Transnistrie : une jeunesse entre exil et quête de modernité
2024-2025
À la frontière, un soldat au visage fermé, parle russe et inspecte votre passeport d’un regard méfiant. Aucun doute : vous venez d’entrer en Transnistrie. Cette bande de territoire coincée entre le fleuve Dniestr et la frontière ukrainienne, officiellement rattachée à la Moldavie, vit pourtant en dehors du temps et du droit international.
Depuis la chute de l’Union soviétique, la Transnistrie s’est autoproclamée indépendante. Jamais reconnue par la communauté internationale, elle continue d’affirmer son existence sous les traits d’un État parallèle, soutenu par Moscou. Dans la capitale Tiraspol, les statues de Lénine veillent toujours sur des boulevards silencieux, et les armoiries soviétiques ornent encore les bâtiments administratifs. Les roubles transnistriens circulent, mais n’ont de valeur qu’à l’intérieur de ses frontières.
La guerre en Ukraine, si proche, a ravivé les tensions et les fractures dans ce territoire où stationnent encore 1500 soldats russes. L’ombre de Moscou pèse toujours, et les anciens — souvent retraités de l’armée ou fonctionnaires de l’ère soviétique — vivent grâce à des pensions versées par la Russie. Leur loyauté à l’ancien empire reste intacte. Ils incarnent une mémoire figée, fidèle à une époque disparue.
Mais une autre Transnistrie tente d’émerger, portée par une jeunesse lassée de l’isolement. Nombreux sont ceux qui quittent la région pour étudier ou travailler ailleurs : à Chișinău, Varsovie, Moscou voire Paris. Leurs récits évoquent un exil plus qu’un départ : partir, c’est souvent ne plus revenir. La crise énergétique de l’hiver 2024-2025, aggravée par l’instabilité régionale, a précipité cette fuite. Privée de perspectives, la jeunesse transnistrienne glisse lentement vers l’ailleurs, abandonnant derrière elle les ors fanés de l’Union soviétique.
Transnistria: youth between exile and the quest for modernity
2024-2025
At the border, a soldier with a closed face speaks Russian and inspects your passport with a wary glance. There's no doubt about it: you've just entered Transnistria. This strip of territory, wedged between the Dniestr River and the Ukrainian border, is officially part of Moldavia, but lives outside time and international law.
Since the fall of the Soviet Union, Transnistria has proclaimed itself independent. Never recognized by the international community, it continues to assert its existence under the guise of a parallel state, supported by Moscow. In the capital Tiraspol, statues of Lenin still stand vigil on silent boulevards, and Soviet coats-of-arms still adorn administrative buildings. Transnistrian rubles circulate, but only have value within its borders.
The war in Ukraine, so close at hand, has rekindled tensions and fractures in this territory, where 1,500 Russian soldiers are still stationed. The shadow of Moscow still looms large, and the elders - often retired from the army or civil servants from the Soviet era - live on pensions paid by Russia. Their loyalty to the former empire remains intact. They embody a frozen memory, faithful to a vanished era.
But another Transnistria is trying to emerge, driven by a youth weary of isolation. Many are leaving the region to study or work elsewhere: in Chișinău, Warsaw, Moscow or even Paris. Their stories evoke an exile rather than a departure: leaving often means never coming back. The energy crisis of winter 2024-2025, compounded by regional instability, has precipitated this flight. Deprived of prospects, Transnistrian youth are slowly slipping away, leaving behind the faded golds of the Soviet Union.