La Colline des Tsiganes de Soroca
La ville de Soroca, au nord-est de la Moldavie héberge la plus grande communauté rom du pays. Dans un quartier qui surplombe le fleuve Dniestr et domine le reste de la cité, vivent près de 3000 Roms (sur les 9000 que comptent ce petit pays d'Europe de l'Est).
La "colline des Tziganes", comme on l'appelle ici, est un lieu surprenant où les habitations rivalisent d'excentricité, de grandiloquence, d'exubérance et de kitsch. Véritables palais flamboyants et baroques aux inspirations multiples (néoclassique, oriental..), avec une profusion d'ornements et de sculptures, imitant parfois des monuments célèbres : la Maison Blanche, Saint-Pierre de Rome, le théâtre du Bolchoï... Mais nombre de ces édifices n'ont jamais été achevés ou semblent être à l'état d'abandon. Les rues en terre et les cours des villas envahies d'herbes folles sont quasiment désertes. Cette impression de déliquescence nous parle d'une période d'ors et de fastes aujourd'hui révolue. Quelle histoire se cache derrière ces portails rouillés et ces façades en moellons de la colline des Tsiganes ?
L'histoire de l'ascension économique des Roms de Soroca a réellement commencé dans les années 1960 lorsque le régime soviétique a ouvert une métallerie à Soroca où la plupart des Roms ont été embauchés en raison de leur savoir-faire reconnu dans ce domaine. La communauté a ensuite commencé à s'enrichir en faisant valoir leurs compétences directement dans d'autres parties de l'Union Soviétique. Mais c'est surtout à la fin des années 1980 et au tout début des années 1990 pendant la perestroïka, que des membres de la communauté rom de la colline firent fortune en créant des coopératives privées de sous-vêtements, fabriqués à domicile et vendus dans toute l'URSS au porte-à-porte. C'est de cette période que datent la plupart des maisons au luxe ostentatoire qui appartenaient à ces nouveaux riches. Si pour les Roms de Soroca, le régime soviétique rime avec abondance, avec la chute de l'URSS, c'est toute cette économie qui s'est effondrée. La colline des Tsiganes autrefois appelée la "capitale des Roms d'Union soviétique" n'est plus que l'ombre d'elle-même et la communauté appauvrie a dû vendre peu à peu ses biens et s'expatrier - à l'instar d'une grande partie de la population moldave - pour tenter de sauvegarder ce qu'il reste de leur patrimoine. Quant aux constructions arrêtées en cours de chantier, outre le manque de moyens pour les terminer, la fiscalité moldave exonère de taxes les propriétaires de maison inachevées.
Soroca Gypsy Hill
The town of Soroca, in north-eastern Moldova, is home to the country's largest Roma community. In a district overlooking the Dniestr River and dominating the rest of the city, live nearly 3000 Roma (out of the 9000 in this small Eastern European country).
The "Gypsy hill", as it is called here, is a surprising place where the houses compete in eccentricity, grandiloquence, exuberance and kitsch. Real flamboyant and baroque palaces with multiple inspirations (neoclassical, oriental...), with a profusion of ornaments and sculptures, sometimes imitating famous monuments: the White House, Saint Peter's in Rome, the Bolshoi theatre... But many of these buildings were never completed or seem to be abandoned. The dirt streets and villa courtyards overgrown with weeds are almost deserted. This impression of decay tells us of a period of gold and splendour that is now over. What is the story behind the rusty gates and rubble facades of Gypsy Hill?
The story of the economic rise of the Roma in Soroca really began in the 1960s when the Soviet regime opened a metal factory in Soroca where most of the Roma were employed because of their recognised expertise in this field. The community then began to grow by selling their skills directly to other parts of the Soviet Union. But it was mainly in the late 1980s and early 1990s, during perestroika, that members of the Roma community on the hill made their fortunes by setting up private cooperatives of underwear, sold door-to-door throughout the USSR. Most of the ostentatiously luxurious houses belonging to these nouveau riche date from this period. For the Roma of Soroca, the Soviet regime was synonymous with abundance, but with the fall of the USSR, this entire economy collapsed. The Gypsy hill once called the "capital of the Roma of the Soviet Union" is now a shadow of its former self, and the impoverished community has had to sell off its possessions little by little and expatriate itself - like a large part of the Moldavian population - in an attempt to preserve what remains of their heritage. As for the buildings that were stopped during construction, apart from the lack of means to finish them, Moldovan taxation exempts the owners of unfinished houses from taxes.