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« GHEYA » DU CAIRE, les plumes de l'espoir.
Lorsqu'on se promène au Caire, et qu'on lève les yeux au ciel, on peut observer de poétiques chorégraphies de pigeons qui volent en groupe, autour de surprenantes tours de bois, construites au somment des immeubles de la ville.
J'ai eu envie d'en savoir plus, d'observer de plus près, de rencontrer les personnes qui élèvent ses pigeons pour en comprendre la culture.
C'est un passe temps totalement transgénérationnel, qui occupent les anciens comme les plus jeunes. Chauffeurs de taxi, bijoutiers, écoliers, épiciers... tous des GHAOUI (passionnés) de Hamâm (pigeons) qu'ils élèvent des dizaines de volatiles dans leur GHEYA ou GHIA (tour en bois décorées construites sur les tours des immeubles)
Les pigeons ne sont pas les seuls animaux à fréquenter les hauteurs de la ville sur les toits-terrasses. Volailles, lapins, moutons, chèvres, porcs et même vaches sont relégués sur les toits lorsque l'espace manque au sol. En effet, depuis les 30 dernières années, Le Caire a connu un développement frénétique : la superficie de la ville a triplé et sa population a doublé pour atteindre 23 millions d'habitant en 2022.
Les cairotes élèvent des pigeons principalement pour 3 raisons : pour le plaisir (on parle alors de colombophilie), par nécessité économique (un investissement souvent lucratif) mais aussi pour la cuisine (sa viande est très appréciée)
L'élevage de pigeons est pratiqué depuis des siècles en Égypte, notamment car sa viande est réputée : Le « hamâm mahchi » (pigeonneau farci au riz ) est un mets recherché, notamment pour ses vertus aphrodisiaques supposées.
Alors qu'élever des pigeons est relativement peu coûteux, cela peut aussi s'avérer lucratif pour un connaisseur. Il faut compter une centaine de Livres par semaine (environs 4 €) pour nourrir une cinquantaine de pigeons.
Chaque vendredi une foule dense se bouscule dans les ruelles étroites du marché aux animaux d'Al Sayeda, pour y acheter ou vendre ses champions. (Le prix varie de 30 à 1500 livres selon la race, la couleur du plumage ou l'endurance).
Une passion profondément ancrée dans la culture égyptienne.
Les pigeons font aussi l'objet de joutes en Égypte. Les lâchers quotidiens s'accompagnent de jeux : les éleveurs font voler leurs pigeons en espérant ramener des oiseaux dans leur pigeonnier. L'adversaire tente alors, parfois contre une rançon, de récupérer les oiseaux dotés de bagues indiquant leurs dates de naissance et les coordonnées du propriétaire.
En Égypte l'Union nationale en organise au moins deux grandes courses par an, Le Caire - Salloum (nord-ouest, 600 km) et La Caire -Assouan (sud, 700 km). Les pigeons de course les plus rapides peuvent atteindre des pointes à 100 km/h. Mais les concours les plus courus sont les « derbys » informels avec des prix pouvant atteindre 2,5 millions de livres égyptiennes (environ 100.000 euros)
« Regardez les s'envoler, c'est beau » : dans un pays où il est peu prudent de s'exprimer sur le pouvoir autocrate du général Sissi, et où réussir à nourrir correctement sa famille est devenu une lutte quotidienne, je n'ai pu m'empêcher de voir dans cette passion pour les pigeons, la parabole d'un désir de libération, de liberté.
"GHEYAs" OF CAIRO, the feathers of hope.
When you walk around Cairo and look up to the sky, you can see poetic choreographies of pigeons flying in groups around amazing wooden towers built on top of the city's buildings.
I wanted to know more, to observe more closely, to meet the people who raise these pigeons to understand their culture.
It is a totally transgenerational pastime, which keeps the old and the young busy. Taxi drivers, jewellers, schoolchildren, grocers... all GHAOUI (pigeon enthusiasts) who raise dozens of birds in their GHEYA or GHIA (decorated wooden towers built on the towers of buildings)
Pigeons are not the only animals to frequent the heights of the city on the roof terraces. Poultry, rabbits, sheep, goats, pigs and even cows are relegated to rooftops when there is no space on the ground. Indeed, over the past 30 years, Cairo has undergone frenetic development: the city's surface area has tripled and its population has doubled to reach 23 million inhabitants in 2022.
Cairoites raise pigeons mainly for 3 reasons: for pleasure (this is known as pigeon racing), for economic necessity (an often lucrative investment) and also for cooking (its meat is highly appreciated).
Pigeon breeding has been practised for centuries in Egypt, particularly because its meat is renowned. The "hamâm mahchi" - a pigeon stuffed with rice - is a sought-after dish, particularly for its supposed aphrodisiac virtues.
While raising pigeons is relatively inexpensive, it can also be lucrative for the connoisseur. It costs about 100 pounds a week (about €4) to feed about 50 pigeons.
Every Friday, a dense crowd of pigeons rushes through the narrow streets of the Al Sayeda animal market to buy or sell their champions. (The price varies from 30 to 1500 pounds depending on the breed, the colour of the plumage or the endurance).
A passion deeply rooted in Egyptian culture.
Pigeons are also the object of jousting in Egypt. The daily releases are accompanied by games: breeders fly their pigeons in the hope of bringing back birds to their loft.
The opponent then tries, sometimes for a ransom, to recover the birds with rings indicating their dates of birth and the owner's details...
In Egypt the National Union organises at least two major races per year, Cairo - Salloum (northwest, 600 km) and Cairo - Assuan (south, 700 km). The fastest racing pigeons can reach speeds of up to 100 km/h. But the most popular competitions are the informal "derbies" with prizes of up to 2.5 million Egyptian pounds (about 100,000 euros)
"Watch them fly away, it's beautiful " : n a country where it is unwise to speak out against General Sissi's autocratic rule, and where managing to feed one's family properly has become a daily struggle, I couldn't help but see in this passion for pigeons a parable of a desire for liberation, for freedom.