Ginette
Lors d'une consultation de médecine générale, une patiente réunionnaise me dit un jour qu'elle recevait « cent kilos de sucre comme prime chaque année » alors qu'elle travaillait dans une des usines sucrières de l'île. Que faire de ces cent kilos ? Elle les partageait, avec sa famille, ses ami·es et ses voisin·es, comme tou·tes les employé·es de l'usine. Le diabète a suivi la voie qui lui était tracée.
A la Réunion, cette maladie chronique est un fléau qui touche près de dix pourcents de la population. Ginette Zora vit avec cette maladie depuis sa dernière grossesse. 36 ans après, elle dit s'y être habituée. Elle a vécu les différentes évolutions des traitements, les seringues d?insuline à remplir soi-même, les incessantes piqûres des doigts, et la révolution de se scanner le bras. Volontaire et impliquée dans le suivi de sa maladie, elle n'aura pas pu éviter la pose de deux stents cardiaques, les injections intravitréennes pour lui empêcher de perdre progressivement la vue? Ou la rupture de son tendon d'Achille, alors même qu'elle allait s'inscrire à la piscine.
Mais si elle dit vivre normalement, c'est surtout qu'elle n'a pas eu d'autre choix que de normaliser sa vie avec la maladie. Les chiffres qui s'affichent sur son lecteur de glycémie, trop bas ou trop hauts, l'obligent à des choix radicaux dans sa manière de s'alimenter ou de bouger. La pression qui pèse sur les personnes atteintes de diabète va au-delà ce leur propre comportement. Ce sont les conséquences économiques, sociales et environnementales des modes de vie contemporains qui favorisent, dans une certaine mesure, cette maladie.
Motivée, je l'ai d'abord rencontrée car elle est « patiente ambassadrice » de MUTA, une mutuelle investie auprès de la santé des patient·es réunionnais·es. Avec l'Association Diabète Nutrition, elle donne son avis de patiente pour améliorer les propositions faites aux femmes et aux hommes dans sa condition.
Rencontre avec Ginette, en tête-à-tête avec sa vie, sa maladie et son parcours de soins.
Saint-Denis, 2022
Ginette
During a general medical consultation, a patient from Reunion Island told me one day that she received "one hundred kilos of sugar as a bonus every year" while working in one of the island's sugar factories. What to do with these hundred kilos? She shared them with her family, friends and neighbors, as did all the workers in the factory. Diabetes followed her path.
In Reunion Island, this chronic disease is a scourge that affects nearly ten percent of the population. Ginette Zora has lived with this disease since her last pregnancy. 36 years later, she says she is used to it. She has lived through the different evolutions of treatments, the insulin syringes to fill herself, the incessant finger pricks, and the revolution of scanning her arm. Voluntary and involved in the follow-up of her disease, she could not avoid the installation of two cardiac stents, intravitreal injections to prevent her from losing her sight... Or the rupture of her Achilles tendon, even though she was about to join the swimming pool.
But if she says she lives a normal life, it's mostly because she had no choice but to normalize her life with the disease. The numbers on her blood glucose meter, too low or too high, forced her to make radical choices about how she ate or moved. Motivated, I first met her because she is a "patient ambassador" of MUTA, a mutual insurance company invested in the health of Reunionese patients. With the Diabetes Nutrition Association, she gives her opinion as a patient to improve the proposals made to women and men in her condition.
Meeting with Ginette, face to face with her life, her disease and her care path.
Saint-Denis, 2022