lumières !
-- Aux franges de la ville la nuit profonde a tôt fait de faire valoir sa loi. Entre la route départementale et la nationale 104, réduite à un mince trait lumineux, l'inconnu inquiétant de l'obscurité impénétrable domine. L'éclairage urbain transfigure les paysages les plus banals.
-- En faisant reculer la nuit, il souligne l'absence de l'homme : échangeur autoroutier, table de ping-pong et panneau de basket, prennent des allures étranges et menaçantes. Il suffit que les restes de la nature ou les traces de l'activité humaine soient visibles pour rendre cette nuit illuminée moins angoissante. Les arbres, les voies de chemin de fer et les camions devinés donnent un aspect plus chaleureux aux entrepôts du boulevard Ney. Quelques herbes folles, révélées par la lumière artificielle, suffisent à neutraliser le fantastique du béton illuminé des autres clichés. Jusqu'à l'usine de traitement des résidus où les fumées (en réalité de la vapeur) trahissent la présence rassurante du travail humain.
-- Les photos de Flins et de Cergy délivrent l'une des clefs de l'étrangeté ressentie devant cette débauche d'électricité : pour la première un bout de chaussée ordinaire sous les frondaisons d'arbres débonnaires et de bien réglementaires panneaux de circulation. On reste dans le quotidien. De l'autre, symétrique, l'illumination d'un arbre isolé au milieu d'un espace rendu inquiétant par sa vacuité. On est alors dans un monde irréel, esthétique et lyrique. Comme avec le trait vert du laser qui raie le ciel à Cergy en direction de Paris dont on distingue les lumières au loin.
-- Un trait qui survole les usines illuminées, les rutilants distributeurs de billets, dont il faut avoir le code, pour atteindre enfin le coeur de la cité, ici représenté par une rue de Rouen. Une rue où la nuit semble pour de bon vaincue par l'homme, par ses oeuvres et sa culture. Pourtant, la ville, dans ses lumières chaudes et réconfortantes, reste environnée par une nuit qui en fait le siège et s'apprête à la submerger.
Monique et Michel Pinçon-Charlot, sociologues. in REGARDS, novembre 2005.
lumières !
-- Aux franges de la ville la nuit profonde a tôt fait de faire valoir sa loi. Entre la route départementale et la nationale 104, réduite à un mince trait lumineux, l'inconnu inquiétant de l'obscurité impénétrable domine. L'éclairage urbain transfigure les paysages les plus banals.
-- En faisant reculer la nuit, il souligne l'absence de l'homme : échangeur autoroutier, table de ping-pong et panneau de basket, prennent des allures étranges et menaçantes. Il suffit que les restes de la nature ou les traces de l'activité humaine soient visibles pour rendre cette nuit illuminée moins angoissante. Les arbres, les voies de chemin de fer et les camions devinés donnent un aspect plus chaleureux aux entrepôts du boulevard Ney. Quelques herbes folles, révélées par la lumière artificielle, suffisent à neutraliser le fantastique du béton illuminé des autres clichés. Jusqu'à l'usine de traitement des résidus où les fumées (en réalité de la vapeur) trahissent la présence rassurante du travail humain.
-- Les photos de Flins et de Cergy délivrent l'une des clefs de l'étrangeté ressentie devant cette débauche d'électricité : pour la première un bout de chaussée ordinaire sous les frondaisons d'arbres débonnaires et de bien réglementaires panneaux de circulation. On reste dans le quotidien. De l'autre, symétrique, l'illumination d'un arbre isolé au milieu d'un espace rendu inquiétant par sa vacuité. On est alors dans un monde irréel, esthétique et lyrique. Comme avec le trait vert du laser qui raie le ciel à Cergy en direction de Paris dont on distingue les lumières au loin.
-- Un trait qui survole les usines illuminées, les rutilants distributeurs de billets, dont il faut avoir le code, pour atteindre enfin le coeur de la cité, ici représenté par une rue de Rouen. Une rue où la nuit semble pour de bon vaincue par l'homme, par ses oeuvres et sa culture. Pourtant, la ville, dans ses lumières chaudes et réconfortantes, reste environnée par une nuit qui en fait le siège et s'apprête à la submerger.
Monique et Michel Pinçon-Charlot, sociologues. in REGARDS, novembre 2005.