghosts can break free from the stranglehold, that the self can find itself in pieces and reassert itself as the sovereign of its life and the things around it. These images give the viewer a glimpse of those moments of existence - already marked by the omnipotence of crushing - when we know only that we have been an object for too long.
Experiences in the form of passages from which it is decided not to forget what we intimately are. As an afterthought, to take a look at the spectral object that we now refuse to accept in order to take its place as the subject that we are.