4721 KM AU SUD
4721 KM au Sud
177 Jours à Dakar
4721 KM au Sud. 177 jours de photographie. Une expérience extraordinaire, pleine de rencontres, de relations humaines profondes.
Une expérience pleine de découvertes.
C'est sans doute la première vraie photo que j'ai faite dans les rues de Dakar. Au moment où elle a été prise, je venais
d?arriver sur l'île de Gorée il y a tout juste une semaine.
J'ai vu cet homme au loin. Trois mètres avant la scène que vous avez en image, j'ai d'ailleurs dit à Arthur, avec qui je visitais la ville pour la première fois « Té, regarde! » en parlant de la potentielle photo que j'allais faire.
J'ai déclenché. « Tchic » a fait l'appareil. Le soir, ou plutôt une fois rentré, j'avais cette image.
Je ne regarde que très rarement mes images. Je suis mon instinct quand je photographie la rue.
Avec une certaine timidité sans doute.
Ensuite, j'ai laissé errer mon regard dans les rues, les places et les plages de Dakar. J'aime la façon dont les gens ici évoluent dans l'espace.
Arrivé à Dakar, la première chose que j'ai remarqué fut le trafic. Les bouchons sont immenses à l'entrée de la ville. Les véhicules sont pour la plupart des vieilles voitures et camions qui roulaient en
Europe à l'époque où mes parents avaient mon âge. Des Peugeot 504, des vielles Mercedes, mais aussi ces gros camions bien plus vieux, ceux des années 60, avec leurs grosses cabines jaunes et leurs pots d'échappement d?où sort une épaisse fumée noire.
C'est aussi le cas des bus publics, ces vieux véhicules dont la carrosserie est réparée avec des rivets. Ils ont un fonctionnement particulier ici: il y a le chauffeur et son apprenti. Ce dernier est assis au fond du bus, dans une sorte de guichet fait de grilles soudées sur une structure en métal. C'est là que sont achetés les tickets de bus. L'apprenti en est le gestionnaire. Parfois, il prend le volant quand le chauffeur est fatigué, bien que ce soit interdit.
Pour moi, Dakar est une ville inconnue de la photo de rue. Elle regorge de tant de situations inconnues de nous, occidentaux et néophytes.
Beaucoup de choses arrivent sous mes yeux ici. J'ai à ce moment même un seul endroit en tête, La Fabrique. Là où sont réalisés les vêtements et accessoires en Wax. Dans beaucoup de pièces comme celle-là, des enfants et des jeunes hommes travaillent derrière leurs machines à coudre. Ça sent la transpiration, une odeur chaude.
Dans les rues, il y a beaucoup de boutiques. Des vendeurs de fruits et légumes, des bouchers, des vendeurs de vêtements. Celles-ci m'attirent le plus. Les vêtements sont colorés. Ils sont placés sur de vieux mannequins.
Dakar, c'est aussi des textures et des lumières inconnues à mes yeux.
Toute la journée, les Dakarois font des aller-retours dans les rues, vacant à leurs occupations.
Comme toutes les villes du monde, à Dakar, il y a quelques quartiers
emblématiques.
La Médina, c'est le vieux quartier résidentiel de Dakar, le quartier de l'impossible. Un quartier extrêmement vivant, plein de commerces. Là-bas, il est impossible de faire une seule photo. Non pas parce que les habitants y sont réticents, mais parce qu'il y a trop d'activités. Les commerces s'enchaînent les uns après les autres. Un dédale de ruelles où se trouve le marché Tilène. Sa partie principale est au sein d'un vieux bâtiment industriel, une sorte de vieille gare, puis il continue à l'extérieur. Les gens y vendent des poules, à moitié assommées par la chaleur, des grains, des légumes. A chacune des entrées du marché, à l?intérieur, se trouvent des vendeurs d?or. Ils exposent fièrement leurs colliers et bagues dans des vitrines. Plus loin au coeur du bâtiment se trouvent des bouchers, principalement des hommes, qui vendent différentes viandes. Du poulet au boeuf. Il y a toujours cette odeur particulière. Une odeur de chair, de sang, qui seincruste dans le nez, dans le cerveau. Qui, même une fois à l'extérieur, persiste.
