Chez Mario
Le lieu est invisible, ou presque, lorsqu'on passe en marchant dans la rue.
Sombre et un peu vieillot. Dans son jus comme on dit.
Il y a dans la pénombre de la tristesse un peu, dans ce vieux bar de ville où le temps s'est figé.
On se parle parfois. Mais on se tait aussi.
Mario en bon patron va choisir la musique, sur un lecteur CD comme on n'en croise plus. Brel, et ça râle un peu parce que c'est quand même triste.
Les habitués sont là. Certains sont las, aussi.
Le carrelage se fissure, comme leurs coeurs seuls, sans doute.
Mais il y a une tendresse, aussi, dans les yeux fatigués.
Des verres plein pour trinquer, des verres vides pour penser.
Des bras qui se retrouvent. Des doigts pointés vers l'autre. Des conversations fortes où personne ne s'écoute.
C'est un endroit pour soi, pour tuer la solitude.
Un vieux bar de quartier pour des vies qui se croisent.
Un monument caché pour tuer le vague à l'âme.
Super Mario's Bar
The place is almost invisible when you walk past on the street.
A little dark, a little old-fashioned. Just as it used to be.
There's a sense of gloom and sadness in this old town bar where time has stood still.
We talk sometimes. But they are also silent.
Mario, like a bar owner, is going to choose the music. On a CD player like no other.
The regulars are there. Some are weary, too.
The tiles are cracking, like their lonely hearts, no doubt.
But there's a tenderness, too, in the tired eyes.
Full glasses to toast, empty glasses to think.
Arms folded. Fingers pointing at each other. Loud conversations where no one listens to each other.
But a place to yourself, to kill the loneliness.
An old neighbourhood bar where lives intersect.
A hidden monument to kill the blues.