Une journee a l ecole Vert la table
Une journée à l?école ?Vert la table?
Se former à la cuisine végétale
La cuisine végétale est de plus en plus présente dans notre quotidien. Créative, elle nécessite un savoir-faire particulier.
Pendant l?été 2020, j ai rencontré Ariane Roques, cheffe, devenue intervenante à l?école « Vert la table » grâce à ses compétences en cuisine végétale et j ai eu envie de savoir pourquoi les gens venaient se former à ce type de cuisine.
L?école Vert la table est ouverte depuis septembre 2020. Elle offre une formation professionnelle nécessitant des techniques qui ne peuvent être enseignées à distance; elle a pu ouvrir pendant le second confinement.
Une histoire d'allergie
Tout a commencé quand en 2012, Florence, directrice de l?école, découvre qu elle est allergique au blé. Assistante sociale, elle s est rendue compte qu elle prenait soin des autres et que son employeur ne prenait pas soin d elle ni de ses collègues. Partant de ce constat, elle a voulu créer une entreprise bienveillante où chacun puisse avoir la place de s exprimer. La mesure de la performance d?une entreprise aujourd hui c?est souvent sa rentabilité. On parle de rentabilité financière. Elle part du principe que « si l humain n?est pas valorisé, il ne se passe rien de beau ».
Suite à son allergie au gluten, elle décide en 2012 de se former seule avec des moyens difficiles à trouver. Elle se présente à un concours avec Alain Passard, le gagne à sa grande surprise. Forte de ce succès qui lui donne confiance et légitimité qui lui faisaient défaut, elle forme environ 1500 personnes en 6 ans grâce à la participation de comités d?entreprise (Adidas, la Poste, Orange?). Parallèlement, elle assure des missions chez des professionnels de la restauration concernant le sans gluten. Florence a peu à peu proposé une cuisine sans protéines animales, ni beurre, ni crème, ni produits laitiers d origine animale. Toucher des professionnels lui permet de démocratiser la cuisine végétale.
L?étape de la certification
Florence obtient son agrément d organisme de formation certifié Qualiopi et devient éligible à des financements. Son école est située dans une ferme au pied du Garlaban dans la région d Aubagne. Aucun panneau, aucune visibilité l?annonçant, elle n?a pas eu le temps de penser à sa communication visuelle ! Elle a formé 102 personnes en un an, a assuré 8 sessions de 3 semaines (70% de stagiaires femmes et 30% hommes), deux sessions de pâtisserie et 4 sessions d?une semaine. L?école est ouverte à tous. Certains stagiaires viennent car ils sont en recherche d un métier créatif plus en adéquation avec leurs valeurs, d?autres sont chefs et viennent se former pour répondre aux demandes plus fréquentes d une clientèle allergique ou végétarienne. Notre échange est ponctué par le bruit des blenders, les casseroles s entrechoquent, les stagiaires échangent, s aident, interpellent Ariane pour avoir une précision, rient et goûtent leurs préparations.
Sur une session de trois semaines les deux premiers jours sont consacrés à la théorie; avec quelques exercices pratiques et à partir du troisième jour la pratique est prédominante.
Du je au nous
Enseigner à un groupe de neuf personnes qui ne se connaissent pas est une aventure en soi. Constatant qu?en milieu de session certains stagiaires faisaient face à des angoisses qui se répercutaient sur le groupe, Florence a mis en place des outils d intelligence collective. Ainsi, tous les matins et tous les soirs, un rituel est instauré. Il permet de partir du je pour aller vers le nous. Un temps pour soi, une méditation, des règles collectives du type « la parole est libre dans la limite du jugement et du débat » ou des mots clés comme écoute, humour peuvent être rajoutés au fil de la session ou des besoins de chacun. L idée est que chacun se sente bien individuellement pour aller vers le groupe. Extérioriser ce qui ne va pas et en informer les autres permet l entraide et la cohésion nécessaire au bon fonctionnement d une brigade en cuisine. « Ils viennent pour faire de la cuisine et se retrouvent avec du développement personnel autour, c est un peu une embuscade » dit-elle en riant. En effet, ses stagiaires habitent partout en France, à Londres et en Belgique. Ce qui la frappe le plus c?est que personne n a confiance en soi. Cette formation les transforme aussi intérieurement en leur donnant des clés pour gérer leurs émotions en eux mêmes et face à autrui.
Co-construire
Ici tout le monde co-construit son savoir, les stagiaires s inspirent les uns des autres, sont connectés entre eux. Grâce au lien créé pendant la formation, ils restent en contact à l issue de celle-ci générant du soutien pour ceux qui décident de se lancer dans l?entreprenariat. Florence est persuadée que la concurrence est une histoire du monde d avant et qu il y a de la place pour tout le monde, « il y a un nouveau paradigme, on n?est plus dans la loi du plus fort, cela n existe plus, on est entrés dans l ère de la coopération. Quand je mets dix personnes dans une cuisine et que je donne la même recette j?ai dix résultats semblables mais différents. C?est l énergie qui est mise dedans qui est unique et singulière à chacun ».
Elle invite ses stagiaires à créer leur propre cuisine en prenant comme exemple ces recettes de grand mère dont on a la liste exacte des ingrédients et le déroulé, mais qui n?auront jamais le même goût que l original.
Et après
Après la formation deux personnes sur trois concrétisent leur projet professionnel, 10% des formés se rendent compte que ce n est pas pour eux. Il y a ceux qui attendent la fin de la crise sanitaire pour se lancer et continuent leur ancien métier. Et la grande majorité trouvera du travail avec cette spécificité végétale ou créera son entreprise..
Cuisiner c est partager, c est faire plaisir et selon elle, ce sont souvent des personnes qui n arrivent pas à dire les choses avec les mots qui passent par la cuisine pour s exprimer. «Les seules limites sont celles que l on se met ! »
Le végétal avant tout
Sa volonté est de planter des graines, pas de clamer haut et fort de ne pas manger d animaux. D?ailleurs il n est nulle part inscrit sur son site internet le mot vegan auquel elle préfère largement celui de végétal. « Si les personnes veulent rajouter de l?animal, elles peuvent le faire, il est plus facile de remettre que d?enlever. Chacun fait comme il peut, comme il veut, il est plus intéressant pour moi d amener du positif. »
Florence, une formidable jeune femme, ne compte pas s arrêter là puisqu elle étudie le fait de créer une certification propre à la cuisine végétale et potentiellement d expliquer son travail dans des écoles spécialisées afin de toucher encore plus de monde?
Menu du jour:
Pain alfalfa, pesto d?épinard, crufiture de poire et jeunes pousses, fleurs.
Ravioles crues poires, radis meat, betterave chiogga, et butternut farcies au pesto, crème fermentée cajou
Petits farcis chou vert et blettes, champignons sautés, brunoise de légumes, moutarde et bouillon cru
Raw cake : carottes et noix + bouchées tout chocolat et chantilly coco.