Il y a quelques endroits comme celui-ci. Colobane, Pethersen, Sandagua, Karmel ou Yoff entre autres. À l'exception de Tilène et Karmel, tous sont situés sur des grandes avenues ou dans les carrefours routiers. De tout les marchés de Dakar, le plus intéressant est Karmel.On y trouve de tout. Situé dans le quartier de Plateau, on y accède la plupart du temps par une rue perpendiculaire à la Place de l?Indépendance. En prenant cette rue, on trouve des vendeurs de vieux. Ces hommes d'une cinquantaine d'années vendent des moineaux que l'on lâche en faisant des vieux. On peut voir un peu plus loin un des nombreux vendeurs de masques. Ceux-ci sont exposés sur un mur, à côté d'un fleuriste. Depuis le port, pour accéder à Karmel, il faut traverser la rue des quincaillers. Ils y vendent de tout, de la balle de tennis aux chaînes en passant par les écrous, câble électriques et autres. C'est aussi là où ils fabriquent et réparent des palettes en bois.
Une fois arrivé à Karmel, ce qui saute au yeux sont les gens. Tous paraissent occupés, même les vieillards assis contre la Halle. On peut tout y trouver, des attrape-touristes, des poivrons, des crevettes ou même de la viande de requin.
C'est ça le marché Karmel: une halle circulaire à la charpente métallique. Les échoppes à l'intérieur sont disposées en cercle, de façon à suivre les murs de la halle. Des femmes et des hommes vendent des légumes installés en équilibre, de gros tas de tomates et courgettes, des bouquets de menthe et tant d'autres. En allant plus au centre du marché, on trouve les bouchers et les poissonniers. Il fait plus frais au centre. Le sol glisse à cause de la glace fondue qui devait garder les poissons au frais, et de l'eau qui a servi à les laver.
Pour y rentrer, il y a quatre larges et hautes portes, avec une horloge à leur sommet.
La halle faite de briques foraines est encerclée d'un dédale de boutiques faites de bois qui, avec le temps et la peinture, ont prises une couleur gris délavé, et qui ont pour guise de toit des tôles métalliques.
A 18h, les milans dessinent des ronds dans le ciel.
Le ciel, dégradé de blanc et de bleu, est irradié par le soleil couchant. Seule la poussière vient légèrement le jaunir. Il est unique. Je n'ai jamais vu de telles couleurs.
Tout les jours, les oiseaux planent dans ce ciel jusqu'au début de la nuit, où tout disparaît. Le monde change radicalement. Il n'y a plus de circulation dans les petites rues. Seuls les grands axes sont réellement animés. Les taxis à la recherche de passagers, les devantures des restaurants allumés avec dedans, leurs clientèles. Il y a quelques vendeurs de clopes dans des croisements ou aux embranchements des ruelles. Celles-ci sont noires, sans lumières, intrigantes. Effrayantes parfois. Il s'y passe une autre vie. Il y a des entrées de boîtes de nuit, et quelques groupes de femmes qui attendent leurs clients. Quelques centaines de mètres plus loin, à un croisement éclairé, il y a des boutiques où sont vendus des produits de première nécessité. On peut voir des habitants rentrer chez eux retrouver leurs familles.
Demain, dès le levé du soleil, tout recommencera.
Les photographies figurant dans ce livre ont été réalisées entre Octobre 2022 et Mars 2023, pendant un séjour au Sénégal. Je remercie ma famille, mes parents et ma soeur pour leur aide et leur soutien depuis la France. Je remercie mes amis en France et au Sénégal pour leur immense soutien. Arthur, Loic, Daouda et tout les autres. Je remercie Yrneh de m'avoir montré un autre chemin de vie en tant qu'artiste.
Je remercie ma famille à Gorée, Néné, Fatou, Moustapha, Abdou, Matar, Aissatou et Daouda encore, pour m'avoir ouvert les yeux et le coeur sur cette vie, sur cette culture qui m'est devenue chère. Je les remercie de m'avoir ouvert sur ce monde et sa simplicité. Je remercie aussi les Baye-Fall de Gorée pour m'avoir ouvert les yeux sur un autre monde.
4721 KM TO THE SOUTH
4721 KM to the South
177 Days in Dakar
4721 KM to the South. 177 days of photography. An extraordinary experience, full of encounters, deep human relationships.
An experience full of discoveries.
This is probably the first real photo I took in the streets of Dakar. At the time she was taken, I was arrived on Goree island, just a week ago.
I saw this man in the distance. Three meters before the scene you have in the picture, I told Arthur, with whom I was visiting the city for the first time "look! " talking about the potential photo I was going to take.
I triggered. "Tchic" made the device. In the evening, or rather once I got home, I had this image.
I only very rarely look at my images. I follow my instinct when I photograph the street.
With a certain shyness no doubt.
Then, I let my eyes wander through the streets, squares and beaches of Dakar. I like the way people here evolve in space.
Arrived in Dakar, the first thing I noticed was the traffic. The traffic jams are huge at the entrance to the city. The vehicles are mostly old cars and trucks that drove in
Europe at the time when my parents were my age. Peugeot 504, old Mercedes, but also these big trucks much older, those of the 60s, with their large yellow cabins and exhaust pipes from which a thick black smoke comes out.
