Congo Paradiso
La Grande Guerre Africaine, ou seconde guerre du Congo, est devenue la plus meurtrière depuis la seconde guerre mondiale.
On estime entre trois et six millions, le nombre de victimes depuis août 1998, pour le seul Congo. Ce conflit a fait plus de morts que la guerre de Bosnie, d'Irak et d'Afghanistan réunis. Si elle s'est officiellement terminée en juin 2003 avec l'accord de paix de Pretoria, elle se poursuit jusqu'à aujourd'hui dans les provinces du nord et du sud Kivu, à l'extrême est du pays.
La guerre dure depuis longtemps parce que tout le monde y gagne. Les grandes multinationales, les revendeurs de matières premières, les dictatures des pays voisins, mais aussi les simples citoyens qui peuvent enfin gagner un peu d'argent après les années de misère, sous Mobutu. L'économie s'est militarisée, la violence s'est commercialisée. Des soldats proposent leurs services à tous, pourvu qu'ils soient payés. La haine ethnique ressemble à s'y méprendre à la concurrence commerciale.
Enrôlés de force ou, volontaires, par désir de vengeance, ou pour manger, des milliers d'enfants se retrouvent dans les groupes armés. On les appelle les Kadogos. Les mêmes enfants dont s'était servi Kabila et ses alliés étrangers pour renverser Mobutu.
On leur a appris à se battre, à voler les minerais aux mains des groupes ennemis. Ils ne coûtent pas cher, avec un peu d'argent ou la promesse de pillages rentables, ils rejoignent les milices. Avec un peu de drogue, ils n'ont plus peur de rien. Chez les Maï Maï, de la bouillie et quelques gris-gris suffisent aux enfants pour monter en première ligne, sans armes à feu, mais simplement avec des lances, des machettes. Un peu de nourriture, quelques habits, et les filles se donnent aux soldats. Au plus fort de la guerre, on avançait le chiffre de 30 000 enfants vivant avec des groupes armés, un triste record mondial pour la République Démocratique du Congo.
Des opérations de démobilisation ont été mises en oeuvre par l'ONU dès la signature de l'accord de paix de 2003. Elles ont permis de libérer et de réinsérer dix-huit mille enfants.
Au centre BVES à Bukavu, Ils sont quatre-vingt enfants soldats, fraîchement sortis des groupes armés. Ils sont nombreux à avoir tué, pillé, violé. Ils ont vu la mort, ils ont connu la faim, la drogue, l'alcool, la solitude, l'abandon, la prostitution. Ils ont entre 10 et 17 ans et ce ne sont plus vraiment des enfants. L'armée leur a tout donné. L'arme c'est leur père, l'arme c'est leur mère. Elle a forgé leur identité.
Congo Paradiso
The Great African War, or second Congo war, has become the deadliest since the Second World War.
The number of victims since August 1998 is estimated at between three and six million in Congo alone. This conflict has claimed more lives than the Bosnian, Iraq and Afghanistan wars combined. Although it officially ended in June 2003 with the Pretoria Peace Agreement, it continues to this day in the provinces of North and South Kivu, in the far east of the country.
The war has been going on for a long time because everyone wins. Large multinationals, resellers of raw materials, dictatorships of neighboring countries, but also ordinary citizens who can finally earn some money after years of misery, under Mobutu. The economy has become militarized, violence has become commercialized. Soldiers offer their services to all, provided they are paid. Ethnic hatred looks very much like commercial competition.
Enlisted by force or, willingly, out of revenge or to eat, thousands of children end up in armed groups. They are called Kadogos. The same children Kabila and his foreign allies used to overthrow Mobutu.
They were taught to fight, to steal the minerals from enemy groups. They are cheap, with a little money or the promise of profitable looting, they join the militia. With a little drug, they are not afraid of anything anymore. In the Mai Mai, porridge and some gris-gris are enough for children to go up on the front lines, without firearms, but simply with spears and machetes. A little food, some clothes, and the girls give themselves to the soldiers. At the height of the war, 30,000 children were living with armed groups, a sad world record for the Democratic Republic of Congo.
Demobilization operations have been implemented by the United Nations since the signing of the 2003 peace agreement. They have freed and reintegrated eighteen thousand children.
At the BVES center in Bukavu, they are eighty child soldiers, fresh out of armed groups. Many of them killed, looted, raped. They saw death, they experienced hunger, drugs, alcohol, loneliness, abandonment, prostitution. They are between 10 and 17 years old and they are not really children anymore. The army gave them everything. The weapon is their father, the weapon is their mother. She has forged their identity.