This is also the case for public buses, these old vehicles whose bodywork is repaired with rivets. They have a special operation here: there is the driver and his apprentice. The latter is sitting at the back of the bus, in a kind of window made of grids welded on a metal structure. This is where bus tickets are purchased. The apprentice is the manager.
Sometimes he gets behind the wheel when the driver is tired, although it is forbidden.
For me, Dakar is an unknown city from the street photo. It is full of so many situations unknown to us, Westerners and neophytes.
A lot of things happen before my eyes here. At this moment, I have only one place in mind, La Fabrique. Where Wax clothes and accessories are made. In many rooms like this, children and young men work behind their sewing machines. It smells of perspiration, a hot smell.
In the streets, there are many shops. Fruit and vegetable sellers, butchers, clothing sellers. These attract me the most. The clothes are colorful. They are placed on old models.
Dakar is also textures and lights unknown to me.
All day long, the Dakar?s Inhabitants go back and forth in the streets, vacant to their occupations.
Like all cities in the world, in Dakar, there are a few emblematic neighborhoods.
The Medina is the old residential district of Dakar, the district of the impossible. An extremely lively neighborhood, full of shops. There, it is impossible to take a single photo. Not because the inhabitants are reluctant, but because there are too many activities. Shops follow one after the other. A maze of alleys where the Tilène market is located. Its main part is in an old industrial building, a kind of old station, then it continues outside. People sell chickens, half stunned by the heat, grains, vegetables. At each market entrance, inside, there are gold sellers. They proudly display their necklaces and rings in shop windows. Further in the heart of the building are butchers, mainly men, who sell different meats. From chicken to beef. There is always this particular smell. A smell of flesh, blood, which is embedded in the nose, in the brain. Which, even once outside, persists.
There are a few places like this. Colobane, Pethersen, Sandagua, Karmel or Yoff among others. With the exception of Tilène and Karmel, all are located on major avenues or in road intersections. Of all the markets in Dakar, the most interesting is Karmel. You can find everything. Located in the Plateau district, it is accessed most of the time by a street perpendicular to Place de l'Indépendance. By taking this street, we find wish sellers. These men in their fifties sell sparrows that are released by making vows. You can see a little further on one of the many mask sellers. These are exposed on a wall, next to a florist. From the port, to access Karmel, you have to cross the rue des quincaillers. They sell everything from tennis balls to chains, nuts, electric cables and others. This is also where they manufacture and repair wooden pallets.
Once you arrive in Karmel, what is obvious are the people. All seem busy, even the old men sitting against the Halle. You can find everything, tourist catchers, peppers, shrimp or even shark meat.
This is the Karmel market: a circular hall with a metal frame. The stalls inside are arranged in a circle, so as to follow the walls of the hall. Women and men sell vegetables installed in balance, large piles of tomatoes and zucchini, bouquets of mint and so many others. Going further to the center of the market, we find butchers and fishmongers. It's cooler in the center. The ground slides because of the melted ice that was supposed to keep the fish cool, and the water that was used to wash them.
To enter, there are four wide and high doors, with a clock at their top.
The hall made of fairground bricks is surrounded by a maze of shops made of wood that, over time and paint, have taken on a faded gray color, and which have metal sheets as a roof.
At 6 p.m., the milans draw circles in the sky.
The sky, gradient of white and blue, is irradiated by the setting sun. Only the dust comes to slightly yellow it. He is unique. I have never seen such colors.
Every day, birds hover in this sky until the beginning of the night, where everything disappears. The world is changing radically. There is no more traffic in the small streets. Only the main axes are really animated. Taxis looking for passengers, the fronts of restaurants lit with inside, their clientele. There are a few cigarette sellers in crossings or at the junctions of the alleys. These are black, without lights, intriguing. Scary sometimes. There is another life going on. There are nightclub entrances, and a few groups of women waiting for their customers. A few hundred meters away, at an illuminated intersection, there are shops where basic necessities are sold. We can see residents returning home to find their families.
Tomorrow, as soon as the sun rises, everything will start again.
The photographs in this book were taken between October 2022 and March 2023, during a stay in Senegal. I thank my family, my parents and my sister for their help and support from France. I thank my friends in France and Senegal for their immense support. Arthur, Loic, Daouda and all the others. I thank Yrneh for showing me another way of life as an artist.
I thank my family to Gorée, Néné, Fatou, Moustapha, Abdou, Matar, Aissatou and Daouda again, for opening my eyes and heart to this life, to this culture that has become dear to me. I thank them for opening up to this world and its simplicity. I also thank the Baye-Fall of Goree for opening my eyes to another world.